Chapitre 42E: novembre 1793
Je m'inquiétais de ce qu'ils feraient là-bas, mais comme réponse, je n'avais qu'un grand sourire complice. Persuadée qu'il fallait que je fasses confiance à Armand, qui passait la nuit suivante dans un hôtel près d'ici, je les laissais le lendemain partir tous les deux. Gustavine elle aussi se demandait bien où exactement Armand emmenait sa cousine, et, tout en regardant ses filles s'arracher des mains la petite poupée de Bernadette, elle s'adressa à moi:
—''J'espère juste que ce n'est pas un loustic qui la laissera tomber au bout de deux ans.
—''Surtout si il l'emmène avec lui à Bordeaux.
—''C'est prévu ?
—''Si ils se marient oui, je pense qu'il l'emmènera là – bas. Sa famille doit y être.
Six jours plus tard, les deux jeunes gens étaient de retour, plus amoureux que jamais. Si Malou regrettait qu'Armand dusses rentrer chez lui pour conclure la vente des plans d'un château dans le bordelais, elle retira pour de bon le mystère autour de cette escapade.
—''Nous nous sommes rendu à Rouen... Et il est allé demander ma main à mon frère.
—''C'est vrai ?
—''Oui. Je l'avais prévenu qu'Auguste était en période de deuil mais il m'a dit qu'au contraire, cela l'aiderait à retrouver le sourire. J'étais trop contente quand il s'est agenouillé devant mon frère et qu'il lui a demandé si il acceptait de lui donner en mariage sa sœur.
—''Comment a réagi Auguste ?
—''Au début il était très surpris de voir un inconnu arriver chez lui, mais quand il m'a vu et que je lui ait tout bien expliqué, il a sans problème accepté de lui accorder ma main.
—''Et... Savez – vous quand il reviendra ?
—''Il m'a dit qu'il remonterait sur Paris en mars pour nos fiançailles, sur une longue période puisqu’en suite, il resterait ici jusqu'à notre mariage. Il m'a même dit que pour notre voyage de noces, si je voulais, nous pourrions partir en Corse. Vous imaginez, moi, qui n'a jamais vu la mer, et presque jamais mis les pieds en dehors de Paris, aller en Corse ?
—''Restez lucide Malou, vous n'êtes même pas encore fiancée.
Le temps pour ma nièce à attendre jusqu'au mois de mars dû lui être interminable. Nous passâmes la Saint – Nicolas et les fêtes de fin d'année avec les deux fillettes dont la mère avait pris froid et restait clouée au lit, une bouillotte sur ses pieds, un bonnet sur la tête. Je venais un jour sur deux la veiller et lui donner sa soupe, nous alternions avec Malou.
Je le savais, ma jeune nièce ne se rendait pas encore compte de ce qui incomberait lorsqu'elle épouserait Armand. Elle vivait encore dans les bourgeons de son amour, sur ce petit nuage doux et sucré, mais je devais la ramener à la réalité. Un soir, je la hélais, tandis qu'elle passait au salon pour récupérer je ne sais quoi. Elle s'approchait de moi doucement.
—''J'aimerais vous parler, Marie – Louise. Asseyez – vous donc.
—''Depuis toujours, je sais que les choses sont sérieuses lorsque vous m'appelez ainsi. Que se passe t-il donc ?
—''Voilà... D'ici trois mois, vous prendrez en fiançailles cet homme pour lequel je n'éprouve, je vous l'assure, aucune haine ni quelconque jalousie... Devant son expression d'incompréhension, je m'arrêtais.
—''Poursuivez Louise. Me pria t-elle. Même si je ne comprend pas trop où vous voulez en venir.
—''Donc, vous allez vous fiancer, et si tout va bien, cet été, ce sera le mariage. Vous rendez – vous compte de ce qu'implique un mariage ?
—''Je ne suis plus une petite fille. Je sais que je devrais aller vivre à Bordeaux, avec lui, et rencontrer ma belle – famille.
—''D'accord, mais avez – vous seulement conscience que vous serez seule là – bas ? Qu'a douze jours de voyage de Paris, personne de votre famille ne pourra venir vous aider, ou vous rendre visite?
—''Je le sais Louise... Ne vous inquiétez pas. Elle me disait cela avec ce vide dans le regard qui me persuadait qu'elle n'était pas convaincue de ce qu'elle venait de m'affirmer.
A l'écouter, elle était déjà au courant de tout. Bien sûr, je doutais peu de cela car ce n'était pas une femme naïve, mais plutôt de sa capacité à réaliser a quel point ce mariage bouleverserait sa vie, et pour toujours.
—''Ce n'est pas un mariage ordinaire Marie. Il faut que vous en preniez conscience. Vous allez disparaître de ma vie, comme je vais disparaître de la vôtre. Ce seront des adieux, vous ne verrez plus votre frère, Gustavine... Elle se levait subitement et quittait la pièce, au bord des larmes.
Je venais la voir couchée sur son lit, pour la rassurer. Je lui avais peut – être fait peur, mais c'était une réalité qu'il aurait été bien malheureux de comprendre une fois le contrat signé.
—''Malou... Si vous l'aimez vraiment, il ne faut pas que vous vous inquiétiez...
—''Vous m'avez fait peur... Je n'ai plus envie de l'épouser à présent. je crois que je vais tout annuler, Louise. J'ai trop peur de partir aussi loin, finalement.
Regrettant subitement mes mots, je tentais de la convaincre de ne pas renoncer à l'amour, alors que peut – être vivrait t-elle très bien l'éloignement ? Je savais que si elle décidait de quitter Armand, je m'en voudrais toute ma vie.
Quelques jours plus tard, pour essayer d'oublier tout cela, j'usais d'un stratagème.
—''Quelle robe voudrez – vous porter pour vos fiançailles, Malou ?
Elle s'approchait de moi et elle me disait, très calmement.
—''Ne vous ais – je pas dit, hier ou avant – hier, que je ne voulais plus l'épouser ? J'ai pris ma décision, Louise, je veux rester vivre à Paris. Vous ne me ferez pas changer d'avis.
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