Chapitre 4
L'occasion s'est présentée quand il m'a parlé d'une jeune fille, prénommée, Justine. Il l'avait rencontré sur Internet et elle faisait le même sport que moi. Sortant d'une rupture amoureuse, il était encore dans la phase où il butinait, mais n'arrivait pas à se poser. Quelques jours avant l'événement, j'ai reçu ma convocation et j'eus la surprise d'y voir son nom affiché.
Heureux hasard !
Alors que j'étais partie en promenade, j'eus l'idée de lui envoyer un mail, sur son adresse professionnelle, pour lui montrer ma découverte. Semble-t-il, même le week-end, il lisait les mails et répondait.
« Le monde est petit »
Le lendemain, c'est lui qui trouvait un prétexte pour m'envoyer un mail.
J'avais laissé échapper au café un « J'ai entendu dire des choses », énigmatique.
« Tu as ouï-dire quelque chose ? », m'envoya-t-il.
« Pour clarifier la situation, une personne devrait être capable d'éclairer ta lanterne. En espérant avoir été compréhensible »
Bien évidemment cette phrase aussi clair qu'un marécage a relancé la discussion.
« Pas tellement », écrivit-il.
« C'est con, on aurait pu clarifier nos interrogations ce soir autour d'une bière, mais tu seras avec Justine et moi avec Laura en train de faire du double dame »
« Ah oui, c'est vraiment dommage... »
J'étais contente. Il semblait que je n'aurais pas de refus si j'osais sauter le pas. Cette proposition, sans vraiment la faire, m'avait semblé moins effrayante, comme une blague non assumée. Un refus aurait été ainsi, plus facile à digérer.
Dès lors, nous avons souvent échangé par le biais de nos mails professionnels, parfois même hors des horaires de bureau.
Le lendemain, il me demandait deux places de cinéma pour le soir même. Ça se concrétisait donc avec Justine la belle brune. Le soir, en rentrant chez moi, je recommençais ma tactique, du non-rencard.
« C'est con, je serais bien allé boire une bière ». C'était moins effrayant que de lui demander officiellement d'aller boire un verre.
« C'est con...
Surtout que finalement, je ne fais rien ce soir », me répondait-il.
« Le truc, c'est que dans un monde où les petits copains doivent payer le cinéma, je pensais qu'une femme n'avait pas le droit d'inviter des hommes à boire une bière. »
« Elles ont le droit !
J'approuve ce genre d'initiative ! ☺ ».
Vraiment, il fallait que je me lance. Mais dur dur quand on est aussi timide que moi.
Le week–end qui a suivi, je suis allée sur cette compétition où je devais croiser cette demoiselle rencontrée sur Internet. Il m'a envoyé un « bonne chance », j'ai répondu que j'avais tout perdu, mais lui me répondait que Justine m'avait vu. Il avait donc parlé de moi avec cette jeune fille. J'avais du mal à imaginer la scène. Surtout qu'en arrivant dans le gymnase, j'avais croisé son regard et on peut dire qu'elle n'était pas vraiment souriante. Elle aurait pu avoir un léger sourire complice, qui veut dire : « Ah salut, nous avons un ami en commun ». J'avais eu plutôt une sensation d'un « toi, je te connais, mais je ne t'aime pas ». Enfin, tout ceci n'était qu'une impression.
J'avais tellement envie d'avoir le courage, le courage de l'inviter, le courage d'être heureuse en réalité. Je sentais qu'il voulait que je fasse le premier pas, me tendant continuellement des perches, mais n'ayant pas le courage de le faire lui-même. Peut-être un peu de culpabilité ?
Mais il devait malheureusement partir en congé une semaine, ce qui mit en pause nos échanges.
Pendant son absence, il y avait eu un réaménagement des locaux et je ne pourrais plus désormais le voir que depuis mon nouvel espace de travail. Mais bien que nous passions nos journées à nous envoyer des mails, au café, il ne s'éternisait jamais, ce qui me laissait, physiquement, toujours sur ma faim.
Il me fallait donc être réactive.
— Auras-tu besoin de nouvelles places de cinéma ? dis-je alors qu'il repartait à sa place.
— Non ! Et je crois que les autres vont rester longtemps dans ma poche.
Que voulait-il dire par là ?
« Puis-je supposer que ta remarque énigmatique de ce matin, m'autorise à te demander des éclaircissements ? », écrivais-je.
« Finalement, Justine n'est pas venue hier soir...
Elle a peur de s'attacher alors qu'elle part dans quatre mois...
Enfin j'étais super déçu hier soir
Je l'aimais beaucoup ».
Ce soir-là, comme nous étions jeudi, j'avais deux heures de battement pendant l'entraînement de mes filles, alors j'ai pris mon courage à deux mains et je lui ai envoyé :
« Je viens de déposer les filles à l'entraînement et j'ai 1h30 à gaspiller. Est-ce que tu bouges ce soir ou tu pleures tout seul dans ton appart ? ».
« Je peux faire pleins de choses ! Je vais quitter le bureau là. »
Il me proposait donc une bière et me donnait une adresse.
J'étais excitée comme une puce, je pourrais enfin discuter avec lui sans être inquiète du regard de mes collègues ou être limité aux dix minutes réglementaires de nos pauses. Je n'espérais rien de plus que du temps avec lui. Il flirtait avec des jeunes femmes et j'étais mariée. Ceci était encore évident dans ma tête.
En arrivant à l'adresse, je me suis rendu compte que c'était celle de son appartement. Et quand il est venu m'ouvrir la porte, j'ai remarqué qu'il avait retiré ses lunettes. Le suivant, j'ai senti aussi qu'il était plus parfumé que d'habitude. Étrange !
Il habitait au rez-de-chaussée et possédait même un petit rez-de-jardin. Dans la pièce principale, on trouvait à droite une cuisine, séparée du reste de la pièce par un bar. Devant nous, il y avait un canapé et une table basse qui faisait office de coin salon et au fond à gauche un grand lit.
Nous avons donc bu une bière en discutant attablés au bar. C'était si facile d'échanger avec lui. Nous avons parlé, entre autres, de son envie de trouver une jeune fille pour combler son célibat. Mais ça ne me posait aucun souci, je n'étais pas venu pour le séduire, mais car j'étais bien avec lui.
Quand j'étais là, seule avec lui, j'aurais voulu que le temps s'arrête. C'est difficile à expliquer, mais j'étais là, avec lui à cent pour-cent. Mon esprit ne vagabondant pas vers d'autres pensés. Ce qui m'arrive tout le temps et depuis que je suis toute petite. À cette période d'ailleurs, il était souvent dans mes pensées, que je sois avec mes collègues, mes amis ou ma famille. Et quand votre corps et votre esprit son au même endroit, c'est tellement reposant.
Il fallut quand même que je parte au bout d'une heure et demie. Et je lui ai envoyé un simple « Merci ».
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