Chapitre L : Un Monde engendré par l'Ombre des Lunes

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 « Bon, maintenant que vous faîtes moins les malines, sales crevettes, vous allez peut-être nous écouter. Gloussais-je en me rapprochant des deux léviathans aquatiques maîtrisés.

– Ta façon de parler n'a jamais évoluée Teïnelyore, tu es toujours aussi provocatrice. Déjà à l'époque, tu avais beau courir derrière les tracas de Mithreïlid, tu t'exprimais quand même comme un marcassin. Pensait la baleine.

– Et encore, quand je l'ai connue, elle cherchait la plupart de ses mots. Ironisait Evialg. En plus d'être grognon... Et de chercher la bagarre, bien sûr.

– Comment ssse fait-il qu'elle puissse nous entendre ? Semblait s'étonner le dragon de mer.

– Sûrement car il ne s’agit pas d’une simple Mithreïlidienne. Rétorquait mon léviathan. Elle est la petite-fille d'Hérylisandre, la fille d'Irasandre.

– Vous ne pouvez pas arrêter de communiquer par pensée ? Ça me fatigue la tête, nous sommes tous capables de comprendre de toute manière. Maugréais-je.

– Nous ne pouvons pas, et de toute manière, quelqu'un nous observe depuis quelques minutes. Une personne peu discrète d'ailleurs. Le cerf se retournait en direction de quelques arbustes et fourrés qui bordaient la grève et d'un regard, il faisait ternir instantanément la végétation, et de ce fait, laissait apparaître notre compagnon de petite taille, jusque-là embusqué.

– Oui bon, pour l'effet de surprise c'est raté, quoi. Grognait Tne' qui avait dû vouloir rester en retrait. Cependant, moi aussi ce sont vos discussions qui m'ont interpellé, j’ai mis un de peu de temps à comprendre d'où venaient-elles. Puis comme vous aviez disparu toutes les deux, j'ai suivi discrètement Evi'... Et je me suis... Il cherchait ses mots. Enfin caché, quoi.

– Comme d'habitude, quoi. Pouffais-je. On ne change pas une équipe qui gagne ! Je riais.

– Seuls les descendants des Dieux ou les Dieux eux-mêmes peuvent nous entendre. Se pourrait-il donc...

– Que j'ai du sang divin qui circule dans mes veines ? HAHAHAHA. Tne' s'approchait de nous, tout en contemplant avec une légère crainte les trois léviathans. J'en doute fortement.

– Il n'y a cssependant pas de doute posssible. Css'est une propriété unique sssur Mithreïlid. Puis, à en juger par tes ailes, tu pourrais être un desscendant de...

– Hul ? Coupait-il le serpent géant, choqué de cette nouvelle. Mais il y en a plein des Hulotes.

– Oui, mais les lignées divergent parfois plus sssouvent qu’elles ne s’appauvrisssent.

– Donc quoi qu'il en soit, nous sommes tous concernés ou des héritiers divins de Mithreïlid. Lançais-je. Maintenant, dîtes nous pourquoi vous vouliez déclencher une catastrophe. Vous n'êtes pas au courant que Mithreïlid a déjà assez de soucis pour en plus devoir lutter contre les éléments ?

– Justement. La voix basse et puissante de la baleine nous parvenait aux songes. Mon frère et moi, avons été récemment convoqués par nos sœurs.

– N'avaient-elles pas disparu ? C'était cette fois-ci la voix feutrée du Cerf qui nous résonnait. Comment peuvent-elles communiquer avec vous si elles sont portées disparues ?

– Leurs dires concssernaient jussstement la maladie qui sss'étend sssur Mithreïlid. Elles nous ont demandé de ravager la population pour empêcher la propagation, elles nous ont ausssi affirmé qu'elles reviendraient bientôt.

– Comment ça ? Questionnait Tne'. Elles ne peuvent pas être mortes et vous dire qu'elles vont revenir. Cela n'a pas de sens, on ne revient pas d'entre les morts, vous en conviendrez ?

