Chapitre XXXI : Balade tropicale

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 « Ce n'est pas la mort non plus, Evi'. Lui glissais-je, en l'attirant à nouveau contre moi. La couleur de ton arme ne définit pas celle de ton âme.

– Peut-être mais. Elle semblait pensive. Quand je vois ma mère, ce qu'elle a fait et ce qu'elle veut obtenir, j'ai peur d'être condamnée. Puis ce n'est pas comme si j'étais complètement innocente.

– Personne ne l'est vraiment, tu sais. Enchérissait Tne'.

– Ça c'est sûr. Le coupais-je. Tu en es la preuve vivante. Tu n'as encore sûrement rien fait de vraiment mal. Mais tu es un pervers.

– Tout à fait ! Lâchait-il en hochant la tête, puis il se rattrapait. Quoi ?!

– Hahaha, les aveux sont faits. Le taquinais-je. De toute manière, nous le savions bien toutes les deux. Et rien que pour ça tu n'es pas un innocent.

– C'est bien l'hospice qui se fout de la charité. Rétorquait-il en soufflant.

– Je n'ai jamais dit que je l'étais. Riais-je, tout en plantant mes yeux dans ceux d'Evi'. Je dirais plutôt que je suis moins innocente qu'avant !

– Sauf que lorsqu'on se roule en gémissant dans le sang des personnes que l'on a au préalable tuées, on est tout sauf innocent. Donc de base...

– Hé ! Au moins je prends mon pied en faisant ça. Pendant que d'autres tirent des mines de six pieds de large...

– De long. De long, Gnas.

– Oui, bon... Ça n'en change pas la mesure pour autant, hein. Ce que je voulais dire c'est que je ne ressens pas ça comme tuer quelqu'un. Même si c'est le cas, un peu.

– Tu veux dire que tu ne te venges de rien ? Tu te bats... Evi' réfléchissait. Pour le sport ?

– Pour les sensations, surtout. Mais je crois avoir trouvé presque aussi bien, peut-être mieux même.

– Et alors, ça consisterait en quoi ? Boire le sang de créatures légendaires ? Pendre des enfants par les oreilles et danser devant ? Ironisait Tne'.

– Tout de suite les mauvaises idées. Non rien de cela. Mais c'est secret. J'avais les idées roses, mon corps avait faim, une faim que je ne connaissais que depuis peu. Avoir vu Evi' nue tout à l'heure, avoir pu admirer ses petits seins fermes, m'avait donné l'eau à la bouche. Seuls les concernés sauront.

– Donc tu ne ressens aucune colère quand tu te bats ? Me demandait Evi'.

– Bah non. Enfin si, quand je me suis battue contre ta copie l'autre jour, j'étais remontée comme un coucou. Mais sinon, je n'ai aucune raison d'être en colère.

– J'imaginais que c'était le cas pour tout le monde, pourtant. Pas toi ? Pas vous ? Se reprenait-elle, incluant Tne, tout en sachant que lui ne se battait jamais ou presque jamais. J'ai pris de mauvaises habitudes, je crois. Lançait Evi'. Ou peut-être fais-je les mauvais liens entre mon histoire et les responsables de ce qu'il m'était arrivé. Quoi qu'il en soit quand je me bats, je suis personnellement assez enragée.

– Moi, je me suis pris la tête avec un herboriste, une fois. Il avait un air renfrogné. Et si personne ne l'a encore retrouvé, et curé, il doit encore et paisiblement vivre sa vie de plante verte, tout bonnement. Les pieds dans la terre. Il m'avait tellement mis en colère.

– Attends. Toi quand tu es en colère tu transformes les gens en plante ? L'interrogeais-je.

– C'est peu commun comme vengeance. Cela dit... C'est le comble. Un herboriste changé en plante... Pouffait Evi', un peu plus détendue.

– Je n'avais pas le choix. Appuyait-il.

– Une plante, quand même... Je regardais Evi', et nous riions au même moment. C'est ce qui s'appelle être vert de rage. J'étais tordue de rire.

– Peut-être que le jour où tu seras très en colère, tu transformeras quelqu'un en arbre. Cela prouverait ton immeeeense fureur. Gloussait alors Evi'.

– Vous faites bien la paire, tiens. Je n'y peux rien si je ne peux pas faire apparaître d'arme. Ronchonnait-il.

