Chapitre 5 - 2

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La chambre de Karel avait été aménagée dans l’unique tour de la demeure. Elma ressentit sa charge s’alourdir dans ses bras. Karel s’était enfin endormi. Elle le coucha délicatement dans son lit et l’embrassa avec douceur sur le front.

Le quotidien commençait à peine à s’améliorer. Durant les six premiers mois, Elma avait dû pleurer presque autant que Karel, ce dernier ne ressentant pas en elle celle qui l’avait porté et mis au monde. La culpabilité d’Elma s’en était retrouvée décuplée et encore plus difficile à supporter. Elle imaginait la détresse des parents de Karel. Plus les jours passaient et plus elle se détestait d’avoir volé malgré-elle le rôle d’une mère. D’autant plus qu’elle s’estimait encore trop jeune pour le désirer. Elle n’était qu’une adolescente qui avait grandi trop vite, et elle tenait rancœur à Serymar de l’avoir mise dans cette situation.

Son cœur déjà meurtri se serra davantage lorsqu’elle repensa à ce premier enfant qu’elle avait refusé de porter. Elle avait la désagréable impression que le destin l’avait punie d’avoir pris une telle décision.

« Je pensais que, s’il y avait bien une seule personne pour comprendre ma détresse, c’était vous, Maître. », songea-t-elle avec douleur.

Elma regarda le bébé endormi dans son lit et son mal-être s’accentua. Karel n’avait rien demandé. Il serait injuste de lui allouer le moindre reproche. Il ne demandait qu’à être aimé et ne faisait que rechercher la chaleur de sa mère.

Elle enjamba la couche improvisée à même le sol. Elma avait décidé de s’installer momentanément là au lieu de partager sa propre chambre avec lui. Cela lui permettait de l’entendre si jamais il se réveillait, le handicap de Karel exigeant une attention encore plus constante qu’un enfant normal.

Elma sortit de la petite chambre et ferma la porte avec précaution. Elle comptait revenir pour vérifier si tout allait bien. Elle avait fini par connaître ses heures de réveil par cœur.

Lorsque sa main quitta la poignée de la porte, ses yeux lui brûlèrent. Des larmes. Encore et toujours, comme chaque soir depuis un an.

Elle s’en voulait d’autant plus qu’elle se surprenait à apprécier de plus en plus passer du temps avec lui. Ce petit était une source de lumière dans ces plaines mornes. Une lueur de vie et d’espoir. Peinée que Karel soit privé du lien précieux avec ses parents, Elma désirait lui rendre la vie la moins pénible possible. Elle ignorait comment, cependant. Elle avait seulement seize ans. Si elle avait été plus forte, si elle avait eu moins peur de Serymar, peut-être serait-elle parvenue à l’empêcher de commettre cet acte.

« Je suis si lâche. » regretta-t-elle, amère.

À sa colère s’ajoutait l’incompréhension : si son Maître ne rentrait pas dans la catégorie des bonnes personnes, Elma le connaissait depuis assez longtemps pour savoir qu’il s’imposait certaines limites et ne prenait le risque de les franchir que s’il n’avait plus le choix.

La seule chose dont elle était certaine, c’était que les Dragons souhaitaient sa disparition par l’intermédiaire de Karel. Ce qu’elle trouvait curieux. Pourquoi les Dragons restants ne s’en prenaient-ils pas directement à Serymar ?

Perdue dans ses pensées, elle descendit jusqu’à l’étage inférieur où se trouvaient les appartements et le bureau du Mage.

« Maître… par les Dragons, mais quelle est la raison qui vous a poussé à enlever Karel ? Qu’est-ce que vous ne nous dites pas ? »

Il ne risquait pas de lui répondre si elle lui posait la question. Elle s’engagea dans le couloir, devenu encore plus sombre par l’obscurité de la nuit. Elle rejoignit une vieille porte dans le fond, sur sa gauche. Le bureau du maître des lieux.

« Je dois savoir. » pensa-t-elle comme une évidence.

Elle hésita, prise de culpabilité. Comment pouvait-elle penser à fouiller dans le dos de celui qui lui avait sauvé la vie ? Serymar était devenu son mentor à bien des égards.
« Justement. », tenta-t-elle de se convaincre. « Je ne peux pas fermer les yeux. »

Déterminée, Elma posa une main sur la poignée. Sans surprise, un sceau enchanté apparut, verrouillant l’accès à la pièce. La jeune fille soupira. Elle aurait dû s’en douter. Elle se figea lorsqu’elle se rendit compte que le symbole lui était familier : l’image d’une rose blanche. Elle ignorait encore ce que ce symbole représentait pour son Maître, mais elle savait qu’il s’agissait d’un élément important. Craignant d’alerter le Mage, elle s’éloigna, jurant sur la capacité de Serymar à prévoir la moindre faille.

Un frisson glacé lui parcourut soudain l’échine. Une présence était apparue à quelques mètres d’elle. Une seule personne ici en possédait une aussi forte.

Suite ===>

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