Chapitre 3 - 2
Serymar reparut à l’entrée de sa demeure. Il ignora le regard lourd de reproches d’Elma. Son attention était focalisée sur ce bébé au creux de son bras. Le monde autour de lui n’existait plus, son existence se réduisait à cette petite présence au creux de son bras. Karel le fixait. Perturbé, Serymar ne sut comment il devait réagir. Pourquoi ne parvenait-il pas à détourner les yeux ? La réalité de ce qu’il venait de commettre alourdit le poids qu’il ressentait depuis toujours sur ses épaules.
« Je n’avais pas le choix… » tenta-t-il de se convaincre. « Sauras-tu me pardonner un jour, Karel ? »
— Alors, vous l’avez fait, constata Elma d’une voix glaciale.
Serymar revint brusquement à la réalité et se mura aussitôt derrière un masque impassible.
— Je te rappelle que tu n’as pas ton mot à dire, Elma.
— J’ai fermé les yeux sur beaucoup de choses… mais ça ! Comment pouvez-vous infliger cela à des innocents ? explosa la jeune femme. Vous savez pourtant parfaitement ce que c’est que d’être arraché à sa mère dès la naissance !
Serymar la foudroya du regard.
— Tu vas faire exactement ce que je dis : cet enfant ne devra connaître aucun mot, aucune parole, aucun son de voix, tout le temps qu’il sera ici. Je te charge d’en informer les autres. Apprenez la langue des signes pour faciliter les échanges. Sachez que je m’assurerai personnellement que vous respectiez ce pacte du silence. La moindre trahison ou erreur de votre part, et la mort vous emportera avant même d’avoir pu briser ce pacte du silence. Est-ce bien clair ?
Elma fut incapable de répondre et baissa les yeux, désarçonnée par cette décision. Son Maître se comportait de manière inhabituelle depuis l’apparition de la Prophétie.
— Relève la tête lorsque je te parle.
Elma obéit à contrecœur.
— Je vous somme, à toi et aux autres, de vous occuper de cet enfant, et tu en auras le rôle principal. Fais ce que tu veux, cela m’est égal, tant que le pacte du silence est respecté et que ce garçon grandit bien. Encore une chose… évite à l’avenir de te mêler de ma vie privée, ou tu auras à en subir les conséquences.
Serymar repositionna le nourrisson dans le creux de son bras.
— J’espère avoir été clair.
Il disparut avec Karel sans ajouter un mot de plus.
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