J'étendais mon linge quand Gustavine vint me voir pour me dire qu'une femme était venue à la maison, mais était repartie car je n'étais pas là. Priant à ma belle – fille de continuer ma tâche, je courais vers la maison de Gabrielle, où je la trouvais agenouillée près de la porte d'entrée, pleurant toutes les larmes de son corps, je tentais de la rassurer.

—''Que se passe-t-il ? La relevais - je

Elle hocha la tête de droite à gauche, en me regardant, les yeux rouges.

—''Dites-moi Gabrielle… Pourquoi pleurez-vous ?

—''Je… je n'arrive pas à donner d'enfant à Jean et il menace de partir avec François… J'ai peur Louise, de me retrouver seule…

—''Calmez-vous, pleurer ne sert à rien, vous lui avez déjà donné un fils, ne s'en contenterais-t-il pas ?

—''Il me dit que … Que je ne sers à rien, que je suis une mauvaise épouse… Ces paroles me blessent…

—''Il n'est pas très gentil avec vous en effet, vous avez toujours vos parents, sans doute pourraient -il vous aider s’il partait…

—''Mais je resterais célibataire toute ma vie, aussi personne ne voudrait d'une femme de trente ans qui est stérile.

—''Gabrielle regardez-moi… Vous n'êtes pas stérile, puisque François est né. C'est bien votre fils ?

—''Oui…

—''Alors vous voyez, cela viendra, il ne partira pas de si tôt ne vous inquiétez pas. Allez, cessez de pleurer et rassurez François, qui est très malheureux de vous voir dans cet état.

Sur ces mots, je donnais un baiser sur la joue trempée de mon amie, et retournais chez moi retrouver mes enfants. Émile et Léon – Paul étaient assis calmement autour d'un livre, j'en profitais pour m'occuper de Michel, que j'oubliais un peu depuis quelques temps.

—''Mon petit Michel, voudriez-vous apprendre à lire ? Lui demandais – j’impatiente de lui donner ses premiers apprentissages.

—''Oui ! Me répondit – t-il enjoué en tâtant mon visage.

D'abord, je tentais de le faire lire au doigt avec mes fameux poinçons, mais comme il ne connaissait pas les lettres de l'alphabet, ce fus compliqué. Je lui demandais : à quoi vous fait penser cette lettre ? Avec le doigt, il n'y arrivait pas, tout était trop petit, il ne discernait pas les contours des lettres. C'est comme cela que je m’investissais dans ses apprentissages, en fixant sur un support en bois les vingt – six lettres en cubes du jeu pédagogique d’Émile. Je recommençais et cette fois, il parvenait à discerner parfaitement les formes des lettres, qui étaient très grosses et très en relief. D'abord je lui apprenais la lettre A, il tâtait, je lui disais encore et encore pour qu'il mémorise le nom de la lettre, il répétait A, A, A. Nous passâmes au B, puis au C, au D et enfin au E. C'était déjà bien pour ce soir, j'espérais simplement qu'il n'aurait pas tout oublié le lendemain.

Le soir venu, une fois que les enfants étaient couchés, je parlais des apprentissages de Michel avec Léon, il paraissait de mauvaise foi.

—''Vous vous plaignez d'avoir trop de travail, mais n'oubliez pas que vous êtes en train d'essayer d'apprendre la lecture a un enfant qui ne voit même pas ses mains et ignore jusqu'à la notion de couleur. Laissez – le donc en paix, a quoi bon de toute façon lui apprendre toutes ces choses-là, il ne vous quittera jamais et ne fera jamais d'études.

—''Je veux qu'il devienne un garçon autonome, et qu'a l'âge du mariage il soit parti.

—''Vous perdez le nord Louise, et même s’il apprend à lire, aucun livre n'est écrit en relief à part ceux que vous faites avec vos poinçons. Cela ne sert à rien, laissez tomber.

—''Je ne souhaite pas que Michel reste illettré toute sa vie…

—''Ce que vous lui apprenez ne lui servira à rien, dans la rue, dans les journaux, dans les livres, tout est écrit pour les voyants.

Au fur et à mesure que Léon me parlait, je prenais conscience de l'inutilité de mes efforts. Demain, j'arrêterais.