– Et encore. L'invoquer serait une chose... Commençait Evi'.

– Mais réussir à s’en servir en serait une tout autre. Continuais-je en pleurant de rire.

– C'est vrai que vu comme ça... Tne' lui aussi se mettait à rire aux éclats. Je pourrais être le premier combattant aplati par sa propre arme. »


 Nous étions tous les trois envahis par une hystérie collective tandis qu'un bruit abyssal coupait notre folie.

 « Pardon. Peinait à dire Evi'. Je crois que je meurs de faim.

– Ça tombe bien. Je crois qu'il y a une auberge dans le petit village que nous avons traversé, avant de nous retrouver dans cette forêt humide.

– Un village ? Mais l'île n'est pas déserte ? Je croyais que... Lançait dubitative Evi'.

– La première fois où je t'ai trouvée ici, c'était le cas. Mais je pense que les tropiques attirent de plus en plus. Un petit hameau tout récent a été construit près du pont qui relie l'île au continent. Terminait Tne'.

– Parfait. Moi aussi je suis affamée. Poursuivais-je. Depuis le village arbi... Arboti...

– Arboricole, peut-être, c'est ça ?

– Oui voilà, le village dans les arbres où habite ta Chachatte. C'était loin quand même. Un jour et demi de marche. Puis les provisions qu'on nous avait laissées... Elle maugréait. Merci, hein. Des boulettes de plante et du pain de farine de racine... Ça va pour... Je croisais le regard un peu contrarié de Tne'. Oui, toi ça te va, d'accord. Moi pas.

Sa Chachatte ? Demandait floue Evi'.

– C’est vrai que je ne t’avais pas dit. Le village dans les arbres où Tne’ a atterri est habité seulement par des femmes félines. Et donc, notre Tne' a le béguin pour la nouvelle Grande Prêtresse. Je gonflais ma voix pour paraître plus sérieuse. Qui a été nommée lors du rituel des pleines lunes. Elle a une sacrée paire de... Enfin, de toute façon, on ne voit que ça des femmes de cette tribu quand on les rencontre. Cela ne m'étonne donc pas que Tne' soit tombé sous le charme.

– Tu raccourcis bien les choses quand même. S'offusquait-il.

– C'est toi qui as failli te faire raccourcir d’une tête, alors du calme le nain. Laissais-je échapper en me moquant de lui. Ah oui, l'autre détail de cette charmante tribu. C'est qu'elles se transforment toutes en gros chat, tu te souviens ? Comme celui de la forêt.

– Celui qui nous était tombé dessus ? Me demandait Evialg d'un ton assez furieux.

– Oui. Je sentais qu'elle allait se mettre réellement en colère. Mais pas de mipré... Euh. Ne te trompe pas, elles ont dit que leurs mâles étaient stupides et qu'ils n'avaient rien à voir avec elles. Enfin je crois. C'est ça ? Questionnais-je Tne'.

– Comme quoi, tu ne faisais pas que regarder les étoiles. Ça peut t'arriver d'écouter.

– Heureusement qu'elles n'ont rien à voir avec l'autre. Sinon je me serais sûrement vouée à devenir bûcheron. Grognait Evi'.

– Elle s'est... Tne' revenait sur ses mots. Elles se sont bien occupées de moi. La coupe est vide. Enfin pleine. Se corrigeait-il à nouveau, sous nos deux regards insistants. Certes, j'étais destiné à une fin bien solitaire, mais que nous soyons désormais réunis tous les trois, prouve bien l'inverse.

– Il bredouille, parce qu'ils ont passé toute la nuit avant notre départ à faire des galipettes dans la hutte, avec la Grande prêtresse.

– Comment tu le sais ?! Tu écoutais à la porte ?! S'indignait Tne'.

– Pas du tout. Mais je me doutais que c'était le cas. L'évoquer a suffi à te le faire avouer. C'est de la psochy... Pyso... Enfin le truc long inversé.

– Tu parles de psychologie inversée ? C'est bien savant pour toi. Me disait Tne', vexé de s'être fait rouler.

– C'est Eruxul qui m'a parlé ça. Il m'a dit que les secrets s'obtenaient comme ça. Sifflais-je toute fière d'avoir retenu comment cela fonctionnait.

– Bref. Quoi qu'il en soit Evi'. Cette tribu n'est pas notre ennemie. J'étais amené à mourir parce que leur localisation doit rester secrète.

