Chapitre 35G: janvier 1786
En fin de matinée, la séparation était douloureuse pour moi comme elle, mais je lui promettais de revenir la voir bientôt. Dès notre retour, je déshabillais mon fils qui menaçait de se vomir dessus, et il se glissa dans son lit. C'était le début de deux jours infernaux pour nous deux. Le surlendemain matin, alors que je m'apprêtais à me lever après avoir passée la nuit a éponger du vomi, je l'entendais crier depuis sa chambre. Accourant, je le découvrais assis dans son lit, tremblant de tout son corps, secoué de spasmes incontrôlables. Comme je ne savais pas quoi faire, je me contentais de l'allonger, et de lui donner un verre d'eau. Paniqué, sa crise quelque peu passée, il se relevait et criait.
—'' Je n'arrive plus à bouger mes jambes maman ! Maman ! Je ne veux pas mourir ! Je ne veux pas partir comme Léon ! Je vous en supplie aidez-moi... Sanglotait-il tandis que je lui caressais les cheveux blonds humides de transpiration. Dans les premiers temps, je n'osa pas le laisser tout seul dans l'appartement pour aller chercher un médecin, mais la peur de le perdre finit par me décider.
Je courais comme une furie jusqu'au cabinet le plus proche. Par chance, le médecin était là. Je lui exposais très rapidement la situation, il attrapa sa mallette et nous courûmes vers l'appartement. A notre arrivée, mon petit garçon s'était un peu calmé, mais il grelottait maintenant. Le médecin écouta son cœur, puis il prit son pouls, avec cet air sérieux qu'arboraient tous les médecins quand ils auscultaient leurs patients, dont on ne savait jamais si c'était parce-qu’il y avait quelque chose de grave ou pas.
Il observa les jambes de mon fils, devenues froides et blanches.
Enfin, le praticien me donna sa conclusion.
—'' Je suis désolé de vous donner ce diagnostic, mais votre petit garçon a dû attraper ce qu'on appelle la paralysie essentielle de l'enfant.
—'' Est - ce grave?
—'' Je ne vais pas vous mentir madame Aubejoux... C'est une très grave maladie dont on ne sort qu'avec beaucoup de chance. Il peut rester paralysé deux mois, dix ans ou bien finir sa vie au lit. Pour lui donner toutes les chances de se rétablir, il lui faut beaucoup de repos, et des soins réguliers sur ses jambes... Sans indiscrétion, avez-vous d'autres enfants ?
—'' J'ai un autre fils qui est aux études en ce moment.
—'' Vous aurez le temps de vous occuper de lui alors... C'était pour savoir si vous auriez le temps pour ses massages. Sinon, je peux tout à fait passer trois ou quatre jours par semaine, moyennant finance bien sûr, pour lui faire ses soins.
—'' Je m'en occuperais. J'ai le temps pour ça. Ne vous en faites pas.
Le médecin quitta l'appartement et la bataille commença. André était très perturbé et il courait à son chevet lorsque je lui annonçais que mon benjamin était gravement malade, mais que pouvait-on faire sinon prier et tenter de le soulager ?
S’ils ne lui permettraient sans doute pas de remarcher, les massages sur ses jambes avaient le don de détendre un peu André, très angoissé par sa maladie. Quand je le sortais du lit pour tenter de comprendre ce qui ne fonctionnait plus, et que j'essayais de le mettre debout, ses pauvres petites jambes pliaient, se tordaient, elles ne le soutenait plus du tout, toutes molles, comme si il eu été un bébé. Pourtant, même si cela était très décourageant, il ne fallait pas le laisser dépérir dans son lit. Il fallait se battre, ainsi, si André ne remarchait jamais, je pourrais toujours me dire que j'aurais fait tout ce que j'avais pu.
Durant la journée, je lui lisais la Bible, assise au bord de son lit, je lui parlais longtemps en caressant ses cheveux blonds, même si il dormait. Le soir, en rentrant, son beau-père lui apportait des biscuits pour le réconforter. Je restais le plus longtemps possible avec André, il n'avait que six ans et besoin de moi dans ces moments difficiles.
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