– Leur disparition ne veut pas dire qu'elles ont pour autant été tuées ou sont décédées. Le corrigeait mon léviathan. Il existe un lieu dont on peut revenir. Tout du moins, il existe une autre face de Mithreïlid, le berceau de la Magie Noire. L'Outremonde. Ce qui m'étonne davantage, c'est que vous ayez obéi à leurs ordres.

– N'aurais-tu pas accepté n'importe laquelle des décssisions de Teïnelyore, sssi tu avais été convoqué par elle, après une telle absssencsse ? Réponds-nous Cerf.

– Non. Pas si cet ordre entendait de tuer des innocents. Comment avez-vous pu vous faire berner ? N'êtes-vous pas capable de ressentir l'obscurité qui cherche à recouvrir Mithreïlid, la même que nous avions combattu à l'époque de la Grande Nuit ? Avez-vous déjà oublié ?

– Tu ne comprends pas je crois, csse sssont nos sssoeurs. Nous leurs devons allégeancsse. Csse sssont elles qui ont fait que nous sssommes en vie sur cssette Terre.

– Vous leur devez la même chose qu'elles vous doivent : un échange de pensées et d'idées. Pas une obéissance aveugle. Vous aviez pourtant lutté contre le Mal qui menaçait de faire sombrer Mithreïlid dans la mort et la perdition. Qu'est-ce qui a changé aujourd'hui ?

– Tout a changé, les Mihreïlidiens se font la guerre sans raison, la nature est asservie et la Magie Noire est bien plus puissante qu'à l'époque. Tu le sais comme nous, frère léviathan. La fille aux yeux blancs qui est ici en ce moment, est elle-même le fruit de la Magie Noire. Elle a beau avoir le sang de sa mère, c'est la Mort qui remplit le reste de ses veines. C'est ainsi qu'Irasandre et que toi sa fille, Poenasandre, avaient été créées.

– Poenasandre ?! S'écriait Evialg. C'est aussi comme ça qu'elle m'avait appelée... Je n'avais pas halluciné. Vous en êtes certains ?

– Et pourtant, c'est bien le nom que t'a donné ta mère, la Reine Sombre. Il t'était peut-être inconnu jusqu'alors, et pourtant, il est ton nom véritable.

– Comment se fait-il que je sois toujours, la dernière au courant de ce qui touche à ma vie ? Grognait-elle.

– Sûrement car ton destin était censé poursuivre le sombre dessein que ta famille a toujours cherché à accomplir. Expliquait le cerf. Peut-être n'es-tu qu'un réceptacle au Mal, créé par Irasandre afin de dévaster Mithreïlid. N'as-tu jamais essuyé de colère inexplicable, n'as-tu jamais été habitée par une haine que seul le sang et la mort ne pouvaient satisfaire ?

– Si... Elle semblait perturbée. Mais, j'ai mis fin à mes jours, dégoûtée et consciente de ce que j'avais fait, ici-même sur cette île. Elle désignait la pointe qui surplombait la mer. C'est de cette falaise que j'ai sauté, et ce sont les rochers à ses pieds qui ont été les artisans de ma mort.

– Pourtant tu es en vie aujourd'hui.

– Parce que je l'ai trouvée. Interrompait Tne'.

– Et parce que je l'ai protégée. Enchérissais-je.

– Cependant, tout te ramène à chaque fois ici.

– Les événements qui m'ont amenée ici ont été funestes par deux fois. Mais je n'y suis pas seulement morte ici. Une part de moi y est née aussi. Elle me regardait les larmes aux yeux. C'est ici que mon amour pour Teïnelyore est né, c'est ici que j'ai compris qu'elle était la plus belle chose qui me soit jamais arrivée. Je n'ai pas envie d'être seulement qualifiée par le Mal qui m'habite. Sa voix s'emplissait de tristesse. Je sais que j'ai commis des erreurs, mais je n'ai pas voulu les commettre ! Je veux simplement vivre et faire du mieux que je peux.

