Une fille obéissante

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Mme de Saint-Ange se faisait appeler depuis si longtemps Mme la marquise, que parfois j’en oubliais qu’elle fut pour moi la tendre Nanou. C’est elle qui m’avait soufflé l’idée du coffre, pour me débarrasser de mon acariâtre mère. Si j’avais su ce qu’elle m’obligerait à faire…

Moi aussi j’avais changé de nom, à force d’avoir le cul dans la cendre : « Cul Cendron, Cul Cendron… », chantaient-ils. Je m’appelais alors Cendrillon. Cela faisait bien rire les servantes et les marmitons. Ils se vengeaient. Je n’étais pourtant pas si exigeante, du temps où j’étais encore Eugénie. Trois coups de fouet pour avoir renversé ma poudre de riz, c’est peu. Je connais des maisons bien plus sévères. Mais quoi, ce n’étaient que des gueux ! Même les mains rendues rêches par les travaux de la cuisine, on ne pouvait pas me confondre avec eux. Je restais la fille du marquis. Et ce soir, une fois la nuit de noce consommée, je deviens princesse, plus « la petite princesse de son papa », mais celle du royaume.

Séduire le prince n’a pas été si difficile que ça. À ma surprise, c’est la nouvelle marquise qui a joué le rôle de bonne fée. Elle m’avait promis de m’offrir un mariage royal, si je suivais ces conseils. Je sais bien qu’elle est plus rouée que moi, alors je l’écoute toujours.

« Mystérieuse, tu dois devenir mystérieuse Cendrillon.

— Je préférerais que vous utilisiez mon véritable prénom mère.

— Je sais Cendrillon. Je t’ai fait confectionner trois robes somptueuses. Tu vas te rendre aux bals du prince. Attention, ta beauté ne suffira pas pour le subjuguer.

— Je dois faire la mystérieuse ?

— Voilà, tu as tout compris. Tu vois, quand tu fais un effort, tu comprends vite. Tout d’abord, tu danses, tu minaudes, tu effleures… Sans jamais dire ton nom. Quand tu sens l’épée du prince, tu files.

— Mais personne ne porte d’épée pendant un bal !

— Justement… Fais-moi penser à ce que nous ayons une petite conversation dans le boudoir. Au sujet des abeilles et des cigognes... Lors du troisième bal, tu laisses une pantoufle dans les escaliers.

— Mais pourquoi ? Ce n’est pas pratique pour me sauver !

— Fais-moi confiance. Est-ce que je me suis déjà trompée ?

— Non, mère. »

Et il est vrai que tout a fonctionné comme prévu. J’ai trouvé l’étape de la pantoufle un peu longuette, mais il est vrai qu’ainsi le prince était ferré. Fou de passion pour la belle inconnue ! Mme la marquise a parfaitement joué les étonnées. « Que ma douce Eugénie peut se montrer intrépide ! Son papa m’avait fait promettre de ne pas l’envoyer dans le monde avant ses 18 ans. Mais qui peut arrêter une jeune fille de 16 ans ? »

Ce qui m’a surprise, c’est que c’est le roi qui est venu me chercher, pas le prince. C’est le roi qui m’a enfilé la pantoufle.

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