Chapitre 17 - 1
Après cette séance éprouvante, Karel savoura son bain, l’esprit satisfait. Il était heureux d’avoir passé du temps avec son Maître sans tension ni reproche. Les choses semblaient être revenues à la normale.
Il sortit du grand baquet rempli d’eau et s’habilla. Pendant qu’il se séchait les cheveux, le sol tangua soudain et il dût s’appuyer à un meuble. Un mal de tête se manifestait de plus en plus fortement et cette fois, ce n’était pas son Maître qui en était la cause. Enfin, peut-être que si, à force de lui avoir envoyé des chocs psychiques ? Non, c’était autre chose. Lorsque Serymar en était la cause, la douleur était très brève et disparaissait aussitôt. Ses vertiges s’amplifièrent.
Ayant vite appris qu’il ne servait à rien de s’affoler, Karel garda son calme. Lorsque ses vertiges refluèrent, un intense mal de crâne se révéla. Une douleur violente le paralysait à chaque fois qu’il respirait, comme si ses poumons étaient sur le point de se déchirer.
Le petit garçon sortit de la salle d’eau sans se précipiter. Il descendit jusqu’aux cuisines où plusieurs serviteurs préparaient déjà le repas commun. Enorën était concentré sur de la paperasse dans un coin de la pièce et Elkor était attablé avec Reynald et Radôn. Le colosse regarda Karel comme si sa présence était de trop. Le petit garçon entra malgré le malaise que l’homme lui inspirait. Sa grande taille n’atténuait en rien l’impression écrasante qu’il inspirait. Il dépassait même Serymar qui était pourtant élancé. Les larges épaules d’Elkor rendaient sa carrure impressionnante avec ses muscles développés et sa mâchoire carrée. Son travail consistait surtout à user de ses talents en menuiserie pour remettre en état le château avec ce qu’il pouvait trouver, et à aider les autres dans les tâches physiques. Si Karel avait toujours eu des difficultés avec les serviteurs, Elkor était le pire. Il détestait se retrouver dans la même pièce que lui.
Mal à l’aise, il prit pourtant sur lui comme il avait l’habitude et fouilla la pièce du regard à la recherche d’Elma, qui devait se trouver ici à cette heure. Il la repéra vite, occupée faire des conserves alimentaires dans des bocaux en verre. Karel la rejoignit et attira son attention en attrapant un bout de sa manche.
Elma interrompit son activité et se tourna vers Karel qui lui exprima en quelques signes qu’il ne se sentait pas bien, ce que confirmait son teint devenu pâle. La jeune femme l’invita à lui détailler ses symptômes. Karel lui désigna sa tête et ses poumons du doigt, puis positionna ses mains poings fermés, ne sortant que les deux pouces et effectua une rotation avec ses mains. « Mal ». Les traits d’Elma se plissèrent d’inquiétude.
Elle posa le dos de sa main contre le front de Karel et constata une forte fièvre. Elle resta cependant incapable de déterminer de quoi il souffrait et lui demanda de patienter. Le petit garçon opina et s’installa sur un tabouret haut.
Elma se dirigea vers un meuble où étaient stockés diverses plantes séchées. Elle en choisit trois, revint vers le poêle et s’affaira. Karel la regarda faire, intrigué et curieux. Cela lui donnait un prétexte pour mieux supporter l’écrasante hostilité d’Elkor et le regard analytique de Reynald. Karel n’avait jamais compris ce qu’il avait bien pu faire pour offenser cet homme et les autres adultes.
Il avait un jour posé la question à Serymar, qui ne l’avait pas beaucoup avancé en lui répondant qu’il n’avait absolument rien à se reprocher. Le Mage avait ajouté que la seule solution consistait à s’écarter. Karel n’avait pu s’empêcher de remarquer que c’était en effet ce que faisait son Maître : il passait la majorité de son temps isolé et minimisait au maximum ses interactions avec chacun. Karel était l’exception à la règle, même si leurs plus longs échanges résidaient dans les enseignements. Le petit garçon avait aussi observé que son Maître interagissait plus facilement avec une personne à la fois. Lorsque Karel lui en avait demandé plus afin d’améliorer son quotidien avec les autres adultes, Serymar avait eu encore une attitude qui l’avait intrigué : il lui avait vaguement expliqué que son besoin d’isolement relevait d’un autre problème bien plus personnel qu’un simple souci d’entente. Il avait enfin conclu par ces mêmes signes qui commençaient à frustrer Karel : « Ne deviens pas comme moi. »
Après cinq bonnes minutes, Elma revint vers lui avec un petit bol en bois dans les mains. Karel le prit et but le contenu. Ceci fait, il rendit le tout à Elma, la remercia et s’engagea dans le couloir.
Suite ===>
Annotations
Versions