Chapitre 24 - 1

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Dans sa chambre, Elma achevait de retirer toute la cendre de son visage lorsque de petits coups retentirent sur la vieille porte. Elle s’essuya la figure et ouvrit pour découvrir Karel. Il arborait une mine réjouie. La jeune femme ne put cacher sa surprise. Néanmoins, elle était soulagée de le voir ainsi.

Karel semblait avoir retrouvé les émotions qui le caractérisaient. Il signa avec beaucoup de rapidité, à la hauteur de son enthousiasme retrouvé.

Son cœur se gonfla de bonheur. Peu importait ce qui s’était passé dans le fond, tant qu’il allait mieux.

Karel lui expliqua avec frénésie avoir ressuscité un arbre après l’avoir touché. Il exécuta de grands gestes, comme pour accentuer l’ampleur de ce dont il avait été témoin. Elma songea qu’elle aurait adoré entendre le son de sa voix. Elle ne pouvait que l’imaginer, et elle se demanda si les Dragons étaient capables de créer ce miracle.

Arriva le moment prévisible : Karel lui demanda s’il pouvait aller voir Serymar. Elma lui adressa un regard désolé et lui demanda de patienter encore. Karel parut frustré, impatient de raconter son exploit. Elma lui promit de le prévenir lorsqu’il pourrait voir le Mage sans le déranger. Karel finit par consentir et s’engagea à ne pas lui désobéir. Elma lui sourit et l’embrassa sur le front.

— « Et si, pour patienter, tu essayais de renouveler ce que tu as fait ? Tu pourrais impressionner le Maître, comme ça. », lui proposa-t-elle.

Karel acquiesça, visiblement emballé par l’idée. Il embrassa Elma sur la joue pour la remercier et repartit s’atteler à cette nouvelle occupation.

Elma attendit qu’il s’éloigne, afin d’être certaine qu’il ne soit pas tenté de la suivre. Elle s’étonnait encore parfois de la confiance que Karel lui accordait. Elle repensa à ce premier enfant qu’elle avait refusé, un an avant sa naissance. Elma avait estimé qu’elle n’avait aucune compétence pour assumer cette charge, aussi était-elle toujours surprise de voir avec quelle facilité elle parvenait à interagir avec Karel. Elle avait décidé d’instaurer un climat de confiance entre eux, et visiblement, ça semblait fonctionner. Y repenser l’attrista : comment Karel la considérerait-elle le jour où il découvrirait la vérité ?

« Lâche et faible, Sans-Pouvoir insignifiante. Je ne sais vraiment pas où le Maître a trouvé une quelconque valeur en moi. », pensa-t-elle, lugubre.

Elle mit ses sombres pensées de côté et, une fois certaine que Karel s’était bien éloigné, Elma partit en direction de la tour.

Arrivée au niveau de la chambre de Serymar, elle poussa la porte qui grinça légèrement. Elle s’immobilisa, attentive au moindre mouvement, magique ou physique. Rien. Elle entra dans la pièce. Toujours rien. Elma respira à nouveau, soulagée : elle n’aurait pas été étonnée qu’il ait piégé sa porte avec un sort. Un rapide coup d’œil sur celle-ci lui confirma ses soupçons : d’infimes étincelles lumineuses parcouraient les fibres de bois abîmé. Elle leva les yeux au ciel.

« Je vous remercie de votre confiance, Maître… »

Voilà la raison pour laquelle ses pièges ne faiblissaient pas. Le peu d’énergie que Serymar avait, il l’employait pour maintenir ses pièges intacts au lieu de la récupérer pour lui.

« Vous êtes exaspérant. »

Elma s’approcha du lit le plus discrètement possible. Le Mage ne bougeait pas d’un millimètre, ce qui lui confirmait l’anormalité de la situation : il était habituellement impossible de l’approcher sans qu’il ne se rende compte de rien. Sans doute n’aurait-elle-même pas pu atteindre les cristaux s’il n’était pas dans cet état comateux.

Bien qu’elle n’appréciait pas faire les choses dans son dos, elle devait continuer ses investigations. Sa chance était là.

Elma ouvrit le tiroir de la table de chevet sommaire et découvrit avec surprise le morceau de papier oublié qu’elle avait essayé de traduire autrefois.

« À qui ces mots étaient destinés ? »

Une rose blanche. Elma devait suivre cette piste et retrouver ce calendrier. Elle promena son regard dans toute la pièce et aperçut la petite bibliothèque personnelle de son Maître.

