Chapitre XXXVII : La reconquête de Teysandrul, Partie 2
J'étais désormais impatient d'atteindre Teysandrul ; non pas parce qu'il y allait sûrement y avoir une casse sans nom, mais parce que je commençais à saturer des ébats ininterrompus des deux guerrières. Nous avions séjourné les trois nuits précédentes dans des auberges miteuses et où la place manquait à chaque fois, nous amenant à partager la même chambre, me voyant donc dans l'obligation d'enfouir ma tête le plus profondément possible sous les oreillers, chaque nuit durant, cela afin de ne pas devenir fou.
Leurs sessions de corps à corps étaient si vigoureuses, que les voisins d'étage en venaient à frapper en hurlant à notre porte presque chaque nuit, et même cela ne les arrêtait pas. Je me souviens cependant de Gnas allant ouvrir et faire front aux complaintes en bredouillant seulement quelques mots - sûrement des menaces - afin de faire taire les gêneurs ; je devais admettre qu’il m’était, durant leurs interruptions sexuelles inopinées, arrivé de pouvoir observer son corps brillant. Cela m’avait permis de contempler l'entièreté des formes bien plus agréables et bien plus douces que le propre caractère de cette fleur sanguinolente, cela tout en prenant garde de ne pas me faire pincer, replongeant donc mon regard le plus furtivement possible sous le polochon duveteux, de crainte de retrouver Morphée assommé par une frappe vengeresse... Mais je tergiverse.
Parmi l'humeur nocturne et embrumée qui baignait la salle commune de cette ultime auberge, des clameurs couraient tout de même. Quelques fantassins déserteurs des troupes d’Irasandre racontaient avec effroi les talents des puissantes bouchères m’accompagnant. Ces derniers témoignaient de l’horreur que leurs confrères avaient vécu, en énonçant que seulement deux personnes avaient massacré le reste des troupes présentes ce jour-là. Cette rumeur macabre avait eu un effet dévastateur : la frayeur s'était installée dans le rang des armées de Teysandrul, et naissant de la crainte des soldats, un sentiment nouveau émanait des populations oppressées et menacées par la Reine Sombre : l'espoir d'un soulèvement contre cette dernière.
Malgré l'heure bien tardive, certains aventuriers du fait de cette annonce, s'empressèrent de commander des bières et se remirent alors à festoyer bruyamment. Autour de notre table, l'atmosphère était un peu moins joyeuse ; tant Evialg que Gnas semblaient trop concentrées à se préparer mentalement pour la tâche qui nous attendait : reprendre une ville ne se ferait pas en un claquement de doigts. Je me disais aussi à la vue de notre dîner tout juste servi, que la joie que nous procurait habituellement nos copieux et délicieux festins était ternie par les plats médiocres que nous avions mangés récemment et qui nous étaient proposés en ce moment-même.
Peut-être aurais-je le temps de préparer un remontant avant que nous ne partions ; cette pensée m'inspirait grandement, tandis que la bouillie chaude, composée de céréales et de crème venait de suffisamment rebuter Gnas pour qu'elle repousse son bol peu ragoûtant d'un revers de poignet et qu'à son tour, elle ordonne un pichet de bière. Comme elle le disait si bien :
« Ça calme la soif, et en plus ça nourrit ».
Evi' et moi échangions un sourire malicieux aux mots de notre camarade, chose qui ne s'était pas produite depuis notre départ de la petite île paradisiaque.
Cet instant sympathique fut malheureusement interrompu par un grand gaillard rond comme une queue de pelle, qui accosta notre groupe, ses yeux égarés cherchant un point stable afin de les y fixer, lui-même tanguant comme une minuscule barque dans une tempête en pleine mer. Il titubait jusqu'à atteindre le coin de notre table, ratant ce dernier et s'affalant de tout son long, renversant le godet d’Evialg. La chute attisa le rire de tous les autres clients, embrasa le regard d'Evi' de colère et fit mourir de rire Gnas. Le poivrot se releva avec difficulté et prit un air énervé, jusqu'à ce qu'il croise la fureur de celle qui venait de devenir écarlate. Il rabibochait sa tenue, détournant son regard d’Evialg qui fulminait et tentait une stupide approche vers Gnas, il se mit à lorgner sur son bustier bien rempli, jusqu'à ce qu'elle n’en fût consciente. Tout se passa si vite : elle s'agaça à son tour et lui planta en un éclair, le couteau avec lequel elle jouait, droit dans la main que le gêneur venait de placer sur la surface boisée, elle retira la lame sans qu'aucun de nous n'ait le temps de broncher.
