Chapitre 12 La campagne de séduction

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Lettre XXXIX De la marquise de Parois au marquis de Lagandière


Ironique de votre part de me courtiser alors que vous faites quelque cachotterie dans le dos d'honnêtes gens. Ne croyez-vous pas que je n'avais pas aperçu votre changement d'humeur et ce certain déploiement d'énergie que vous n'utilisez pas pendant nos moments d'amour ? Les femmes sont des harpies aux griffes acérées, à l'oeil attentif et à l'allure rapide. Nous comprenons tout des mâles et de leur attitude lorsqu'une femme à la moindre qualité supplémentaire vient les toucher en plein cœur. Ils abandonnent la maîtresse du moment, deviennent évasifs dans leurs mensonges et nous autres pauvres femelles innocentes. Je l'ai tout de suite vu. Vous avez refusé plusieurs rendez-vous lors de votre temps libre, prétextant un dîner chez un tel, un banquet à l'autre bout du pays. Ne vous inquiétez pas, je ne me suis pas laissée faire. Je me suis métamorphosée en maréchaussée, écoutant, épiant chaque conversation que je pus avoir avec mes amies, posant moult questions à mes amis mais sans attirer une seule fois l'attention. Je me renseignai auprès de commères, de mères de famille, de bonnes, de filles de joie, de fillettes pour enfin que l'on me dévoile la gamine qui vous faisait tourner la tête. Mon pauvre marquis déjà lassé s'est senti libre de prendre d'autres divertissements, a méprisé celles qu'il laissait derrière lui mais ne s'est pas rendu compte que la vengeance chez les Parois est synonyme de patience et d'attaque précise et calculée. Et j'ai enfin compris quelle était la demoiselle qui faisait désormais partie de votre tableau de chasse : la charmante Rosalie de Parme, une fille gâtée par son paternel et couvée par sa mère. Je puis vous dire cher Monsieur que vous avez déniché la poule aux œufs d'or et connaissant votre penchant pour la chair fraîche, vous ne baisserez pas les bras. Une pucelle, une fillette collée aux jupes de sa mère, n'avez-vous pas honte de votre acte ? Ne préférez-vous point une femme sage et joyeuse de vivre plutôt que cette fausse poupée de cire ?


Poursuivant mes investigations au sein de Lagandière, je sus trouver la pimbêche. Elle sortait d'un magasin très à la mode, sa bonne très (trop) jeune les bras chargés de multiples paquets Sa mère, une dame vulgaire au teint pâle trottait à ses côtés en la conseillant sur comment porter un haut-de-forme. C'est à ce moment-là que mes membres se crispèrent, mon visage se figea jusqu'à ce que mes traits devinrent durs et craquelés. Enfin je vis celle qui nous causait du tort ! Intérieurement, j'explosai de rage et de frustration devant cette poupée de cire, dressée pour obéir autant au pater familias qu'à son futur mari. Elle avait tout pour plaire à n'importe quel mâle de notre monde : d'affreuses boucles blondes, de grands yeux globuleux, une taille fine sans graisse moulée dans un corset qui ne lui allait guère autant que dans sa robe d'un rose très vieux.

Son image me revint à chaque fois que je me promenais à Lagandière, devant ce magasin à la mode qui m'est mien. La vendeuse, une fort bonne amie à moi, ne me fit plus les mêmes éloges, se contenta de quelques compliments ridiculement simples et de me servir comme une vulgaire vieille dame. Le passage d'un ange change vos proches, vos connaissances, ceux sur qui vous pouvez compter et qui ne sont que traîtres et esbroufeurs. La petite garce de Parme ne quitta point mon esprit, j'en rêvais bien trop souvent, un sourire maléfique aux lèvres. Je songeais que je la séquestrais dans une pièce sombre, humide et glaciale. Afin de l'humilier, je la déshabillai, jetai ses vêtements à travers la cellule et m'adonnai au plaisir malsain. Je lui rappelai bien haut et bien fort que vous n'êtes pas là pour la secourir, que je l'avais prévenu de votre infidélité, de votre lâcheté qui résument votre famille de pestiférés. Ce plaisir serait le suivant : je la torturerai, la grifferai, la saignerai, la violerai, la brûlerai, l'écorcherai, lui crèverai les yeux, lui perforerai la peau, la frapperai, la découperai.


Cette petite peste ne mérite pas la vie, ses parents regretteront plus tard de lui avoir donné un cœur et une âme capables de vous ensorceler et sachez sale petit pédant que cette conversation ne s'interrompra pas en une lettre.


La marquise de Parois.