– Tant mieux. Elle s'était dégagée de mon étreinte et venait de se lever, difficilement et dénudée, faisant se retourner Tne' en un instant. Bon, peut-être pourrions-nous partir en direction de l'auberge ? Nous confiait-elle, tout en s'étirant face à l'océan limpide et brillant, je lorgnais une fois de plus sur sa stature si fine et si alléchante à la fois.

– Je pense quand même que tu devrais te vêtir un peu. Il est certain que la plage puisse te donner envie d'être si peu habillée, mais là... Il devait fouiller dans son fourre-tout en même temps, car ses mots étaient entrecoupés de bruit de froissement et de cliquetis de fiole. Tiens, c'est un peu simple comme tenue, mais tu n'es pas nue au moins comme ça. Il tendait à l'aveugle un grand pan de tissu.

– Ça fera l'affaire. Disait-elle avant de s'enrouler dedans, cachant à mes yeux, son dos fin et lisse. Elle s'approchait de mon visage. Tu crois que tu pourrais me porter jusqu'à là-bas ? Chuchotait-elle à mon oreille, me faisant vaciller.

– Tout ce que tu voudras. Lui répondais-je, rougissante et excitée. »


 Je la saisissais sous les genoux et sous le buste, hissant son visage près du mien. Je posais sur sa poitrine une main, qu'elle rejoignait de la sienne, tout en encerclant mon cou avec l'autre. Nos regards se croisaient encore une fois, nos visages se rapprochaient, nos lèvres se mélangeaient sous le regard médusé de Tne'. Nos salives nous réchauffaient, sa langue virevoltante m’excitait davantage, et mes jambes vacillaient. Si nous continuions quelques secondes de plus, je l'aurais sûrement dévorée. Là, sur cette plage, sans plus attendre.

 Mais il y avait Tne', je décollais donc sagement ma bouche de la sienne, et je constatais que ses grands yeux blancs n'avaient jamais été aussi beaux que bordés par ses joues, qui comme les miennes dégageaient une chaleur agréable et s'étaient teintées de rougeurs. Ses paupières, malicieusement entrefermées me laissaient tout de même percevoir, que dans le reflet de ces deux perles, j'y étais. Elle aussi, tout en se mordant la lèvre supérieure, m'affirmait que nous convoitions la même chose.


 « Toi. Disions-nous en cœur, face contre face. »


 Un silence suivit cet aveu, rompu par le chant des vagues qui allaient s'éclater sur les pans rocheux non loin de nous. L'astre diurne entamait sa lente descente et colorait la houle d’une robe dorée. Je me rendais compte à cet instant que je n'avais jamais vu l'océan, je n'avais jamais pu constater sa beauté et pu prendre le temps d'admirer son corps infini s'étendre et se rétracter, sans cesse.

 Néanmoins, je comparais les lames de fond qui sillonnaient cette splendide étendue saline avec les immenses dunes que j'avais franchies un nombre incalculable de fois en errant dans le désert. Je me disais que le sable dans lequel je trempais actuellement mes pieds n'était pas bien différent de celui qui avait frappé ma peau, des cycles durant. Alors que je rêvassais, tout en jouant à laisser couler le limon entre mes orteils, nostalgique, Evi' me tapotait l'épaule, et je constatais que le nabot avait commencé à marcher. Je me retournais donc, laissant derrière moi cette grande mare, et les clapotis que le reflux marin générait.

 Porter Evialg ne me demandait presque aucun effort, elle était si peu ballottée que peu de temps après notre départ, elle s'était assoupie, mes bras l'encerclant et la protégeant, j'aurais sûrement fait pareil à sa place.

 La mélodie maritime avait été lentement remplacée par les gargouillis provenant d'une tourbière ; seuls les gazouillis d'oiseaux et les sinistres craquements de vieux arbres, emplissaient l'atmosphère moite de cette sylve sauvage. Des fleurs géantes aux couleurs vives et paranormales agrémentaient le tapis forestier, masquant un ballet composé de milliers de racines, dansant et s'entortillant les unes avec les autres.