L'homme se gratta le front comme s'il venait d'avoir une hallucination, puis il se rappela du coup porté à son égard ; il allait s'offusquer mais il vit alors Gnas jouer en faisant tournoyer le canif entre ses doigts, cela lui suffit pour passer son chemin et se diriger vers d'autres personnes à importuner, trop ivre pour s'arrêter sur la douleur, qui, allait sûrement le lendemain le conforter à l'idée d'arrêter de se retourner l'esprit à l'alcool. J'allais toucher un mot à Gnas, concernant la non-nécessité de poignarder les simples d'esprit, néanmoins c'était désormais au tavernier de faire son entrée près de nous, soupesant un large pichet rempli du breuvage moussant. Il nous interpellait :
« Vous avez entendu ce qu'on raconte ?
– Si c'est ce que tout le monde clame, ici et maintenant... Soufflais-je. Alors la réponse est oui.
– Tout de même ! Il s'esclaffait. Une démone de sang et une ange meurtrière qui font équipe. Gnas recrachait la lampée qu'elle avait dans la bouche. Hé ben, ça va pas ? Elle a bu de travers la petite dame ?
– Non c'est que...
– Non c'est qu'elle est fragile. Je l'interrompais et essayais de broder. Ce genre de nouvelles, quelle personne un peu sensible ne serait pas choquée, après tout ?
– Il en convient que notre amie, rien qu'à la vue du sang peut tressaillir, alors... Nous y allons doucement avec elle. S’amusait Evialg à la charrier.
– Ça ne doit pas être facile tous les jours l'aventure dis-donc, surtout avec des comparses un peu peureux.
– Je suis sûre que c'est plus simple que de manger ce qui est servi, ici... Murmurait Gnas.
– Je vous demande pardon ?! Grognait l'aubergiste, presque sûr de ce qu'il avait entendu.
– Je disais...
– Elle disait que juste une simple blessure... Evialg la coupait. Est un danger potentiel pour la vie...
– Tout à fait, en plus d'être sensible, elle est un peu douillette vous savez. Sur-enchérissais-je.
– Ah bon. J'avais cru mal comprendre ce que vous aviez dit, alors. Bredouillait-il.
– C'est le pire, ça. Les oreilles c'est comme la barbe, ça se lave. Susurrait-elle à nouveau.
– Et beh ! Il s'énervait encore une fois, tandis que moi aussi je lançais un regard noir en direction de la provocatrice, tout en lui adressant un coup de pied sous la table.
– Aïe-euh.
– Elle a raison, le pire ce sont les abeilles de rhubarbe, à chaque fois elle en bave. Elle n'est peut-être pas très habile au combat, mais à la cueillette elle n'a pas son pareil, vous savez. Répondait très calme Evialg, un sourire en coin. Qu'est-ce-qui vous importune ? Vous n'aimez pas les abeilles non plus ? À ces mots, l'homme semblait complètement perdu.
– Je ne sais pas ce que j'entends, alors. Je suis confus.
– Ça doit être le surmenage. Lui lançais-je.
– Ce n'est pas en cuisine qu'il doit se surmener en tout cas. Barbotait Gnas, le nez dans sa bière.
– Bon, cette fois-ci, ne me prenez pas pour un idiot, hein. Grondait-il de sa grosse voix, se rapprochant d'elle à grands pas et bombant le torse. J'ai très bien entendu.
– Et alors !? Gnas se levait d'un bond et faisait face à l’immense tenancier. Que voulez-vous que je vous dise moi, c'est immangeable ce que vous nous avez amené. Si j'étais vous, je ne serais pas fier de ce que j'ai accompli. Elle s'avançait désormais, de sorte à se retrouver à quelques centimètres de l'homme, levant son visage dans sa direction. Et je me sentirais encore moins fier de me mettre en colère, si on me disait que ce n'était pas bon. Elle regardait le bol avec dégoût. Parce que ça ne l'est pas mon brave, ça ne l'est absolument pas ! Evialg venait de se mettre à rire bêtement.