Lettre XXXX Du marquis de Lagandière à la duchesse de Galanta


Il va de soi que je suis en pleine campagne de séduction avec une fille de bonne famille. Il m'a été si simple de la faire tomber dans mes bras et il ne me manque plus que de l'allonger près de moi. Un obstacle vient tout de même déranger mes plans : Monsieur et Madame de Parme – voici leur nom – refusent de me laisser la voir et la toucher. Madame est particulièrement méfiante envers moi, m'a traité de tous les mots par une lettre agressive et très maternelle. Comment ne pas la comprendre ? Sa petite fille laissée entre les mains d'un affreux mari familier avec les femmes, sociable et fanatique de belles cérémonies, je ne suis pas l'époux parfait ! Cette campagne me rappelle bien celles de mon défunt père haut gradé dans les rangs de l'armée. Il dirigeait des milliers de soldats prêts à confier leur âme à Dieu si la mort venait à les frapper. Quant à moi, je dirigerai une armée de femelles, d'amazones à mes ordres afin de conquérir le monde ainsi que celles qui oseront me défier en ne succombant pas à mes charmes.

Vous me connaissez Madame, je suis un très bon chasseur, doué à la chasse à cour, à l'arc, à la carabine mais il m'arrive de pratiquer une toute autre chasse, celle de la femme et de la fille. Cette course est plus tendre, très douce mais plus éprouvante et complexe, comme un jeu d'échecs dont les adversaires sont les géniteurs. Il me faut donc une aide précieuse, votre aide tout particulièrement. Vous êtes mon alliée, ma compagne de bataille et je vous prie de bien vouloir accepter ma requête. Vous y gagnerez beaucoup, le droit de me posséder pour une nuit peut-être. Vous m'en voudrez pour vous répondre si franchement après toutes les émotions que je vous ai fait subir. Mais il me faut éloigner cette fillette afin de la dresser aux véritables valeurs de la vie. Vous me servirez d'assistante à cet apprentissage. Je vous demande simplement de vous occuper de la mère très envahissante et préoccupante, la perturbatrice de ma stratégie. Je sais que vous regorgez de multiples astuces, faites de votre mieux et vous serez récompensée par le grand seigneur que j'incarne.


Cédric de Lagandière.


Lettre XXXXI Réponse de la duchesse de Galanta au marquis de Lagandière


Bienveillant compagnon de bataille,


Il m'a fallu lire les premières lignes de votre écrit pour connaître les raisons de votre appel à l'aide. Il faut déjà reprendre du service après quelques jours de battement où le palais romain a du subvenir à de gros problèmes financiers. J'ai bien évidemment renfloué les caisses, nous pouvons donc continuer notre petite entreprise. Sur la lettre que je vous envoie, vous remarquerez qu'une petite larme a atteint le papier et fait un peu couler l'encre de ma plume. Je n'ai pu me contenir au vu de votre détresse qui m'a tout de suite touchée et réconfortée : bien sûr que je vous épaulerai ! Comme toutes les fois où vous l'aviez fait et si je compte bien, je vous ai aidé plus de fois que vous en votre vie de malfrat. Pensiez-vous réellement m'avoir, me tenir ? Votre possessivité vous rend fou mon pauvre marquis, vous n'êtes qu'un dégénéré, un homme sans pitié à la recherche d'une autre femelle à engrosser. Éloigné de moi, libre comme l'air, frustré de ne pas obtenir de moi ce que vous souhaitez, vous avez préféré fuir. Ne vous prenez point pour un chasseur expérimenté au tableau bien garni de noms de jeunes pucelles, vous êtes désormais la frêle biche qui galope pour sauver sa peau. Eh bien je vous souhaite de vous enfuir loin de cette ville que vous salissez de vos frasques.

Après vous avoir confié mon désarroi, je me calmai et réfléchissai à votre proposition. Ressouder notre alliance pour une mission, c'est seulement cela que vous voulez ? J'accepte de me soumettre malgré mon dégoût pour votre personne, et j'ai encore de petits sentiments pour vous. Mon âme maternelle ne peut se détacher de vous. Cette récompense que vous me donnerez aura bien intérêt à être à la hauteur de ce que vous me demandez. Bien que la petite soit à vous, aurais-je le droit, avant que la possédiez à tout jamais, de la palper, de sentir sa douce odeur de future femme, en réalité de femme éprise d'un homme très faux ? Ou peut-être pourrais-je la faire souffrir, lui faire comprendre que toute fillette devient nôtre, contrainte par nos règles et notre autorité ? Solution peu probable vous me direz. Dites-moi à quelle date débute mon premier jour de besogne. Si l'envie de me solliciter une dernière fois vous prend, sachez que je ne serais pas votre compagne de bataille. Prenez l'initiative de plaire à une autre et de lui faire convoiter le rôle d'amante suprême.

Bien à vous,

Margot de Galanta.


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