– Personne n'est parfait de toute manière. J'allais recueillir Evialg dans mes bras. Combien de soldats ai-je du tailler en pièces pour enfin réussir à atteindre Irasandre et mettre fin à son règne ? Combien de litres de sang ai-je du déverser pour parvenir à retrouver ma divinité ? Le sang répond sans cesse par le sang. Nous sommes tous un jour manipulés dans le but de répandre la mort. Je me rendais bien compte que nous avions aussi engendré la mort. Que cela soit pour le meilleur ou pour le pire. Même si Evialg a pu me faire peur certaines fois, je ne peux pas simplement conserver dans mon âme ces seules images d'elle. Elles ne la représentent pas, et je crois davantage en sa bonté qu'en sa méchanceté.

– Je n'aurais pas pu dire mieux. Me soutenait Tne'. J'ai beau aussi avoir décelé le pire et le meilleur d'Evialg. Je ne peux pas me résoudre à la considérer comme une mauvaise personne. Il se raclait la gorge. Je sais pourtant qu'elle m'a déjà effrayé, et pourtant avec un peu de recul, je me sais bien plus en sécurité avec elle qu'avec n'importe qui d'autre sur ce continent.

– Vous semblez avoir bien mûri votre avis quant à son égard. S'exprimait la baleine. Par ailleurs, je ne lis en vous deux que le Bien qui vous lie à Mithreïlid. Peut-être devrions nous, mes frères et moi alors reconsidérer notre jugement. De ce fait, nous devrions concevoir que Poenasandre, lutte contre le Mal qui vit en elle.

– Vous devriez peut-être aussi vous rendre compte que vous alliez devenir bien pire qu'elle. Aussi incroyable que cela puisse être Tne', venait de s'avancer très près des deux léviathans. L'étendue de vos pouvoirs est colossale et vous vous apprêtiez à les laisser déferler sur notre continent. Comment pouvez-vous juger du Mal qui pourrait vivre en elle, sans même avant tout reconsidérer vos propres méfaits ? Il parlait désormais sans crainte et haussait la voix. Si des êtres qui se prétendent être bons, sont cependant capables du pire, quelle valeur cela vous octroie-t-il à nos yeux ? N'êtes-vous pas là pour utiliser de la meilleure façon possible vos dons ? N'êtes-vous pas présents sur Mithreïlid pour encourager ces habitants sans pouvoir à être bons envers leur Monde ? Tnemesnap s'énervait. Si ce n'est pas là votre rôle, alors je me vois contraint de vous dire que je suis déçu de votre statut.

 Par là-même, je veux bien admettre m'être fait une fausse idée de ce que pouvaient être des créatures fantastiques telles que vous ! J'en ai lu des livres qui parlent des êtres divins, et qui ne tarissent pas d'éloges au sujet de leurs attributs exceptionnels. Il y a peu, je découvrais que Gnas était une Déesse, puis Evialg par procuration, et à l'instant vous m'apprenez que moi aussi ! Imaginez ce lot de surprises dont je ne me remets toujours pas. Je me rends bien compte que nous ne sommes pas parfaits comme le disait Teïnelyore, nous avons tous nos défauts, les pires soient-ils, mais nous sommes capables du meilleur quand la situation nous y oblige et nous incite à nous surpasser !

 Malgré tout ça, nous vous surprenons à vouloir ravager Mithreïlid et je vous ai aussi entendu vous moquez de notre taille chétive. Croyez-vous alors que la puissance d'un individu se mesure-t-elle à sa taille ou à son apparence ?! Ne devriez-vous pas être en train de protéger le Monde qui vous a donné vie, plutôt que de chercher à lui nuire davantage ou de médire à l’encontre de ceux, qui, malgré leur origine familiale, ou je ne sais quelle autre tare, font tout de même du mieux qu'ils peuvent pour arranger les choses ?! C'est le monde à l'envers !

– Il est cssertain que la sssagessse d'Hul circule en toi, petit Hulote. Peut-être sssommes-nous tel que tu le disais, aveugles et inconscssients. Il est temps pour nous d'admettre nos torts et d'obéir à vos directives.

– Je ne pense pas qu'il soit question que vous nous obéissiez. Clarifiait Evialg. Nous vous demandons simplement de penser avec votre âme et votre cœur. De penser aux Mithreïlidiens qui ne peuvent pas lutter pour sauver leur monde, car ils n'ont pas les pouvoirs pour le faire.