– Mais c'est que... L'homme semblait déconcerté et intimidé par notre si « sensible » camarade.
– Alors la prochaine fois que vous vous offusquez pour quelque chose, soyez au moins sûr que ça en vaut la peine. Parce qu'actuellement c'est votre plat qui m'en fait. Elle me regardait, je demeurais bouche-bée de ne pas l’avoir entendu bafouiller une seule fois. De la peine !
– Je ne pensais pas que...
– Oui bah, je ne sais pas ce que vous pensez, mais si vous goûtez à ça, essayez de me dire que ce n'est pas juste une abomination ! Grinçait Gnas, tandis qu'Evialg éclatait de rire. Allez, je vous pardonne, si vous m'amenez un autre pichet de bière, et que vous m'offrez les deux.
– Tout de suite. L'homme s'empressait de fuir la cliente enragée, et les conversations alentours qui s’étaient momentanément calmées, reprenaient de plus belle. Tandis que notre hôte décontenancé, s'enfuyait vers son comptoir et ses fûts.
– Tu n'étais pas obligée d'y aller si fort... Lui soufflais-je.
– Oui ben, si toi ça te va de manger cette immondice, je te donne ma portion, volontiers !
– En soit, je suis d'accord avec toi, c'est assez ignoble... Affirmais-je, tandis qu’Evialg n'en pouvait plus, et riait à gorge déployée.
– Voilà... Je vous prie de m'excuser... Je manque de produits frais alors c'est vrai que les plats en pâtissent. Balbutiait notre hôte de retour.
– Vous savez quoi ? Commençait Gnas, alors que j'espérais juste qu'elle n'en rajoute pas une couche, constatant la gêne de l'hôte. Le repas n'était sûrement pas appétissant, mais cette bière, par contre. Elle buvait une énorme gorgée. C'est la classe. Je crois que je n'en avais jamais bu une aussi bonne. Le sourire de l'homme revenait.
– Ah merci ! Vous savez, j'essaye surtout de satisfaire les clients, ce n'est pas toujours simple. Avouait-il, en se grattant le cuir chevelu. Mais cette bière est brassée dans ma propre cave. Il sifflotait et partait.
– Tu m'as tellement faite rire Gnas. Evialg essuyait les larmes qui avaient illuminé ses yeux. Tu négocies bien mieux qu'il n'y paraît.
– Il n'y en a pas une pour rattraper l'autre décidément. Bon, tu nous la fais goûter, cette super bière gratuite ? Lui demandais-je, curieux.
– Allez, c'est de bon cœur. »
Nous partagions le breuvage, qui, tel que Gnas nous l'avait décrit, se révélait être en effet d'une rare qualité et aux arômes délicieux. Je faisais tourner le liquide dans le fond du godet en acier, une jolie couleur ambre et or scintillait sous la lumière des chandeliers de la pièce. C'est vrai qu'elle était délicieuse cette bière. Mon idée de concocter un remontant se réveillait à la prise du produit que j'étais en train de siroter : mélanger bière et remède, serait une excellente potion, qui aurait sûrement meilleur goût que d'ordinaire.
Il s'agit en effet du vrai problème concernant les infusions curatives : elles sont assez ignobles à boire du fait des plantes dont elles sont composées, qui ont certes des vertus sans égal, mais dont l'essence et la chlorophylle donnent des goûts très amers aux concoctions, la plupart du temps, tout du moins. Croiser les bénéfices des végétaux avec le plaisir du palais, allait peut-être devenir mon credo.
Je quittais sans un mot les filles et rejoignais l'aubergiste qui nettoyait des chopes, mais soulevait le tête de la vasque à mon arrivée.
« Excusez ma camarade pour tout à l'heure. Elle est un peu brute de décoffrage, et sans chercher à enrober les mots, elle est parfois assez tranchante dans ses propos.
