Chapitre 14 - 2

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Serymar se figea. À ses pieds gisaient les pièces éparpillées du cadenas. Aucune pièce n’avait été brisée, ce qui témoignait de l’utilisation de la magie. Karel était donc parti dans les cachots. Alors pourquoi les portes étaient-elles fermées ?

Le Mage connaissait suffisamment le petit garçon pour se douter que, s’il était allé de lui-même explorer les sous-sols, il ne s’était pas occupé de refermer derrière lui, d’autant plus que cela le priverait de lumière.

« Soit Karel m’a désobéi délibérément, soit quelqu’un l’a menacé de le faire. Dans tous les cas, au moins une personne ici cherche à lui nuire. »

Serymar ouvrit les portes par télékinésie. Si Karel s’était fait piéger, aucun doute que ses agresseurs ne tarderaient pas à vérifier si tout se déroulait comme ils le souhaitaient.

Il s’engouffra dans les escaliers. L’odeur de décomposition mortuaire le saisit aussitôt, insupportable, impitoyable et agressive. D’un geste rapide, Serymar purifia l’air autour de son visage. Il sonda les lieux. Le temps lui était compté. Le Mage tendit un bras et envoya un large sortilège pour détecter la présence du garçon. Le résultat fut encore pire que ce qu’il avait pu imaginer.

« Cette satanée oubliette… » pesta-t-il.

Sans hésiter, il s’en approcha. Ne sachant pas comment était disposé le fond du puits, Serymar tendit la main au-dessus du précipice afin de repérer la position de Karel. Des sillons argentés apparurent sur sa main. Ils disparurent aussitôt que Serymar cessa d’utiliser ce pouvoir et se téléporta.

Une fois en bas, il crut un instant ses projets avortés. Karel était inconscient et respirait à peine, baignant dans une mare de sang.

Si cet enfant mourait, Serymar serait condamné. La Prophétie ne pourrait plus s’accomplir, et cet être à l’œil rouge sans âme surgirait pour le capturer. Son sort serait pire encore que la mort elle-même. Sa vie se résumerait à une prison éternelle où la souffrance serait son quotidien. L’âme arrachée, il deviendrait à jamais une coquille vide qu’Œil-de-Sang pourrait manipuler à sa guise. Cet homme n’hésiterait pas à l’utiliser comme arme de destruction massive. Karel devait survivre. Coûte que coûte.

Serymar se pencha sur l’enfant et posa une main au niveau de son visage. Il fut soulagé d’y sentir le souffle du petit garçon contre sa peau, bien que très faible. Tout n’était peut-être pas encore perdu. D’un geste, le Mage saisit le bas de son manteau de voyage et en déchira un morceau. Il entreprit de bander le bras ouvert de Karel afin d’arrêter l’hémorragie. Serymar se défit de sa cape et enveloppa le garçon. Elle était trop fine pour réellement le maintenir au chaud, mais c’était toujours mieux que rien.

Avec beaucoup de précautions, le Mage souleva Karel, un bras sous son dos et l’autre sous les genoux, et fit en sorte de maintenir sa tête contre son épaule. Des échos lui parvinrent au moment de se téléporter directement vers la chambre de Karel. Cela lui confirma l’urgence de la situation : si le pacte du silence n’entravait pas les serviteurs de Serymar alors que Karel était présent, cela signifiait qu’il se trouvait dans un état suffisamment grave pour ne pas entendre qui que ce soit.

« Bien. Voyons qui est derrière tout ça. »

Il se téléporta dans les escaliers en prenant garde à rester dissimulé dans la pénombre. Son ouïe surdéveloppée lui permettait d’espionner en restant à bonne distance.

— Je… ne je comprends pas ! gémit Grim. Je suis pourtant sûr d’avoir refermé les portes tout à l’heure !

— Panique pas, répondit la voix d’Elkor. C’est peut-être le gamin qui est revenu sur ses pas parce qu’il a eu peur. Qui sait ce qui se passe dans sa tête vide !

— Pff, quelle pagaille ! râla celle de Reynald. Ça va être galère de réparer ce cadenas sans que le Maître s’en aperçoive !

Serymar décida d’apparaître à ce moment-là, tout le monde sursauta. Grim se liquéfia.

— Oh, Maître, vous avez retrouvé Karel ! reprit Elkor d’un ton mielleux. Vous nous en voyez soulagé.

— Dans le salon de réception dans moins d’une heure, ordonna Serymar, glacial. Tous. Prévenez les autres. Je tuerai quiconque fera montre d’absentéisme.

— O… oui ! balbutia Grim qui s’en alla sans demander son reste.




***




Une fois dans la chambre de Karel, Serymar le déposa doucement sur son lit et s’assit sur le rebord. Il se força à inspirer et expirer, passant ses mains le long de son visage pour reprendre ses esprits.

Il ne pouvait pas annihiler les maladies. Karel n’était pas malade, seulement blessé.

« J’ai peut-être une chance de le sauver. »

Afin de ne pas perdre de temps, le Mage entreprit de soigner Karel pour stabiliser son état, en attendant de pouvoir l’ausculter en détail. Il ôta la cape et posa ses mains sur lui. Serymar se concentra : par magie, il sonda l’intérieur du corps de l’enfant et procéda zone par zone, refermant chaque tissu avec soin. Les blessures internes resteraient fragiles pendant un moment, mais au moins cela arrêterait ses diverses hémorragies. Cela fait, Serymar accéléra le processus de guérison des os brisés, avec un soin méticuleux au niveau du crâne.

Des sillons argentés apparurent à nouveau sur ses mains à mesure qu’il usait de ses pouvoirs. Il ignora la douleur qu’il ressentit au travers de ses veines.

La douleur serait intense après cette première intervention, mais au moins, ses jours n’étaient plus en danger. Pour le moment. Le Mage cessa d’utiliser ses pouvoirs, essoufflé.

Karel, devenu presque aussi pâle que lui, avait perdu beaucoup trop de sang. Serymar ne pouvait pas en créer. La magie avait ses limites. Il allait devoir trouver une autre solution. Et il avait déjà sa propre idée…




***

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