Chapitre 10
Dans une pièce du petit château, le petit garçon de cinq ans regardait attentivement Serymar lui expliquer les principes fondamentaux de la magie. Il ne comprenait pas tout, mais passer du temps avec le Mage suffisait à faire son bonheur.
— « Sur Weylor, tout porteur de magie est catégorisé selon son niveau : Apprenti, Sorcier, Mage. »
Il émit une courte pause et vérifia l’expression de son Apprenti. Lorsqu’il vit de l’intérêt briller dans les yeux du garçon, Serymar poursuivit sa leçon. Il désigna Karel pour lui illustrer le statut d’Apprenti. Concernant le niveau de Sorcier, il lui expliqua qu’il s’agissait de la grande majorité des porteurs de magie. De ce fait, il n’y avait que peu de personnes qui accédaient au rang de Mage. Serymar ajouta que ce qui les différenciait des Apprentis et des Sorciers était leur non-utilisation d’artéfact pour garder la pleine maîtrise de leurs pouvoirs.
Une lueur interrogatrice anima les yeux de Karel. Il lui demanda à quoi ressemblait un artéfact.
— « A à peu près tout et n’importe quoi. Cela dépend de la personnalité de chacun. »
Il détailla : si peu de Sorciers devenaient des Mages, c’était parce qu’il était particulièrement difficile de maîtriser ses pouvoirs à la perfection, quand bien même certaines personnes pouvaient être talentueuses. Ces objets leur permettaient de réguler leurs pouvoirs pour éviter une perte de magie, qui se révélait toujours dangereuse.
Admiratif, Karel désigna son Maître et lui demanda s’il pouvait lui montrer son ancien artéfact. Il supposa qu’il devait s’agir du long poignard que Serymar portait toujours accroché autour de sa jambe, cachée sous le long pan de sa tunique. Le Mage esquissa une légère moue amusée.
— « Bien vu, mais non. Je n’en ai jamais eu. »
Karel fut étonné. Serymar voulait bien le concevoir. Il ne considérait pas son parcours exemplaire, aussi espérait-il que celui de Karel serait conventionnel que le sien.
— « Les Mortels naissent soit Sans-Pouvoir, soit avec une seule aura de magie. Nous sommes les seules exceptions à cette règle. En ce sens, prends garde : l’avidité de certains n’a pas de limite, et l’attrait du pouvoir à tendance à corrompre les âmes. »
Karel eut du mal à comprendre où son Maître voulait en venir. Accoutumé à cette manière de s’exprimer, Karel passa outre et préféra interroger Serymar : avec quels pouvoirs était-il né ?
Serymar ne répondit pas immédiatement. Les questions de Karel le renvoyaient à ses anciens combats, à une histoire qu’il souhaitait désespérément oublier. Il fixa son élève et estima que le renseigner ne lui serait pas compromettant. Il se redressa et positionna une main en biais, pointa le majeur de son autre main en plein milieu de sa paume et fit rapidement pivoter son doigt de l’intérieur à l’extérieur.
— « Tous. »
Karel ouvrit de grands yeux impressionnés.
— « Ou presque. », tempéra Serymar. « Je suis incapable d’annihiler les maladies par magie. Je ne peux que réparer partiellement les blessures physiques. »
Et encore, si la personne pouvait encore être sauvée. Le Mage se garda cette précision pour lui. Afin de détourner l’attention de Karel de sa personne, il reprit ses explications.
— « Weylor regorge de pouvoir, et a été créé par une magie particulière, celle-là même qui donne vie à tout ce qui nous entoure. Tu vas devoir apprendre à ressentir ces courants, exactement comme le sang qui coule dans tes veines. C’est ainsi que tu pourras utiliser tes pouvoirs de manière optimale. »
Karel ne comprit pas tout mais ne s’en inquiéta pas. Son Maître finirait bien par lui faire une démonstration.
Serymar éprouvait des difficultés à simplifier un sujet aussi complexe, surtout quand lui-même utilisait la magie aussi aisément qu’il respirait. Il prit conscience qu’il devrait apprendre à décomposer ses actions pour mieux les inculquer à Karel, encore trop jeune pour en saisir toutes les subtilités. Songeur, son regard finit par se porter sur un chandelier à trois branches posées au milieu de la table.
Il en retira les bougies et les disposa devant Karel, deux d’un côté et une de l’autre. Il lui proposa d’imaginer que la bougie seule représentait Karel. Serymar la saisit et la bougie s’alluma par magie. La flamme s’intensifia et les premières gouttes de cire commencèrent à se former.
— « Chacun dispose d’une quantité variable d’énergie vitale, et chaque porteur comme toi et moi disposons en plus d’une capacité magique qui dépend là aussi de chaque personne. Plus un sort est puissant, plus il demande de ressources. »
Il désigna les gouttes de cire qui glissaient le long de la bougie.
— « Plus la flamme est intense, et plus vite la cire fond. Le principe est exactement le même. Si tu dépasses tes capacités magiques, tes pouvoirs puiseront ton énergie vitale. Et c’est là que ça devient dangereux. Il sera donc très important que tu apprennes à connaître tes limites. »
Karel hocha la tête pour lui signifier qu’il avait compris, puis lui demanda ce qui arrivait s’il outrepassait ses capacités. Pour lui répondre, Serymar abattit la bougie contre la table du poing et Karel sursauta.
— « Voilà, pourquoi. » lui fit Serymar avec un regard entendu.
Karel fixa la cire étalée sur le bois, la mine inquiète en comprenant par cette image ce qui pouvait arriver s’il ne prenait pas cet avertissement au sérieux. Serymar agita machinalement les doigts et les bougies se reconstituèrent.
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