Chapitre 26L: février 1778

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Quand le lendemain Michel vint me solliciter enjoué pour que je lui apprenne la suite de l'alphabet, je l'ignorais, par peur de le décevoir si je lui annonçais ma défaite. Devant mon impassibilité, il se posta droit comme un i devant moi et cria en tapant du pied :

—''Je veux apprendre ! Je veux apprendre ! Je veux apprendre !

—''Michel, cela ne vous servirait à rien…

—''Pourquoi hier vous m'avez appris et là vous voulez plus m'apprendre ?! Je vous déteste, de toute façon je sais que vous me détestez tous et que je suis un boulet !

—''Arrêtez Michel. Calmez – vous !

Mon neveu tapa encore du pied et quitta la pièce en courant, il connaissait si bien la maison à présent que l'on aurait pas cru sa cécité. J'en avais gros sur la conscience, j'avais été trop vite et avait fait imaginer quelque chose d'impossible et d'inutile à mon neveu, qui avait vraiment envie d'apprendre.

Une nonne vint frapper à ma porte un matin venteux et pluvieux, je la connaissais bien : elle s'occupait des inscriptions pour l'école et donnait la classe a Gustavine et Malou, les enfants l'adorait, elle s'appelait Sœur Émilie. Elle m'expliqua que Michel était venu la voir pour apprendre à lire, et elle demandait mon consentement, bien sûr j’acceptai, je voulais ce qu'il y avait de mieux pour mon neveu. Surprise qu'il ait fait cette démarche seule, je la laissais rentrer dans la maison, mais n'écoutais même pas ce qu'elle me disait ensuite.

—''Comment ? Me demanda-t-elle croyant que j'avais répondu à sa question.

—''Quoi ? Oh pardon vous me parliez ?

—''Oui je vous demandais, qui étaient les parents de Michel ?

—''Son père s'appelle Auguste Meursault et sa mère s'appelait Camille Châteauroux. Pourquoi ?

—''D'accord. C'était juste pour savoir, ma sœur s'est mariée à un homme qui portait le même nom. Victor Meursault, cela ne vous dit rien ?

—''Non.

Sœur Émilie regarda par la fenêtre, puis elle remit sa veste sur ses épaules et soupira.

—''Il faut que je rentre au carmel, je vous remercie de m'avoir invitée.

La jeune femme se leva du fauteuil. En ouvrant la porte d'entrée, elle laissa un courant d'air parcourir le salon et glacer mes pieds. Elle provoqua les aboiements de Lion, toujours attachée. Pensive, je la regardais partir depuis la fenêtre du salon, la pluie tombait en petites gouttes, le ciel était très noir à l'horizon. Je repensais aux enfants : puisque je ne les entendais pas, c'est qu'il se passait quelque chose d'anormal…

Je montais de plus en plus inquiète, et marchais a pas de loups vers leur chambre. Je m’approchais pour regarder par la porte : Léon – Paul, assis sur son lit près de son petit frère attentif, un livre à la main, lui racontait l'histoire que je lui avais dix fois contée. Le récit de la naissance de Jésus, qu'il connaissait par cœur. Je laissais ensuite mes deux petits hommes pour m'en aller voir Malou et Michel. Ma nièce dessinait allongée par terre, elle me lança un regard malicieux, tandis que son frère était assis au bureau, la tête soutenue par ses mains, fatigué. Où était Gustavine ? J’allais voir dans ma chambre. Ma belle – fille lisait allongée sur mon lit.

—''Que faites-vous ? Sortez d’ici, allez donc étudier dans le salon. Je verrouillais derrière moi, un excès de curiosité étant vite arrivé.

C'est France qui m'annonça la nouvelle.

Louise,

Charles, le fils d’Élisabeth, vient de se fiancer à une jeune femme de dix–neuf ans prénommée Emma, c'est sa marraine qui avait fait se rencontrer les deux jeunes gens, et nous pouvons dire qu'ils se sont plu. L’Agnès est ravissante et d'après les parrains, ils se connaissaient déjà avant. Les parents d'Emma et les parrains de Charles ont tout arrangé pour trouver un appartement au couple et financer leurs noces. Le mariage devrait avoir lieu au mois de février de l'année prochaine, je suis impatiente. Charles est lui aussi très content de devenir époux, il me parle souvent de Emma, plusieurs fois elle passa à la maison. L'an prochain mon fils Georges aura quatorze ans, de ce fait en négociant un peu il pourra assister au mariage, je suis tellement heureuse de le retrouver ! Mon enfant chéri lui aussi se mariera dans quelques années, mais en attendant, il termine ses études. Son père Joseph a décidé qu'il deviendrait soldat, car il a dit que c'était le métier le plus gratifiant pour un jeune homme, qui lui permettrait de suffisamment gagner sa vie et de trouver une épouse de bonne famille. Depuis la mort de Thérèse, j'ai repris la vie la tête haute, je vous remercie d'avoir fait venir Madeleine la dernière fois, depuis elle est revenue, quelle douceur, et ses filles sont très sages, très studieuses.

Portez-vous bien,

France.

Chère France,

Sommes-nous invités au mariage ? Si c'est le cas nous nous ferions un plaisir de venir assister aux noces de Charles, que j'ai connu nouveau – né, cela me fait une drôle de sensation de le savoir bientôt marié. Sinon nous nous contenterons de leur rendre visite après les noces, ce n'est pas si grave après tout. Je suis heureuse pour vous que vous puissiez revoir votre fils Georges l'an prochain, un jeune homme à présent. Je suis heureuse que vous ayez retrouvé le moral, malgré les drames qui ponctuent votre vie. Chez nous, les enfants grandissent vite, puisque Émile vient d'avoir deux ans, et Léon – Paul fêtera cette année ses cinq ans. J'espère pour vous que Georges pourra venir au mariage de Charles, j'aimerais tant le revoir, il doit avoir beaucoup changé depuis la dernière fois où je l'ai vu !

Louise

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