Le produit de la semaine est un rinçoir-égouttoir à vaisselle à installer au fond du bac de douche. Ultrarésistant, je monte dessus tandis que mes assiettes et autres couteaux se font rincer sous mes jolis petons. Mon slogan : c’est le pied !

Quand Lorenzo a débarqué, mon service à raclette trempait au fond du baquet depuis la veille. Connaissant l’animal, mon égouttoir allait se transformer en lavoir à 600 tours par minute et mon argenterie IKEA serait plus reluisante qu’après un spot de pub pour Paic citron. C’est ce qui s’appelle joindre l’utile à l’agréable et il n’y a rien de tel qu’un peu d’aventure pour booster mon aura sur les réseaux.

J’ai donc posté une photo « avant » en mettant en avant les restes de fromage fondu et j’ai ajouté un petit commentaire coquin pour annoncer qu’il n’y avait pas seulement les raclonettes qui allaient se faire gratouiller dans les moindres recoins. C’est là que Lorenzo m’a dit : « Dépêche ! J’ai la Porsche en double file ! »

Ce mec est désespérant. J’ai commencé à faire le bilan énergétique dans ma tête. Alors que mes yeux étaient partis en pleins calculs, il s'est mis à poils et m’a lancé : « Bouge. ! Il fait douze degrés chez toi ! Et on ne peut même pas fermer la fenêtre avec ton concours de la plus longue conservation de poubelle ! Non, mais elle est dingue cette fille ! » J’ai eu envie de lui dire que s’il n’avait pas jeté son reste de kebab dans mon sac taxé tout neuf, on n’en serait pas là. Et puis je me suis rappelé que ça datait du mois de juillet et… bref. Il m’emmerde.

Il a vidé son gel douche au monoï et après quelques secondes, ma cabine était remplie de mousse. J'ai tout oublié : la Porsche, ses excès, tout ce qui m'excède chez lui et on a joué. J'ai ri. Lorenzo était outré du bordel à nos pieds, mais j'étais très fière de moi, car, en attendant, l’égouttoir à vaisselle a joué son nouveau rôle à merveille ! Les couteaux sont restés loin de nos orteils même s’ils nous ont, c’est vrai, fracassé les oreilles. Endurance et résistance des matériaux : 20/20. En toute bonne conscience, j’ai offert à Lorenzo une double ration d’eau chaude. J’avoue que j’avais rarement eu l’occasion d’améliorer mon bilan carbone avec autant de plaisir et que j’étais très satisfaite de ma matinée, écrivant déjà dans ma tête les descriptions audacieuses que j'allais pouvoir mettre en légende de l'accessoire de la semaine. Ça allait faire grimper les commandes !

Avant de repartir, Lorenzo m’a rendu les torchons à huile de vidange que je lui avais offerts. Ils étaient noirs. Il m’a dit « je ne mélange pas ça avec mes caleçons en soie. Tu n’as qu’à les laver toi-même, ou les jeter. Tandis que je lui disais que je n’étais ni sa boniche, ni sa mère, Lorenzo s’est mis à pisser, dans ma douche. À mon regard sidéré, il a rétorqué « Chaque geste écolo compte ! Et, dans mon quartier, on n’a bientôt plus assez d’eau pour remplir nos piscines. Alors, fais un effort ! Je ne vais pas tirer la chasse pour ça ! Ils l’ont même dit à la télé. » Argh. J'avais oublié à quel point ce mec était con.

Anyway. Je me suis dit que ce détail ne se verrait pas sur les photos. Il est parti en emportant ma poubelle à moitié pleine « mais qui sent la mort ! ». Je ne sais pas où j'ai pu rencontrer une petite nature pareille. Et j’ai posté des photos de l'égouttoir-lavoir et de son contenu aussi pimpant que reluisant, même si un peu pêle-mêle après la séance d'exercice. Tandis que je riais de mes petites allusions pour expliquer le désordre général sur la photo, je récupérais toute la vaisselle pour la relaver dans l’évier. Personne ne sait ce qui se passe réellement dans les coulisses, et ça, c’est bien le seul truc que tout le monde sait.

Les mains dans la mousse, j’entendais mon téléphone vibrer de plus en plus fréquemment. Je jubilais. La gloire était enfin à ma porte ! Je me gardais de me précipiter et continuais à récurer mes assiettes jusqu’au moment où j'ai senti le préservatif au milieu des fourchettes. C’est là que j’ai compris.

Je me suis jetée sur Insta pour effacer les pièces à conviction, mais la fourchette « à chapeau de schtroumpf et barbichette » avait déjà fait le tour du monde. La honte. La ruine. Ma crédibilité envolée à tout jamais. Lorenzo. Il me le payera un jour...