Babo, Roi des grenouilles
Babo m'attrapa par le bras.
- Jamais nous ne pourrons quitter cet endroit, Béatrice ! Fuir est notre seule chance !
J'eus une petite seconde d'hésitation. J'admirai sa capacité à prendre une telle décision. Mais cela me sembla un choix judicieux. Le loup s'élança, cependant que le Dieu-Cerf, reprenant ses esprits, nous poursuivait. Le loup était fort et rapide, mais il ne forçait pas l'allure, et le Dieu-Cerf ne cherchait pas à nous rattraper, mais à nous suivre. Nous arrivions à l'orée d'une forêt. Le loup se retourna, menaçant le Dieu-Cerf.
- Le Dieu-Cerf ne peut entrer ici.
Les frondaisons cachaient des marécages et une végétation dense de racines. Les arbres formaient comme une immense cathédrale de lumière tamisée. Des ruisseaux parcouraient les sous-bois, courant de fondrières en étangs, de mares en marais, tournant autour de tourbières moussues, d'où s'envolaient des insectes et des papillons dans les rayons du soleil.
- Où allons nous ?
- Vous le saurez lorsque nous y serons.
Nous fîmes une pose sur le bord d'un cours d'eau, pour reposer nos muscles endoloris. Le loup s'étendit, les yeux mi-clos. Au bout de quelques minutes, Babo se leva pour mouiller sa figure.
- Ho ! Des têtards ! Tiens ! J'en ai attrapé un au creux de mes mains !
- Ne fais pas ça, humain ! Babo, surpris, laissait retomber son têtard.
- Et les poissons, on peut ?
- Oui, on peut.
- Alors, à la pêche !
Babo tailla un bâton en pointe avec son canif, attrapa deux ou trois brochets, alluma un feu avec son briquet et fit griller les poissons. C'était très bon, délicieux même, et très réconfortant. Même le loup mangea, en souriant.
- Il est tard, la nuit tombe. Nous repartirons demain. Babo, Béatrice, il faut dormir.
Nous tombions de fatigue, et nous nous endormîmes rapidement.
Le lendemain matin, nous fûmes réveillés par le coassement des grenouilles. Je me frottais les yeux, car des centaines de grenouilles nous entouraient. Puis l'une d'elles s'avança.
- Gloire à l'humain ! Gloire à l'humain !
- Plaît-il ?
- Gloire à notre héros, qui a sauvé le Fils du Roi ! Ce dernier, poursuivi par des brochets, et sa dernière heure venue croyait-il, a vu une main divine le recueillir comme l'aurait fait un père, un maître bienveillant. Puis, la main l'a relâché, et s'armant d'un bâton pointu, a vaillamment lutté contre les brochets, les embrochant tous. L'ennemi, défait, mort, était vaincu, réduit en cendre. Nos héros se sont ensuite endormis, et nous avons veillé sur leur sommeil. Maintenant, le soleil est haut, et nous chantons vos louanges. Comment vous remercier ?
- Et bien...
- Babo, notre bien-aimé protecteur, tu es désormais notre roi !
Babo, légèrement crispé, faisait de petits gestes de remerciements. Le Loup distribuait de petits sourires entendus. Et moi qui venais, la veille, d'être sévèrement condamnée par des animaux, je trouvais tout cela profondément injuste.
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