Le bilan de toute cette expérience
Le bilan de ces années d’harcèlement est que ça été très destructeur pour moi. Je pensais que j’étais rapidement arrivé à surmonter cette épreuve en arrivant au lycée, mais c’est faux. Je suis devenu quelqu’un de solitaire, introverti, associable même, réservé, distant, ce qui fait qu’à la cantine ce n’était pas rare que je mange seul parce que je pensais qu’au fond de moi, c’est que j’aimais la solitude.Et ce n’était pas totalement parce que je voulais être avec moi-même, dans mon monde et ça me convenait très bien. Je me suis rendu compte que ce qui m’était arrivé avait été violent quand je suis arrivé à la fac.
Je suis parti en licence de géographie près de Toulouse. On a eu une soirée d’intégration pour les étudiants de géo et j’ai rencontré une étudiante de L3 qui m’a tout de suite plu. Rousse, grande, sportive, sympa et qui m’avait en plus invité à danser avec elle. J’ai fini par avoir le coup de foudre pour cette fille. Tomber vraiment amoureux d’une fille, en avoir même le coup de foudre, je n’avais pas connu ça au lycée. J’ai fini par penser à elle tous les jours, jusqu’au moment où je me suis un pris un râteau de sa part. Ca m’a blessé. Vraiment. Vous allez me demander quel est le rapport avec mon harcèlement ? C’est simple, c’est que ça m’a pété à la gueule ces souvenirs. A voir d’autres étudiants faire des soirées, être en couple pour certains, former carrément une bande… ça m’a fait réaliser que je n’avais jamais connu ça avant. J’ai appris à sociabiliser sur le tas, parce que certains m’appréciaient réellement et surtout parce que j’étais dans un univers plus mature, plus tolérant aussi.
Je traîne toujours ce passé comme un boulet, ça me fait souffrir parce que j’ai 24 ans, je suis toujours célibataire et j’ai toujours ce manque de confiance en moi. J’ai parlé à un paquet de personnes de ce que j’avais enduré au collège et j’ai fini par sauter le pas de me soigner à ce niveau là. Je ne suis pas devenu phobique social, je n’avais pas non plus la phobie scolaire mais l’impact que j’ai sur ma confiance en moi et mon estime de moi fait que j’ose pas vivre des expériences de mon côté. Malgré moi, je cherche une certaine forme de routine en attendant que ça vienne alors que je sais très bien qu’on me tendra rien sur un plateau d’argent, qu’il faudra que je me bouge pour ça. C’est un constat sur lequel je suis bien d’accord et que j’aimerais changer.
Dans ce texte, je fais souvent mention que j’aurais aimé être adulte quand j’avais 14 ans, que j’aimerais devenir enfin maître de ma vie, que je cherchais à fuir le Nord, que je n’aimais pas l’école et tout. Pendant cette période, j’allais de temps en temps à Lille, j’enviais les jeunes couples qui avaient la trentaine et qui semblaient heureux. J’enviais leur bonheur parce que je me disais qu’étant donné qu’ils n’étaient plus au collège et à la fac, ils avaient plus le stress d’être noté pour des évaluations, ils n’avaient plus non plus à subir une bande de petits cons. S’ils avaient envie de se barrer à l’autre bout du monde, ils pouvaient facilement prendre l’avion pour ça, ils pouvaient découvrir le monde comme ils voulaient. Et surtout, ils se respectaient. J’enviais ces gens parce que je me disais qu’ils étaient bien plus heureux que moi dans leur vie. Tous les soirs pour m’endormir je me faisais le scénario que je devenais un homme d’affaire respecté par tout le monde et qui voyageait partout dans le monde. C’était ma façon de ne pas déprimer, de tenir bon, de garder espoir. Encore aujourd’hui, quand je me balade en ville et que je tombe sur des couples, je les envie parce qu’ils ont le même âge que moi, ils rigolent ensemble, tout à l’air de bien rouler dans leur vie. Moi, je ne connais pas ça, je suis seul, je ne fais que marcher sans but. Je suis jaloux de leur bonheur. Attention, ce n’est pas de la mauvaise jalousie, c’est surtout que j’ai envie de prendre exemple sur eux.
Quand ma sœur partait à Toulouse, elle prenait régulièrement l’avion. La chercher à l’aéroport de Lille était un bonheur, la ramener était un déchirement. Pourquoi ? Parce que quand j’accompagnais pour aller à l’aéroport de Lille, je voyais tous ces gens qui avaient peut être passé simplement le week-end qui rentraient sur Toulouse ou ailleurs. Ma sœur avait cette chance (chance qu’elle a toujours) de vivre dans une ville où la majorité du temps il fait beau, ces jeunes de mon âge qui avaient une compétition sportive et qui rentraient. Eux, ils étaient chanceux d’y habiter ou tout simplement de s’y rendre. Je me rappelle avoir pris à mon tour l’avion avec ma mère pour rentrer sur Lille, au retour, pendant des vacances de Pâques. J’ai pleuré à l’aéroport de Toulouse parce que j’étais dégoûté de prendre l’avion pour aller dans une région que je détestais. J’avais ce regard envieux de voir les gens qui prenaient Lufthansa pour aller à Francfort ou Munich, ces autres passagers qui prenaient TAP pour Lisbonne, ces autres passagers qui prenaient Air France pour aller à Roissy.
