Chapitre 41C: octobre 1792
Nous passions un après – midi tranquille, je marchais en berçant Bernadette qui venait de terminer de téter, et Jacqueline regardait un livre assise sur les genoux de sa maman, lorsque l'on frappa à notre porte. Malou, la seule qui ne soit pas occupée, alla ouvrir. Sur le seuil, deux officiers vêtus d'uniformes et de casaques bleues se tenaient droits comme des i.
—''Bonjour mademoiselle. Nous cherchons Gustavine Marcel. Il nous aurait été dit qu'elle vivait là.
Malou se tournait vers nous, les yeux inquiets. Gustavine descendit sa fille de ses genoux et se présenta aux deux hommes.
—''Vous êtes Gustavine Marcel ?
—''Oui. Que se passe t-il ?
—''Vous seriez l'épouse d'un anti-monarchiste ayant participé à des réunions pourtant interdites. Étienne Marcel, vous le connaissez, n'est-ce pas ? Il serait le père de Marie-Camille, Jacqueline Marcel, née le 26 juin 1790 à Rouen, et de Gustavine, Marie, Bernadette Marcel, née le 16 août 1792 à Rouen.
—''En effet ce sont ses enfants et les miens. C'est mon mari mais je suis en instance de divorce.
—''Bon, nous allons vous conduire au poste de maréchaussée pour vous interroger. Suivez – nous.
Gustavine quittait donc l'appartement en suivant les deux officiers. Je n'étais pas inquiète. Ce ne serait qu'un simple interrogatoire. Jacqueline me fixait, ne devant pas comprendre ce qui arrivait à sa mère. Je tentais de la rassurer.
—''Ne vous inquiétez pas princesse. Ce soir, vous reverrez votre maman.
Malou, voyant son inquiétude, s'accroupissait devant la petite fille et lui prenait les mains.
—''Dites – moi Jacqueline. Voudriez – vous venir m'aider à préparer un gâteau ?
Docilement, elle suivait la jeune femme dans la cuisine. Malou prenait beaucoup de plaisir à préparer des desserts, gourmande comme elle était, mais je pense que son plaisir était décuplé lorsqu'elle pouvait le partager avec un petit enfant.
Je voyais les heures qui défilaient et Gustavine qui ne revenait pas. Cela m'inquiétait d'autant plus que Bernadette hurlait, n'ayant pas pu téter. Je promenais le nouveau – né pour l'apaiser, et même si cela fonctionnait au début, bientôt je n'y parvenais plus. Nous attendîmes son retour jusque tard dans la soirée, avant de nous résigner à nous coucher. Morte de fatigue après avoir dépensé son énergie à pleurer, Bernadette s'endormait le ventre vide, dans son tiroir ouvert, près de Malou qui caressait ses mains dodues.
Ce n'est que le lendemain, pendant que Jacqueline croquait dans sa tartine beurrée, que Gustavine rentrait, bien fatiguée, après plusieurs heures d'interrogations et une nuit au poste de maréchaussée.
Après nous avoir saluer, elle embrassait Jacqueline et elle s'asseyait dans le canapé pour allaiter sa petite Bernadette affamée. Pendant ce temps, elle nous racontait sa soirée et sa nuit auprès des officiers qui arrêteraient prochainement Étienne, pour le jeter en prison. Elle n'était accusée de rien, ayant seulement été témoin des absences de son mari.
Le deux octobre, je l'accompagnais chez le notaire pour aller signer l'acte de divorce. A notre grand soulagement, Étienne était présent. Je restais en dehors du cabinet le temps du rendez – vous et à la sortie, Gustavine sautait de joie, car il devrait lui verser tous les mois une rente qui équivalait un certain pourcentage de son salaire, et ce, jusqu'à la majorité des filles.
Cette somme conséquente lui permettrait de quitter mon appartement et de s'installer enfin chez elle avec les enfants. Dans les jours suivants, et par grande chance, nous lui trouvâmes un petit logement de deux pièces à louer dans le même immeuble que le nôtre. Elle allait enfin pouvoir reprendre le cours normal de sa vie, et nous de même.
Un jour un peu plus tard, Malou vint me voir alors que j'étais assise sur le canapé. Elle s'appuyait sur les accoudoirs comme si elle avait une demande à faire, j'avais l'impression d'être sa mère.
—''Dites – moi Louise... Vous sauriez où pourrait - être la robe de mariée de maman ?
—''Oh ça alors Malou il aurait fallu m'en parler plus tôt. Maintenant que nous avons déménagé encore et encore, cela risque d'être difficile de la retrouver.
La jeune femme se releva et regarda le plafond en rêvant qu'elle la portait, cette robe.
—''Je suis sûre que le propriétaire de notre appartement les conserve, toutes ces affaires. Seulement il faudrait le contacter. J'adorerais voir cette robe et pouvoir me marier avec.
—''Si vous vous lancez dans ces recherches Malou, je vous aiderais volontiers. J'aimerais notamment retrouver ce tableau. Si ça se trouve, il est toujours accroché dans la chambre. Ils sont partis si vite vos parents...
—''De quel tableau parlez – vous Louise ?
—''Je vous expliquerais si nous le retrouvons. Sinon, ce n'est pas la peine de vous décevoir.
Je retournais mes tiroirs, et même si j'étais décidée, je ne pouvais m'empêcher de me poser sur mon lit pour relire soigneusement chacune de ces lettres, surtout celles où c'était Camille qui m'avait écrit. Au bout de ce long travail, sous une pile de papiers jaunis, je finissais par retrouver une enveloppe qui m'indiquait l'adresse de Camille et Auguste avant la naissance de Michel.
Ma nièce, folle de joie, s'empressait de me demander d'aller voir le voisin pour qu'il nous emmène là – bas. Moi, un peu plus réaliste, je préférais attendre le dimanche suivant, pour qu'il ait complètement le temps de nous faire faire l'aller – retour. Elle s'énervait un peu, trop impatiente, mais je lui disait qu'elle n'était pas à quelques jours près.
Gustavine avait bien son logement, mais n'ayant plus besoin de travailler pour vivre, elle passait ses journées chez nous, l'ennui étant le pire ennemi des femmes à notre époque.
Le dimanche suivant après – midi, j'allais voir Guillaume, qui vivait à l'étage au dessus, pour lui demander si il pouvait nous prêter sa voiture ou nous emmener jusqu'à la rue où vivaient il y a plus de vingt ans les époux Meursault. L'homme, occupé à je ne sais trop quoi, n'était pas convaincu à l'idée de me prêter sa petite voiture. Cependant, Malou insista et il finit par accepter de nous emmener.
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