– Oh. C'est vrai que la pénurie et les perquisitions actuelles ne font pas de bien à ma cuisine. Puis une gamine avec tant de caractère. Ça fait pas de mal parfois. Avançait-il en souriant.
– Oui, enfin parfois, elle n'y va pas avec le dos de la cuillère. Vous parliez de pénurie, qu'est-ce que vous entendez par là ?
– C'est la Reine Sombre. Irasandre. Afin de nourrir ses soldats, elle perquisitionne et dérobe nos denrées alimentaires, et parfois même, elle a le culot d'envoyer ses hommes piller les récoltes à peine engrangées.
– Cela fait longtemps que les choses se passent ainsi, ou est-ce plutôt récent ?
– Ah et bien. Cela fait deux semaines que la situation s'est empirée, et que les produits frais se font de plus en plus compliqués à trouver. Mais, étant à quelques heures seulement de Teysandrul, nous prenons les derniers événements de plein fouet. Il s'énervait. Comme si nous n'avions pas d'autres soucis à gérer, les caprices de cette bouchère nuisent encore plus à tous les habitants du sud-ouest de Mithreïlid.
– J'ai l'intime conviction que cela ne va pas durer. Bientôt tout le monde pourra profiter à nouveau d'une quiétude apaisante. Je scrutais discrètement en direction de mes comparses.
– Vous en avez l'air convaincu. C'est bien de voir que les jeunes gens veulent que les choses changent.
– Oh, si ce n'était que le vouloir. Incessamment sous peu, il va y avoir beaucoup de grabuge à Teysandrul. Je doute que le règne d'Irasandre ne dure très longtemps.
– Vous pensez à cette histoire concernant les deux femmes qui ont annihilé plusieurs centaines de soldats à elles seules ?
– Ils étaient plus ou moins trois cent, oui. Je me reprenais, me rendant compte que j'allais finir par vendre la mèche, sans m'en apercevoir. Enfin, c'est ce que j'ai entendu dire.
– Peut-être était-ce juste une rumeur, après tout. Plein de légendes se forment sur des ragots, personne ne connaît jamais la réalité exacte.
– Certes. Mais je pense que la Reine Sombre, à vouloir conquérir et annexer tout Mithreïlid sous sa coupe, s'est créée une multitude d'ennemis.
– Ah ça, c'est sûr. En même temps, la folie des puissants ne connaît pas de limite. Elle a affamé tous les villages aux alentours, elle ponctionne des hommes à toutes les familles, des disparitions de jeunes filles arrivent très souvent... Quelque chose ne tourne pas rond. Il étendait les bras en désignant son comptoir. Mais vous voyez où je suis. Des histoires et des commérages j'en entends en permanence. Un aventurier… Il se reprenait. Un aventurier ivre, ça cause.
– Ne m'en parlez pas. Je n'ai jamais cessé de voyager, et j'en ai entendu aussi des mythes et racontars. Tellement, que j'écris tout. J'essayais de sympathiser. Je veux donc bien vous croire.
– Ne le prenez pas mal, hein, mais on vous imagine mal marcher sur de très longues distances. Vous êtes quand même bien petit, hein.
– Oh, en ces temps-ci j'y ai droit souvent. Ça va. Je riais tout en prenant sur moi. J'avais une question, plutôt deux même.
– Je vous écoute.
– La première c'était de savoir si vous aviez des tonnelets. D'environ deux litres. Il hochait la tête. Et ma deuxième question, c'était de savoir si je pouvais vous en acheter un, rempli de bière et un autre vide ?
– Hmmm. Il se grattait la tête. Vous n'allez pas essayer de me voler la recette, hein ?
– Non, loin de moi cette idée, je n'ai nulle part pour brasser de la bière. Mais je suis herboriste et guérisseur, et je voulais me servir de votre délicieuse bière pour créer un nouveau remède.
– Et ben ça, c'est pas courant, haha. Ma foi, l'idée est intéressante. Vous en avez besoin de suite ?
– Dans l'idéal, oui. Nous aimerions quitter le village cette nuit-même, j'aimerais concocter le philtre avant notre départ.