 Les rayons de soleil qui parvenaient à traverser le feuillage, formaient des faisceaux ocres, tamisés par la poussière soulevée par notre cheminement et les spores qui parsemaient l'air. Je laissais traîner mon nez sur chacune des senteurs qui balayaient le lieu : la fragrance pourrie émanant des plantes et fruits gâtés me faisait penser au sucre, tandis que la tourbière fourrée de corps d'animaux en décomposition, que nous apercevions par moment, sentait autant le fer que le sang ; le tout se mélangeant pour nous offrir une odeur entre le délice et la putréfaction. Cette mangrove était aussi belle que mystérieuse, Tne’ s’était cependant rapproché de moi pour ne pas s’égarer. C'était bien la dernière chose qu'il fallait faire.

 Bien que cette île selon Tne' ne fût pas immense, passer plusieurs heures dans cette forêt tropicale pourrait causer notre perte, du fait de la toxicité inhérente aux odeurs que je prenais pourtant plaisir à renifler. Je constatais qu'hormis les volatiles qui nichaient bien au-dessus de nos têtes, abrités dans la canopée nous surplombant ; nous n'avions pas croisé une seule bestiole vivante. Les dires du nabot-ailé se confirmaient donc.

 Je le voyais par moment arracher tiges, pistils, plantes et étamines en tout genre dont il fourrait ses fioles. J'avais drapé le visage d'Evialg dans son étole, sans pour autant provoquer son réveil ; je la scrutais, quitte à risquer de trébucher sur un obstacle que je n'aurais pas pu envisager, trop occupée à contempler et savourer sa beauté, endormie et angélique, comme si lorsque ses yeux étaient fermés, elle se transformait en nymphe, calme et rêveuse.

 Tne' qui depuis le début de notre départ de la plage, ouvrait notre lente avancée, me fit signe de la main de me stopper, il tendit sans faire le moindre bruit son doigt en direction d'un bosquet dans lequel une bête semblait paître. L'animal, dont on ne distinguait que le corps pour l'instant, était quadrupède, et ressemblait à un cerf, il devait faire ma taille au garrot et semblait être autant fait de chair que de plantes ; son pelage en effet, était recouvert de fleurs et champignons qui avaient l'air de lui pousser dessus. Nous l'entendions soulever le tapis de feuilles, sûrement pour y chercher sa nourriture, puis finalement, sa tête nous apparaissait.

 La créature avait une double paire de bois qui devait faire trois fois la taille de son crâne, desquelles des ramures partaient dans les tous sens, pointues comme des pieux et blanches comme l'ivoire. Son museau était allongé, et cachait une gueule pleine de crocs, il y trônait un morceau de viande dégoulinant, que le monstre venait de détacher de la proie que nous ne pouvions pas voir et qu'il dévorait bruyamment.

  Cette vue fit gargouiller mon ventre et attira l'attention de l'étrange créature. Scrutant à ses pieds, Tne' souleva une branche et la jeta à proximité de l'immense animal, qui plutôt de nous faire front, arracha la dépouille du sol, et s'enfuit en un éclair, traversant buissons et fourrés en bondissant frénétiquement. Mon compagnon se retournait vers moi, à moitié en colère et à moitié effrayé, comme si nous venions d'éviter de nous faire dévorer.

 « Heureusement qu'il est parti... Je n'aurai pas voulu être son casse-croûte. Lâchait-il à voix basse.

– C'est plutôt l'inverse qui se serait passé non ? Lui répondais-je, tout aussi bas.

– Je n'en aurais pas mis ma main à couper. Il avait l'air dangereux. Tu ne peux pas faire moins de bruit ? Rageait-il, toujours sans hausser le volume.

– Je n'y peux rien si j'ai faim, moi ! Chuchotais-je. Puis c'est quand qu'on arrive, j'en ai marre de la forêt.

– Nous sommes tout proche je pense. Les arbres décroissent petit à petit.

– D'accord. Hé, dis. Lui soufflais-je.

– Quoi ?

– Tu crois que c'est considéré comme manger un légume de croquer cette bête ou pas ? Riais-je.

– Rolala. Parfois on dirait que tu le fais exprès, hein. Allez ne traînons pas.

– D'accord, d'accord. Acquiesçais-je, tout en recalant Evialg contre moi. »


 Tne' avait vu juste, les arbres ne firent que devenir de plus en plus petits à partir de ce moment et quelques minutes plus tard, nous atteignions enfin la sortie de l'émeraude toxique. L'océan se profilait à nouveau à l'horizon et nous arrivions par là-même au petit village côtier. Les maisons étaient ici faites de feuilles et planches prélevées et fabriquées depuis la flore locale, et donnaient ainsi à leurs huttes, un style vraiment très différent des chaumières du continent ; le tout formant un ensemble très hétéroclite aux vues des fantaisies que chaque habitant avait disposé sur les différentes devantures.

