Fardeau
Cela faisait des mois qu’il cachait la vérité à ses amis et ses professeurs. Des mois qu’il continuait de suivre son train de vie habituel comme si rien ne s’était passé. Comme si sa famille n’était pas désormais ruinée à cause d’une fraude financière mise en lumière. L’année scolaire dans son école privée avait déjà été payée, aussi il n’eut pas à la quitter. Son père lui avait intimé de maintenir l’illusion pour le bien de leur réputation, espérant qu’ils se remettraient sur pieds avant que quiconque ne s’aperçoive de leur déchéance.
Ainsi, après l’évènement du 3 mai 2048, il tenta de se faire aussi discret que possible, ce qui était perdu d’avance étant donné la popularité dont il jouissait dans son école.
Les premiers jours, divers scandales lycéens éclatèrent : qui était anorexique, quel type de vidéos x regardait telle ou telle personne, qui flirtait par message avec la copine de son meilleur ami… Les conséquences de telles rumeurs étaient déjà terribles avant l’évènement du Dimanche la Brèche, mais depuis qu’il ne s’agissait plus de rumeurs mais de faits avérés, les effectifs du lycée Sainte Colombe avaient chuté drastiquement…
Le 12 mai, en arrivant à l’école, il vit que tous ses amis étaient réunis et l’attendaient. Ils savaient. Comment allaient-ils le prendre ? Serait-il exclu de l’élite de la société comme son père le craignait tant ?
—Pourquoi tu nous as rien dit ? s’indigna Thibault.
—On aurait pu t’aider, ajouta Clarisse.
Pire. La charité.
—Ou au moins te soutenir, dit doucement Safia.
—Et toutes les fois où on est allés déjeuner resto ! Comment t’as fait ?
—J’ai trouvé un travail de gardien de nuit.
—Tu dois être épuisé ! Comment vont tes notes ?
Il sourit à cette question. C’était bien le genre de la studieuse Bérengère. Il fut rassuré de constater que ses amis s’inquiétaient pour lui et ne le rejetaient pas. Il faudrait certes refreiner les pulsions altruistes de Clarisse et rassurer Thibault sur la confiance qu’il lui portait, mais l’un dans l’autre, les réactions dans son groupe étaient réconfortantes. Celles des autres élèves risquaient d’être plus mitigées, mais il était bien entouré pour y faire face.
Son père serait effondré en apprenant que leur secret avait été percé à jour, bien qu’il sût que ce n’était qu’une question de temps depuis la Brèche.
Lui se sentait plus léger. Il n’avait plus besoin de faire semblant. Il pourrait esquiver les sorties restaurant, théâtre et cinéma sans mentir ni blesser ses amis. Il était soulagé.
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