Le meuble débordait de livres dont les sujets traitaient essentiellement d’Histoires et de sciences. Elma eut la surprise de découvrir quelques volumes traitant de légendes folkloriques diverses. Serymar savait donc se divertir autrement qu’avec les longues discussions échangées avec Enorën ?

« Mh. Essayons de ne pas nous disperser. »

Elle tira les livres un par un, sans savoir si elle cherchait un sujet particulier ou un mécanisme caché. Lorsqu’elle vérifia la troisième étagère, le livre qu’elle tint émit un étrange bruit. Intriguée, la jeune femme le secoua à nouveau. Quelque chose était enfermé. Elma le sortit et découvrit à l’intérieur des petits cristaux transparents. Lorsqu’elle se souvint de l’état de ceux qu’elle avait découvert plus tôt dans la journée, cela devait donc signifier qu’ils ne contenaient aucun souvenir. Elma referma le faux-livre et le rangea. Inutile de s’attarder dessus.

Cela fait, elle continua à les tirer un par un et dût se mettre à genoux lorsqu’elle arriva au bas de la bibliothèque. Soudain, un glissement se fit entendre au fond du vieux meuble. Elma plongea son bras derrière les livres et la satisfaction illumina son visage. Dans sa main, elle tenait le vieux calendrier de ses souvenirs, dans le même état qu’autrefois.

Elle le posa sur le sol et l’étudia de plus près : l’année l’intrigua encore. Un siècle plus tôt environ. Deux annotations étaient présentes, l’une quelque part sur un jour précis, l’autre sous la rature quelques mois plus tard. Dans un coin inférieur, Elma retrouva le dessin de la rose blanche.

« Ce symbole doit représenter un événement particulier, j’en suis sûre. »

Elma se remémora le souvenir qu’elle avait découvert plus tôt. Elle avait été surprise d’y découvrir un adolescent à la fois différent et si similaire à son Maître. La jeune femme n’avait pas manqué de remarquer qu’il avait un sérieux problème à la jambe gauche et au bras droit. Serymar était aussi gaucher. S’il utilisait ses deux mains et marchait normalement, il boîtait toujours un peu sur le pied gauche après un affrontement. La jeune femme avait fini par le remarquer après les nombreuses séances où il lui avait appris à se défendre avec une arme, en expliquant qu’il était plus facile de protéger quelqu’un qui savait survivre que l’inverse. Elma n’était pas une combattante pour autant, mais au moins connaissait-elle quelques bases pour se protéger en attendant d’être secourue.

Elma risqua un œil en direction du lit. Serymar était-il réellement né parmi les elfes noirs ? Quel était ce « projet Dragon » qu’ils avaient mentionné ?

La jeune femme reporta son attention sur le calendrier. Elle remarqua trois jours entourés sous la rature rageuse. Ainsi que des bouts de lettres. Mais entre l’encre et la déchirure, Elma fut incapable de déchiffrer ce qu’il y avait dessous. Elle soupira de frustration. Elle en était certaine, la clé pour ouvrir la Tombe de Cristal se trouvait là, juste sous ses yeux !

Elle refusait de se laisser décourager. Est-ce que cette forme représentait un A ? Et celle-ci était une partie d’un F ? Ou d’un G, peut-être ? Elle soupira. Si seulement ce document pouvait lui projeter le souvenir qui y était lié !

« Les cristaux… ce sont des réceptacles ! »

Elma se releva afin de se saisir du faux livre aux petits cristaux cachés. Ils étaient translucides, contrairement à la grande majorité de la Tombe de Cristal qui enfermaient une sorte de brume sombre à l’intérieur.

« Celui que j’ai pris possédait cette brume. Cela signifie alors que les translucides sont encore vides. »

Une idée lui vint. Elle ne pourrait peut-être pas obtenir de meilleurs résultats de par sa nature de Sans-Pouvoir, mais cela ne l’empêchait pas d’activer des objets enchantés. Elle avait beaucoup appris depuis son arrivée et assez lu de documents et de livres pour en saisir le fonctionnement.

Elma risqua un autre regard vers le lit. Toujours aucun mouvement. La jeune femme ne perdit pas plus de temps. Elle se rassit et posa le cristal sur le calendrier. Sans savoir si sa manœuvre fonctionnerait, Elma passa le cristal sur la violente rature jusqu’au dessin de la rose blanche.

« Je veux savoir ce qu’il s’est passé ce jour-là à propos de cette rose ! » souhaita-t-elle le plus fort qu’elle le put.

À sa surprise, le cristal se mit à briller. Soudain, le cœur d’Elma s’accéléra lorsque la réalité s’altéra. Elle sut aussitôt qu’elle entrait dans un souvenir lié à ce calendrier.




***

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