 L'auberge se distinguait des habitations par sa taille plus imposante et par la présence de pierres blanches à la base du logis, qui assuraient au local une solidité sûrement plus importante que les cabanes qui l'entouraient.

 La bâtisse ressemblait à une immense botte sur deux étages, et possédait une terrasse, faisant face à une lagune sur laquelle se reflétaient les rayons du Soleil, lagune qui, elle-même était irriguée par un maigre bras de mer. De larges bancs et tables en bois exotique agrémentaient cet espace extérieur, l'emplacement semblait idéal pour enfin se décontracter. Je réveillais Evi' en lui apposant un baiser sur la joue, elle poussait un petit grognement adorable, puis ouvrait les yeux avant de s'étirer et de rejoindre la terre ferme.

« Que c'est beau ici. S'exclamait-elle, en attirant et pressant ma main avec la sienne.

– Peut-être allons-nous enfin pouvoir nous la couler douce ? Suggérait Tne' d'un ton incertain.

– Se la couler douce ? Lui demandais-je. Ça n'intéresse personne de se noyer.

– Ça veut juste dire profiter. Avoir du bon temps.

– Aaaah. Oui alors, je comprends. Je connais un super endroit comme ça... C'est à... Je réfléchissais en pensant à Evi' et à ce que j'avais fait là-bas. C'est à Bourg-en-Or, une superbe auberge avec des bains... Géniaux ! La ville est remplie de gens étranges mais bon, ça c'est opto.. ipto...

– Optionnel ? Me corrigeait Evi'.

– Oui, merci. Optionnel, voilà. Peut-être y irons-nous tous les trois un jour ! Lançais-je enthousiaste.

– C'est vrai que c'est une jolie ville Bourg-en-Or. Mes précédents voyages m'y ont déjà fait séjourner et... Attends. Il réfléchissait. Était-ce un établissement avec une lumière rouge, des bains taillés à même la pierre et... Tu étais dans un bordel Gnas. Pas une auberge.

– Un quoi ?

– Un établissement où l'on paye pour avoir des rapports sexuels. Un bordel. Reprenait Evialg en me regardant bizarrement.

– Ah. Eruxul parlait d’une maison de passe. C'était ça. C'est aussi dans ce village que j'ai acheté Masa-truc. Mon arme vibrait et m'envoyait comme une petite décharge de douleur dans le dos. Hé ! Même mon arme me reprend quand je dis mal un mot maintenant. Ça va oui ! À ces mots les deux autres me regardaient comme si j'étais en train de délirer. Je vous jure ! Mettez votre main dessus. Ils me prenaient alors pour une folle, alors je m'approchais d'eux en me retournant, les incitant à la toucher, ils s’exécutaient. Masa-truc ! Disais-je à nouveau, amenant mon sabre à vibrer à une seconde fois.

– Aïe ! Lâchaient-ils à l'unisson.

– Je vous l'avais bien dit !

– Elle est intéressante cette arme. S'étonnait Tne'.

– C'est sûr qu'elle n'a rien d'habituel. Acquiesçait Evi'. Pour en revenir à ce que tu disais, Tne', je ne suis pas contre profiter un peu du calme aussi. L'endroit est désert et bien isolé, les ennuis ne devraient pas nous poursuivre ici. Avançait Evi' d'un ton apaisé.

– Il ne reste plus qu'à nous assurer que la nourriture et les boissons sont bonnes, et le tour est joué ! Pâmais-je, optimiste et contente de pouvoir enfin me nourrir. »


 Nous allions entrer dans la charmante taverne, lorsque la porte s'ouvrit devant nous, et qu'un homme aux bras recouverts de plumes, et au faciès d'oiseau nous accueillit.

« Bonjour et bienvenu au Cormoran Niché ! Je m'appelle Ghast et je suis heureux de vous proposer repos et repas dans mon humble établissement. S'exclamait-il à une vitesse incroyable.

– Regarde Tne', c'est un cousin à toi ! Gloussais-je.

– Excusez-la. Emboîtait Tne'. Elle ne sort pas souvent alors...