Et ça, comme vous l’avez compris, les avions c’étaient mon refuge pendant mes périodes de collège. C’était les avions qui étaient ma source d’inspiration pour mes scénarios pour dormir. T’as passé une mauvaise journée ? C’est pas grave, ce soir tu prends le Boeing 747 de United Airlines qui fait Paris- New York. D’ailleurs, dans les rêves, la classe Business est toujours meilleure qu’en vrai. En plus, je regardais tous les jours FlightRadar24 pour voir ces appareils voler. Alors forcément, même les passagers qui embarquaient à l’aéroport de London-Heathrow, je les enviaient. Bien sûr, je me suis réfugier dans la musique, dans les livres et aussi dans le cinéma. Tous les week-end, j’écumais la collection de DVD de mon père. J’en achetais aussi de mon côté. L’écriture aussi est arrivé un beau jour. Tout ça, c’étaient mes refuges pour rêver d’un monde où tout allait bien. Je me rappellerais toujours du jour où j’ai regardé pour la toute première fois Matrix quand j’avais 14 ans.
Je n’aimais pas l’école, pas seulement à cause de l’ambiance nauséabonde, c’était aussi parce que j’en avais marre de revoir chaque année toujours les mêmes notions. J’avais l’impression de n’apprendre rien de nouveau. Du coup, non, je n’étais pas plus con que les autres, j’avais besoin d’être stimulé intellectuellement. J’avais vraiment envie de découvrir de nouvelles choses, de m’intéresser à autre chose que le programme de l’Education Nationale. Au lycée, j’ai déçu pas mal de professeurs qui appréciaient que je participe et que je montre mon savoir, mais ils me reprochaient que dans mes copies, ce qu’ils n’entendaient ne ressortait pas du tout dedans. Et c’était pareil qu’au collège : j’avais besoin de voir des nouvelles choses. Est-ce que j’avais l’âme d’un premier de la classe qui se cachait en moi ? Très probablement, oui, mais j’avais pas spécialement cette prétention et ç’aurait pu marcher si j’avais travaillé plus souvent en rentrant du lycée. Seulement, quand on faisait des DM ou des DS, j’allais simplement à l’essentiel quand il y avait des documents sur lesquels il fallait s’appuyer parce qu’il y avait rien de plus à dire. De toute façon, même si j’avais approfondi réellement mes propos dans les DS, on m’aurait reproché de quitter le programme et ce même si mon raisonnement était juste.
Du coup, mes années lycée je les aient passés seul dans mon coin, sans amis et sans avoir connu les joies d’avoir eu sa première copine à cette période de l’année. J’en garde pas un mauvais souvenir pour autant, parce qu’avec certains je me suis quand même amusé mais j’étais vachement distant d’eux. J’avais l’impression que c’était dans mon caractère d’avoir toujours été distant avec les autres, alors que pas du tout. Quand j’ai commencé la primaire, j’étais du genre à jouer avec tout le monde, très sociable, qui allait discuter avec tous les gosses de la Grande Section au CM2. Bref, rien à voir avec ce que je suis devenu aujourd’hui.
Parmi les angoisses que j’ai, c’est celle d’être abandonné, détesté et de décevoir alors forcément pour éviter ça, j’ai fais l’erreur de dire « oui » à pas mal de choses, de vouloir aider tout le monde et plus à penser à m’occuper des autres que de moi-même. J’ai fini par comprendre qu’en faisant ça, je me faisais plus passer pour une bonne poire, le mec trop bon trop con et que certains, même à la fac, profitait de moi. J’ai décidé de changer tout ça, j’ai plus peur d’exposer mon avis, mon opinion, je ne culpabilises plus de refuser de faire quelque chose quand j’ai pas envie de le faire. Oui, ça a choqué des gens ce changement là, mais je m’en fous. J’en ai marre de vivre pour les autres, je veux vivre pour moi-même parce que je sais très bien que si jamais je vis pour les autres, je vais passer à côté de plein de choses qui me plaisent réellement.
J’ai commencé ce changement depuis février, j’ai tourné la page sur plein de choses, j’ai plus peur du jugement des autres et j’essaie de faire en sorte de cultiver ce côté unique que j’ai.
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