Chapitre 16C: juillet - septembre 1767

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Le silence régnait, France chez elle avec ses enfants et son époux, tout était calme. Marguerite nous inquiétait, son état ne s'améliorait pas, elle mangeait de moins en moins et ne quittait plus son lit. Comment ferions nous si elle venait à décéder?

Le lendemain, France revenait avec sa petite famille, Joseph travaillant. Les enfants furent sages : Amédée et Georges s'amusèrent avec une toupie, tandis que Thérèse faisait résonner une mélodie de clavecin dans l'appartement, tout ça sous le regard de leur mère, qui biberonnait Philippe et Marguerite.

—''Voulez-vous venir vous promener avec moi, Camille? Demandais - je à ma sœur qui s'ennuyait.

—''Non, je vais rester ici

—''Cela vous ferait du bien...

—''Non vraiment.

Alors je sortais seule, sous le ciel bleu de Paris. Lorsque je sentais les regards posés sur moi, j’accélérais, cela me gênait. Après une petite balade au bord de la Seine, je rentrais, ce n'était pas tellement drôle de se balader seule. Alors que je me trouvais sur le chemin du retour, j’apercevais mon amie Louise. Arrivée à la maison, je vis que quelque chose n'allait pas, et en repensant au temps, je m'aperçus qu'il était près de vingt heures. Célestin n'était pas content. J'allais passer à l'interrogatoire :

—''Où étiez-vous passée ?!

—''J'étais partie me promener... Il me donna une grande gifle sitôt mon dernier mot prononcé.

—''Vous mentez ! Où étiez-vous ?

—''Je vous dis que j'étais partie prendre l'air !

Il me laissa en paix pour cette fois, mais je savais pertinemment qu'il me retomberait dessus à un moment où a un autre. Si je voulais continuer à voir Paul, il allait me falloir être très prudente.

Le seize septembre au matin, alors que je m'apprêtais à sortir, un France arriva en trombes chez nous un bébé inanimé dans les bras : c'était sa fille Marguerite qu'elle venait de retrouver morte dans son berceau. Ce décès laissa la famille dans un désespoir certain, surtout France. Même si la petite avait seulement deux mois, je m'y étais particulièrement attachée : ce drame me bouleversa, et j'allais me recueillir plusieurs fois sur son petit corps exposé deux jours durant sur le lit de ma mère, chambre inoccupée. France revenait vite à la maison une fois la période de deuil passée, même si elle restait bouleversée. Si Amédée et Georges ne comprenaient pas ce départ inexpliqué, Thérèse elle, savait depuis peu ce qu'était la mort, un simple rappel par Dieu, parfois difficile à vivre. Cela me donnait une impression étrange, lorsque par la suite France biberonnait Philippe, il y avait un vide sur son genou gauche.

Une fois la période de deuil écoulée, je pu reprendre mes sorties extérieures. Comme nous nous étions donné rendez-vous dans un endroit isolé, je retrouvais Paul, il était si doux, j'aimais lorsqu'il m’embrassait dans le cou, et qu'il me chuchotait des pensées a l'oreille. Ces moments, gravés dans la mémoire de ma jeunesse, figurent parmi les plus beaux. Alors que le soir même je m'apprêtais à passer à table, étant rentrée tôt pour ne pas attirer les soupçons, j'entendis Camille me dire rapidement :

—''Ce n'est pas bien du tout Louise.

Avait-on découvert ma relation avec Paul? Comment Célestin allais – t - il réagir? Mon soulagement fut à la hauteur du mécontentement de Marguerite, qui prenait encore ses repas avec nous lorsque la fatigue ne l'emportait pas:

—''Louise, votre prière avant le repas !

Vers septembre, je ne me souviens plus exactement à quelle date, je célébrais ma confirmation, en l'église Sainte – Geneviève. Ce fus une cérémonie qui ne me laissa pas un souvenir mémorable, j'étais censée confirmer mon choix de vivre avec Dieu, ce que je fis sans grand enthousiasme. Philippe pleura durant toute la cérémonie, obligeant sa mère honteuse à sortir de l'église tandis que Georges ne voulait pas rester assis malgré les sermons de son père, attirant les regards vers lui, et les agacements. Lorsque tout fut terminé, je poussais un soupir de soulagement, Joseph et France aussi je pense.

Le petit Georges aimait bien ''discuter'' avec moi. En effet, à deux ans, il déformait les mots, et je m'amusais parfois à deviner ce qu'il voulait dire.

Il y avait deux issues à ces discussions, soit je comprenais ce qu'il voulait et je lui accordais avec l'avis de sa mère, soit je ne comprenais pas, et il finissait par abandonner, vexé et lassé.

Ce mois de septembre, le futur époux de Camille venait demander sa main à Célestin. Il disait l'aimer alors qu'il ne l'avait jamais vu, mais c'était surtout le fait que Camille vienne d'une bonne famille et que ma sœur soit jeune et belle.

Je le voyais pour la première fois, il s'appelait Auguste Meursault, et il n'avait rien de particulier dans son apparence, sauf une moustache brune recourbée et des cheveux bruns impeccablement coiffés. Dès qu'il franchissait le seuil de la porte, Camille s'enferma dans sa chambre, et refusa d'en sortir même après son départ. Célestin, qui n'aurait pas voulu qu'elle lui fasse honte plus tard, tenta de la calmer.

— '' C'est pour votre bien, Camille – Marie, voulez-vous rester célibataire toute votre vie ?

Elle ne répondait pas.

—''Camille, cet homme aura tout pour vous rendre heureuse, vous vivrez sans soucis, il prendra soin de vous, et ce jusqu'à la fin de vos jours.

—''Je ne l'aime pas.

—''Cela ne fait rien, il n'y a pas besoin de s'aimer pour vivre heureux, il a plutôt une bonne situation et un appartement, ce qui compte, c'est que vous ne manquiez de rien. Alors, accepteriez-vous de le rencontrer, ne serait-ce qu'une fois ?

De toute façon, elle n'avait pas le choix, il la verrait.

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