– Bon et bah je reviens alors. »
Tandis que le tavernier disparaissait par une trappe qui devait se trouver non-loin de lui, j’en profitais pour aller voir Evi' et Gnas en leur parlant de la préparation que je voulais réaliser avant que nous reprenions la route. Je les interrompais encore en train de s'embrasser sous les regards ardents des autres petits groupes du lieu, que ce spectacle n'avait pas l'air de déplaire. Je repartais vers le bar où l'homme venait de revenir chargé de deux petits tonneaux de chêne.
« Parfait, c'est exactement le format que je convoitais. Combien je vous dois ?
– Dix-huit pièces d'argent.
– Très bien, néanmoins je vais aussi payer pour la nuit et les pichets de ma table.
– Ah bah, c'était offert... Vous savez avec le repas...
– Non vraiment j'insiste. Vous me rendez un grand service.
– Le tout fera deux pièces d'or et cinquante d'argent, alors.
– Je vous donne ça. Je fouillais dans mon baluchon, passant mes doigts dans le bazar qui régnait au fond du sac, le bruit de verre intriguait le tavernier. Je dégotais une petite bourse pleine à craquer, dont j'en récupérais trois pièces brillantes. Gardez le reste.
– Merci, merci. Elle a l'air bien remplie votre petite besace.
– C'est surtout que c'est un sac sans fond. D'ailleurs si vous permettez. J'en étirais l'ouverture, saisissais le premier tonnelet et l'y plaçais, je répétais l'opération avec le second.
– Ah et là il reste de la place, encore ? Me demandait-il, abasourdi.
– Bien sûr. Je pourrais y faire rentrer tous les meubles d'une pièce dans cette sacoche. Il y resterait encore de l'espace.
– Ah ben ça alors. C'est fantastique.
– J'ai oublié, pouvez-vous me remplir un pichet d'eau claire aussi ?
– Bah oui, je fais ça. Continuait-il de parler, maintenant ses yeux exorbités vers l'objet magique. Il remplissait le pichet, puis me le tendait.
– Merci. »
Je récupérais le récipient rempli l'eau et retournais à la chambre. Je sortais les tonneaux de ma besace, ainsi que deux des flasques contenant des Mouches-à-feu, je déroulais quelques pans de tissus dans lesquels je conservais enroulées quelques feuilles, fleurs et tiges de diverses plantes, je me munissais aussi d’une fiole contenant le précieux sang de Gnas. Je déposais les petits fûts sur le bureau que comportait l'ameublement de mon dortoir rudimentaire. Allait enfin pouvoir commencer la concoction : je soulevais le couvercle bagué du tonnelet vide et déversais la moitié de la bière dedans. Après une première incantation transmise par Noctalya, que j’avais pris le soin d’annoter, les divers éléments végétaux se mirent à flotter dans l'air puis furent réduits en une fine poudre, d’une taille impossible à égaler à l’aide d’un mortier… À moins bien entendu d’y consacrer de longues minutes.
Je répartissais en égale quantité la poussière végétale dans chacun des fûts miniatures que j’avais à ma disposition. Après une seconde récitation, apprise une fois encore de ma comparse Hulote, les bestioles incendiaires s'endormaient dans leur prison de verre, je leur ôtais la tête puis, tout en les pressant délicatement, j’en extrayais l'essence ardente, à raison d’un insecte par tonneau. Je divisais le contenu du flacon écarlate qui s’avérait être l’ingrédient clé de cette préparation. Je recouvrais les mixtures de l’eau claire, refermais solidement les tonnelets. Par un sortilège dont j’avais cette fois-ci connaissance, les contenants s’agitaient d’eux-mêmes, vigoureusement.
Après un court repos, j’ouvrais les récipients : la mixture obtenue avait une coloration entre le viride et l'émeraude. J'en attendais quelque chose de plus brillant, mais tant pis, au diable l’aspect.
Je prenais soin de bien verrouiller les robinets des futs, puis les enfournais dans mon sac, et quittais la chambre. Je rejoignais mes deux compagnes de voyage et leur annonçais que nous pouvions partir dès qu'elles le voulaient. Elles se levèrent sans attendre un seul instant, se dirigèrent alors vers leur chambre, et ressortirent quelques instants plus tard, équipées pour notre destination finale : la cité de Teysandrul.
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