Chapitre 8 - 2
Un silence pesant s’abattit sur la pièce. Serymar regarda tour à tour Elma et Karel. Orën était venu le prévenir juste à temps.
Agacé de voir Karel ainsi prostré, il ordonna à Elma de les laisser. La jeune femme lui jeta un regard soupçonneux. Le petit garçon tenta de la suivre, mais Serymar lui barra le chemin. Il perçut le regard implorant d’Elma, mais ne céda pas. Impuissante, elle quitta les lieux.
Mal à l’aise, Karel baissa les yeux et ne bougea plus. Le Mage exigea son attention. Le petit garçon obtempéra, non sans méfiance.
— « Tu dois apprendre à faire face au danger seul. » lui signa Serymar « Elma ne sera pas toujours là pour te rassurer. »
Karel plissa les yeux et riposta par des gestes nerveux. Il désigna le Mage du doigt pour le contredire. Son Maître n’était-il pas présent, justement ?
— « Un jour, tu seras seul et personne ne viendra t’aider ! » lui répondit durement Serymar.
Le petit garçon n’osa pas exprimer son désaccord : comment une telle chose pouvait-elle être possible ?
Le Mage pointa un doigt accusateur sur lui.
— « C’est de ta faute. Tu as perdu ton calme et perdu le contrôle. La magie peut être aussi bonne que dangereuse. »
Sous son apparente exaspération, Serymar était satisfait : les pouvoirs de Karel commençaient à se manifester, et plus tôt que ce qu’il avait escompté. Il restait toujours préférable d’apprendre à maîtriser ses pouvoirs le plus tôt possible. Le Mage pouvait commencer à former Karel. Cet enfant n’avait que cinq ans et semblait posséder un grand potentiel magique.
Serymar devait veiller à ce que Karel ne se tue pas par inadvertance. Ce dernier était dans l’incapacité de signaler un danger lorsque celui-ci survenait dans un moment d’inattention.
— « Désormais, je te formerai. »
Karel protesta vivement. Il s’affola encore et indiqua qu’il ne voulait pas revivre ce qui venait de se passer. Etouffé par la culpabilité, Karel chercha à s’enfuir. Une poigne ferme le retint par une épaule.
« Arrête de perdre ton calme, imbécile, je viens de te le dire. J’ai horreur de me répéter. »
Ce furent les pensées de Serymar en cet instant, qu’il se gardât bien de retranscrire. Son geste parlait de lui-même.
Karel s’arrêta net, incapable de rivaliser avec la force de son mentor. Choqué et bouleversé, il tremblait encore sous les doigts du Mage. Il voulait sans doute rejoindre Elma. Son trop-plein d’émotions s’extériorisait bien malgré-lui et Karel pressa ses mains devant ses yeux devenus humides. Il laissa échapper plusieurs sanglots.
Serymar s’accroupit devant Karel et saisit ses mains pour les abaisser d’un coup sec. Surpris, Karel se figea devant son regard glacial et lourd de sens. Le petit garçon renifla et essaya d’obéir, mais ne sut comment faire pour tout refouler. La question se refléta dans ses yeux.
« Arrête de pleurer. Apprends à retenir tes larmes, ou un jour, ça te coûtera cher. La vie ne te laissera pas toujours le loisir de te remettre d’une peur ou d’une blessure, Karel. »
Serymar ne le lâcha pas. Il redoutait que Karel ne parte en courant pour cacher sa détresse. Une fois certain de son obéissance, il le libéra.
Il resta accroupi face à lui et attendit patiemment que Karel se calme de lui-même. D’une main, Serymar ramassa un peu de terre qu’il présenta devant le petit garçon. Ce dernier la fixa avec méfiance. Le Mage étendit ses sens à l’intérieur de la terre dans sa paume à la recherche d’un débris de racine sur laquelle il insuffla un peu de son pouvoir.
Lorsque la tige perça la terre, Karel eut un vif mouvement de recul. Serymar le rappela à l’ordre d’un regard sévère. Il passa sa main libre devant la tige du bas vers le haut. Celle-ci crût encore jusqu’à atteindre une hauteur raisonnable et quelques feuilles apparurent. Karel, toujours sur ses gardes, fixa la plante s’épanouir dans des mouvements harmonieux. Elle n’attaqua pas. Le Mage décela de la fascination dans son regard. S’il s’étonnait toujours de cette attitude émerveillée pour presque tout et n’importe quoi, au moins il se sentit satisfait de retrouver le Karel qu’il connaissait.
Serymar planta avec soin le petit arbuste. Il se frotta lentement les mains pour se débarrasser du reste de terre et se releva.
— « Tout ceci peut parfaitement se contrôler. Tu es doté de l’aura de la nature, Karel. Si tu perds le contrôle de tes émotions, tes pouvoirs peuvent te submerger et devenir dangereux. »
Karel opina. Tout ceci, ça s’appelait « magie », et ça pouvait se contrôler. Il était un peu rassuré.
« C’est un bon début », pensa le Mage.
Karel le surprit lorsqu’il se mit à lui poser des questions.
— « Tu peux utiliser la magie de plusieurs manières. Soit en puisant dans tes propres ressources, soit en utilisant ce dont tu disposes autour de toi. Le mieux est de combiner un peu des deux. Mais le plus important reste de comprendre le fonctionnement de la Nature elle-même. Je t’apprendrai. »
Karel semblait avoir du mal à comprendre. Serymar tenta de simplifier.
— « La magie est en nous. De ce fait, nous pouvons l’utiliser à partir de n’importe où, contrairement aux Sans-Pouvoirs. Ils sont obligés d’utiliser des objets enchantés pour ce faire. »
Le petit garçon acquiesça. Il avait au moins compris l’essentiel et semblait enfin apaisé. Serymar eut du mal à déterminer s’il s’était remis de ses émotions, mais il lui proposa une démonstration de son explication sans que Karel ne sollicite ses pouvoirs.
Contre toute attente, il le vit hocher la tête et se mettre en position pour le suivre. Le Mage se dirigea vers les étages supérieurs, l’enfant à ses côtés.
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