– Elle a raison. Acquiesçais-je. Vous devez vous rappeler que si nous avons été choisis pour posséder nos dons, c'est parce qu'on nous a confié la garde de Mithreïlid en même temps. Lui laisser une chance, permettrait peut-être alors à Poena… Je me reprenais. À Evialg d’incarner réellement le statut de Déesse de la Justice, telle qu’aurait donc dû l’être Hérylisandre auparavant. Ce n'est pas parce que, quatre ou cinq sur-cycles plus tôt, une partie des Dieux a trahi cette mission si cruciale, que nous devons répondre de leurs erreurs.

Malgré une situation désastreuse, notre présence s’avère encore plus nécessaire qu’auparavant, cependant, la tâche ne sera pas aisée, car le peuple n'a plus foi en nos dons et en ce que nous représentons, nous pouvons et devons leur prouver que nous vallons mieux que tous nos prédécesseurs qui ont nui à notre continent. Les mêmes qui pourtant, de la façon dont nous représenterons les Dieux de l’avenir, étaient à leur époque ceux de Mithreïlid.

– Les habitants d'Ilyohelm ont retrouvé leur foi en toi, je pense. Soulignait Tne'. Bientôt, tes initiatives paieront, et les peuples s'uniront une bonne fois pour toutes. Il nous faut juste réussir à endiguer la maladie qui ronge désormais le continent, et qui, pendant que nous réglons de menus détails, comme maintenant, avance à grands pas et dévore toute forme de vie qu'elle croise.

– Frères léviathans, êtes-vous certains que vous n'avez pas halluciné et que ne vous êtes pas emportés sans raison ? Êtes-vous bien sûrs, d'avoir été convoqués par vos Déesses respectives ?

– Oui, c'étaient bien elles, nous en avons discuté avant de commencer à engendrer l'ouragan. Il n'y aucun doute sur leurs identités.

– Cependant, tout comme moi, vous ne sentez pas non plus leur présence sur Mithreïlid ?

– En effet. Acquiesçaient-ils.

– Donc, la faille entre Mithreïlid et l'Outremonde a dû se rouvrir. Sans cette condition, leurs pensées n'auraient pas pu vous atteindre. La Pestilence Courante a aussi dû commencer à se répandre à partir du même endroit. Tout est lié de toute manière. Le cerf tendait son museau en direction des deux autres créatures géantes, les algues restrictives fanaient immédiatement, tandis qu'une aura dorée scintillait autour des léviathans, leur énergie revenait. Nous ne devons plus avoir à lutter les uns contre les autres, nous sommes les représentants de la Vie sur Mithreïlid, et notre ennemi est trop fort. Je vais accompagner ces trois jeunes gens quelques temps, de votre côté, essayez d'en apprendre davantage sur l'éventuelle localisation du portail vers l'Outremonde.

– Déesse Teïnelyore. Ce n'est pas à toi que mon allégeance se dédiait à l'origine, néanmoins, je fais le serment de te prêter la rage du Vent dès lors que tu en auras besoin.

– Il en va de même pour moi, Déessse. Sssi tu appelles les ocsséans, je répondrai présent. Votre venue en csses lieux était nécssésssaire, sssans vous, nous aurions commis l'irréparable. La conssstancsse de la houle vous accompagnera désormais.

– Partez en paix, amis de Mithreïlid. À mes mots, les monstres disparaissaient, l'un traversant les nuages, tandis que l'autre, s'enfonçait sous les vaguelettes. Bon, je ne suis pas immédiatement prête, pour apprendre tout ce que tu peux nous dire sur l'Outremonde, mais après un bon festin et une nuit de repos, je serai curieuse d'en entendre davantage.

– Moi aussi. Lançaient en chœur Evialg et Tnemesnap.

– Et alors, après nous être adaptés à Gnas qui devient Teïnelyore, doit-on maintenant t'appeler Poenasandre à la place d'Evialg ? Ironisait Tne'.

– Tu veux mourir maintenant ou après avoir revu ta future femme ? Maugréait Evialg.

– Après, si possible.

– Alors, abstiens-toi de m'appeler par le prénom que m'avait donnée mon infâme mère. »

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