Chapitre 18B: juin - juillet 1769

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En attendant le baptême, nous laissâmes la famille ensemble. Je regardais le fils avant de les laisser tranquille, qui avait une épaisse chevelure brune, et je caressais sa peau fripée, il ouvrit un instant les yeux, fit une sorte de grimace avec sa langue, et retomba dans le sommeil. C'était mon neveu et j'étais vraiment très fière de ma sœur.

Au bout d'une heure, j'accompagnais la famille pour le baptême de l'enfant. Le nouveau - né sortait pour la première fois de la chambre qui l'avait vu naître, mais il s'en fichait bien, ses petits yeux de bébé clos, son sommeil était mérité. Après le trajet jusqu'à l'église, je prenais le couffin du nouveau – né pour que nous puissions y entrer. Le prêtre nous connaissait bien, il avait pratiqué mon baptême, celui de ma sœur, de mon frère, et nous le voyions tous les dimanches lors de la messe. Le petit garçon était sorti de son sommeil dans d'affreux pleurs, que je tentais de calmer par mon petit doigt à suçoter, entièrement dés–emmailloté, puis confié au prêtre qui après avoir prononcé ces paroles :

— '' Auguste Joseph Marie Meursault, ego te baptiso in nomine Patris et Filii et Spiritus sancti, sic sit

Il le plongea dans l'eau froide des fonds baptismaux, déclenchant les hurlements de plus belle du bébé, sa bouille rouge et humide, et il lui fis le signe de croix sur le front avec l'huile sacrée. Il rédigea l'acte de baptême sur le registre, sans application si bien que je n’aurais pas pu relire après lui, les parrains et marraines furent choisi, la tante d'Auguste père, son oncle, sa sœur, puis nous rhabillâmes le bébé et nous rentrâmes. Camille retrouvait son fils comme si l'étoile qu'il représentait s'était éteinte le temps du baptême, le serrant dans ses bras et baisant son visage apaisé encore trempé des larmes. Je restais un long moment avec Camille puis je rentrais, elle et son fils avaient besoin de calme et de repos.

Ma sœur sortit de couches une semaine environ après la naissance de son fils, et la routine repris son cours, une routine particulière et inédite pour nous. Auguste fils avait une nourrice, une paysanne charnue chargée de lui donner son lait. Cependant, si une femme nourrissait son bébé, Camille n'était pas épargnée de devoir se lever la nuit pour aller le consoler. La fois où je revoyais ma sœur après son accouchement, elle m'avait l'air fatiguée, énervée. J'apprenais que son enfant ne faisait pas ses nuits, pleurait des heures durant sans cesse, de fait que Camille se posait la question de si elle s'occupait bien de lui. J'avais beau la rassurer, lui dire d'engager une bonne, elle ne m’écoutait pas. Tant pis pour elle, ce n'était de toute façon pas mon enfant.

Un soir, alors que je nettoyais la vaisselle, Célestin confortablement installé dans le fauteuil de Jean, me dit comme s'il il s'agissait de la chose la plus banale du monde :

— Je vous ai trouvé un prétendant, vous vous marierez l'année prochaine.

Je ne pus m'empêcher de m'écrier :

—''Quoi ?!

—''Il s'appelle François Dupeyron. Bon, il n'est que marchand, mais vous vous en contenterez. Frottez la vaisselle, vous avez encore un plat à récurer.

Le monde s'écroulait, je ne voulais pas vivre cela, quelqu'un d'autre, mon frère, lui-même, mais pas moi. Sans même finir de nettoyer les plats, je courais vers ma chambre, je devais faire un mauvais rêve. Après m'être pincée, je devais me rendre à l'évidence : j'étais bien dans le monde réel. Malgré que ce soit pour moi une très mauvaise nouvelle, je m'empressais d'aller l'annoncer à Camille dès le lendemain. Lorsque j'entrais dans l'appartement, elle cassait des amandes, assise seule à la table du salon. Ma sœur leva les yeux, et sourit lorsqu'elle me vit.

— ''Vous avez quelque chose à m'annoncer. Alors ne me faites pas attendre, dites !

—''Je vais me marier... L’année prochaine !

Camille se leva et m'embrassa sur le front, comme si c'était une bonne nouvelle. Non, ce n'était pas une bonne nouvelle, non ce n'était pas une bonne nouvelle.

—''Comment dois-je le prendre ? Bien que je sois heureuse pour vous... excusez-moi un instant.

Interrompu par l'enfant qui pleurait, elle quitta la pièce pour aller le chercher.

Elle revint avec le bébé dans les bras, immobile dans ses mailles serrées. Camille s'assit de nouveau en le berçant de droite à gauche.

—''Je disais que j'étais heureuse pour vous, mais... il faut seulement que votre mari soit le bon.

—''C'est à dire ? Répondis–je quelque peu inquiétée

—''Je ne veux pas vous préoccuper, vous verrez bien. Clos-t-elle la conversation en donnant son petit doigt à suçoter au bébé.

Je m'assied près d'elle et prenais Auguste fils dans mes bras. Je fus surprise par l'odeur qu'il dégageait.

—''Voulez-vous que je vous aide à changer ses mailles ?

—''Si cela ne vous dérange pas, je l'ai pourtant lavé avant qu'il ne dorme.

Je me levais avec l'enfant dans les bras et m'apprêtais à aller le changer. C'était une opération longue et peu agréable, mais pour le confort de nos narines et surtout celui du nouveau – né, il fallait l'effectuer dès qu'il faisait. C'est à dire très souvent.

—''Où est Auguste ? Lui demandais-je interloquée

—'' Il est à son travail. Je ne le vois pas beaucoup, mais cela m'importe peu après tout, il fait ce qu'il veut de sa vie.

—''C'est votre mari tout de même. Vous avez un droit de regard sur ce qu'il fait.

—''Je sais bien que c'est mon mari Louise, mais voyez, je me fiche plus que tout de ses occupations.

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