Depuis trop longtemps je m'oubliais dans un répétition morne, aussi je ne pus réagir lorsque je vis arriver au loin une forme molle et flottante. Satanés mirages. Plusieurs fois par jours, ils m'offraient des visions éphémères et trompeuses, qui aussitôt s'évanouissaient. La forme se rapprochait. Arrivée à quelques mètres de moi, elle se mit à parler.

— Salut louloute ! Une chapka rose en poil de lapin, c'est pas un peu trop chaud pour la saison ?

En plus, c'est d'un goût...

— Gal ! C'est toi ?

Je ne l'avais pas reconnue, ou plutôt j'avais reconnu ses yeux, mais tout le reste, peau parcheminée, cheveux gris épars, était d'une inconnue. La forme grise me répondit, mettant un doigt sur le sommet du crâne.

— Oui, c'est moi. Taadam !

— Mais comment...

— T'aurais pas quelque chose à boire, là ? On crève dans ce pays. Comment je t'ai retrouvée ? Ça n'a pas été facile, tu peux me croire ! Tu avais disparu. Tout à coup, pouf ! Comme une bulle de savon sur un poële rouge. Aucun signal, plus de communication mentale. Nada. Mais est-ce important, maintenant ? Nous avons d'autres chats à fouetter. Pas toi, mon lapin, rassure-toi. De vrais chats et aussi beaucoup d'autres créatures venues envahir notre monde. Je me suis dit, alors, que j'allais essayer une dernière chose. Un truc idiot, mais qui me trottait dans la tête depuis 50 ans sans vouloir en sortir, depuis.... Enfin, ce n'est pas très important non plus. Tu ne pouvais pas sortir de cette satanée bouteille, de toute façon...

e— Vous avez récupéré la bouteille ? Depuis longtemps ?

— Ho ! Non... 41 ans, 7 mois, et 18 jours. Oubliée dans un placard. Rien à en tirer, on avait tout essayé... sauf...

– ... Sauf ?

— Le trajet inverse. Faire rentrer quelqu'un dans la bouteille. Alors me voilà, Béatrice. Et j'espère du fond du coeur qu'on va s'en sortir, toutes les deux.