– Il n'y a pas de mal. Reprenait tout aussi rapidement notre hôte. Peut-être a-t-elle raison, après tout. C'est si rare de voir un autre Hulote hors de la Cité-Perchée, je ne saurais pas dire depuis combien de cycles ma femme et moi n'avons pas vu un de nos semblables. Bien que je décèle que tu sois à moitié humain et à moitié Hulote, ça fait quand même plaisir !

– On m’a déjà dit ça, oui, mais je ne saurais l’affirmer moi-même. Merci pour cet accueil en tout cas. Ce n'est pas souvent que l'on nous ouvre aussi sympathiquement la porte.

– Bientôt ils vont roucouler tu crois ? Ou se prendre le bec, qui sait ? Murmurais-je à Evi', qui camouflait son rire.

– Nous serions enchantés de séjourner dans votre auberge quelques jours et nuits, si vous avez des chambres disponibles. Comblait Tne', pour éviter que nous nous fassions mal remarquer.

– Oh oui, il nous reste de la place. Vous savez, cette île est peu visitée, déjà parce qu'elle est excentrée et puis...

– Et puis ? Poursuivait Evi', qui essuyait les larmes de rire qu'elle avait au coin des yeux, reprenant rapidement tout son sérieux à ma grande surprise.

– Les ouragans sont assez fréquents au large de l'île, surtout en ces temps-ci. Cela effraie beaucoup les potentiels touristes qui pourraient venir profiter de cette terre de cocagne et de son soleil radieux.

– Des aléas climatiques il y en a partout, pourtant. Intervenait Tne'.

– Hmmm. Ghast semblait pensif, comme s'il savait quelque chose en plus.

– Sauf que le climat n'a rien à voir avec ces ouragans, c'est ça ? Essayais-je de faire fonctionner la psychologie inversée une fois de plus.

– En nous installant ici, ma femme et moi, avons croisé un vieil homme qui nous a alors dit : "Méfiez-vous, par tous les temps, du léviathan lévitant, car si l'envie lui prend, recouvrira l'île d'une pluie et d'une tempête qui durera durant tous temps".

– Ce n’est pas piqué des vers cette prophétie. Lâchait Evialg, Tne' se cognait le visage, ces quelques mots ayant provoqué chez Evi' et moi un fou rire. Voilà que je m'y mets moi aussi. S’esclaffait-elle.

– Allons, allons, n'ayez crainte, l'humour n'a jamais mérité que l'on se vole dans les plumes. S'exclamait le tenancier nous faisant nous effondrer de rire l'une sur l'autre.

– Vous ne devriez pas les lancer, vous savez. Elles sont difficiles à arrêter ; d'expérience, vous pouvez me croire. Maugréait Tne', honteux de notre réaction.

– Ne vous inquiétez pas et entrez, en vous voyant arriver depuis l'intérieur, je me suis tout de suite dit que vous deviez être de bonne compagnie. Vous préparé-je trois chambres ?

– Juste deux suffiront. Réagissais-je sans perdre un instant et en jugulant l'ironie qui me tordait en deux.

– Très bien, c'est entendu. D'ici là, vous pouvez profiter de l'eau de la lagune. Elle a chauffé toute la journée sous le soleil, elle devrait être à température idéale pour vous prélasser.

– Nous ferons cela, je pense. Acquiesçait Tne'. Par contre, vous parliez de votre femme, où-est-elle ? Lui est-il arrivé quelque chose ? Serait-elle souffrante ?

– Pas du tout. Ricanait-il. Elle dort ! Ma femme est une Hulote Effraie, elle a plus de facilité à vivre de nuit que de jour.

– J'ai tout à apprendre des Hulotes, j'espère que vous pourrez me parler davantage de notre peuple et de la « Cité-Perchée » durant le séjour que nous passerons ici. Quémandait poliment Tne' à Ghast.

– C'est avec grande joie que nous le ferons ! Dois-je vous servir quelque chose avant d'aller m'occuper de vos quartiers et que vous alliez batifoler dans l'eau ?

– De la bière ! Répondions-nous tous les trois en même temps.

– Et à picorer ! Complétais-je. Mais pas des graines, hein !

– Je me doutais bien que vous n'aviez pas un appétit de moineau. Rétorquait avec un grand sourire notre hôte en provoquant l'hystérie de notre petit groupe. »

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