Chapitre 33
Ère actuelle, deux années plus tard.
— « Autrefois, un peuple aussi puissant qu’érudit vivait ici. », signa Serymar.
Quelque part dans les plaines sombres, Karel lui faisait face, attentif à ses mots. Le Mage le fixa. À dix ans, Karel commençait à changer, oscillant entre l’innocence de l’enfance et l’immaturité de la préadolescence. Ses traits commençaient à s’affiner et son regard se faisait plus sérieux. Il s’était considérablement amélioré sur la maîtrise de ses pouvoirs, bien qu’encore loin d’être parfait. Sans artéfact pour réguler sa magie, il était particulièrement difficile de se préserver des débordements.
— « On raconte qu’ils étaient aussi redoutables en magie qu’en art du combat. Et c’est ce que l’on va initier aujourd’hui. »
D’un geste de la main, Serymar fit apparaître une épée aux pieds de Karel, dont l’expression se renfrogna.
— « Ne fais pas la même erreur que beaucoup de porteurs de magie, Karel. À tout moment, tu peux ne plus avoir accès à tes pouvoirs, que cela soit par ton état ou un objet anti-magie. Tu te dois de parer à toute éventualité. »
Karel refusa de bouger, malgré son explication. Serymar se contint pour ne pas perdre patience.
— « Ramasse-là. Et sers t’en contre moi. Tu peux aussi utiliser tes pouvoirs. »
Karel lui répondit par une expression effarée et secoua la tête pour exprimer son refus. Serymar l’ignora.
En l’état, Karel était encore incapable d’avoir l’ascendant sur lui. Mais il était impératif qu’il apprenne quand utiliser ses capacités physiques et magiques. De même, Serymar souhaitait que Karel sache quand interagir avec des objets autour de lui afin de se sortir d’une situation dangereuse.
Nerveux, Karel recula d’un pas pour signifier son désaccord, atterré à l’idée de devoir lever la main sur son Maître. Il signa maladroitement que cette activité ne serait pas à sa portée. L’idée d’apprendre à blesser ou pire le révulsait. Serymar contint un soupir agacé.
— « Dépêche-toi, ou tu vas regretter de me faire perdre mon temps. »
En dépit de la menace sous-entendue, Karel refusa de bouger et le fixa avec détermination pour appuyer son refus catégorique. Serymar se composa une attitude menaçante.
— « Je serais clément pour cette première fois. Je n’utiliserai pas mes pouvoirs, ni aucun autre moyen pour te contrer. Si tu veux survivre de l’autre côté des Monts, tu devras apprendre à ignorer tes sentiments. Maintenant, attaque-moi. Sache que pour ma part, je n’hésiterai pas, s’il faut ça pour te faire obéir. »
Karel ramassa l’arme à contrecœur mais n’osa pas bouger. Il ne vit pas le soupir exaspéré de Serymar.
Le Maître s’approcha à pas lents vers son Apprenti qui se figea, semblant encore avoir du mal à déterminer si son mentor plaisantait ou non. Pour toute réponse, Serymar le fit chuter d’une pression derrière la nuque.
Stupéfait de constater que Serymar était sérieux, Karel s’appuya sur ses paumes pour le regarder. Une certaine crainte s’émanait de son regard. Serymar le toisa.
— « Tu as de la chance que je me retienne. En situation réelle, tu serais déjà mort ! »
Karel se releva et lui envoya un regard chargé de rancœur.
— « Ramasse cette épée, tout de suite. »
Karel souffla de frustration et se releva pour retomber aussitôt suite à un vif mouvement de jambe de la part de Serymar.
— « Dehors, tu n’auras aucun répit. Personne ne te laissera le temps, ni la chance de te relever. »
Cette fois, Karel ne se fit pas avoir par une autre attaque et se téléporta.
Serymar esquissa un discret sourire, satisfait. Enfin, Karel semblait comprendre. Mais pas question de s’en tenir là. Karel n’était pas assez motivé et perdait son calme. La preuve en était lorsqu’il le vit réapparaître quelques mètres plus loin d’une manière trouble.
« Tu es trop nerveux, Karel, et ça te sera fatal. Tu maîtrises la téléportation mieux que ça. Je n’ai même pas besoin d’utiliser mes sens pour te débusquer… Tu m’as habitué à mieux. »
Serymar effectua quelques pas vers Karel qui, affolé, disparut encore. Le Mage ne bougea plus et mit ses sens en alerte. Cela ne lui fut pas bien difficile lorsqu’il entendit des pas précipités quelques mètres sur sa droite. D’un mouvement vif et précis, il esquiva sur le côté et poussa à nouveau Karel vers le sol.
— « Encore. »
Karel se releva, bondit en arrière pour éviter de se faire encore projeter par terre.
« Bien ! Tu commences à comprendre. » songea Serymar avec une expression satisfaite.
Karel se téléporta et apparut face à son Maître. Il feinta en esquivant la main du Mage pour mieux l’attaquer par surprise, mais Serymar le fit encore chuter.
« Bien essayé. » observa-t-il face à l’expression déconfite de Karel.
Désespéré et convaincu qu’il n’arriverait à rien, Karel lui demanda d’arrêter. Seryma le bouscula encore.
— « C’est moi qui décide de la fin de l’entraînement. Maintenant, motive-toi. En situation réelle, tu serais déjà mort plusieurs fois. »
Couvert de terre et de cendre de la tête aux pieds, Karel sentit la colère enfler dans sa poitrine, les poings serrés et tremblants. Il détestait cette séance. La détermination anima son regard. Il allait tout tenter pour toucher son Maître. Serymar ressentit une satisfaction qu’il contint. Enfin, Karel réagissait.
Son Apprenti se mit hors de portée. Serymar s’avança vers lui. Karel courut vers l’arme au sol vers laquelle le Mage se dirigeait aussi, attentif à ce qu’allait faire son Apprenti. Il ne restait que quelques mètres entre Karel et l’épée. Soudain, son élève se téléporta afin de réapparaître juste au niveau de l’arme.
« Trop exposé. »
Au moment où Karel fut sur le point de saisir le pommeau, Serymar l’agrippa par une épaule et le poussa à terre. De sa main libre, Serymar envoya l’épée plusieurs mètres plus loin par magie de vent.
— « Ne te déconcentre pas ! »
Karel roula sur le côté pour esquiver son geste. Il disparut encore pour réapparaître juste au-dessus de sa tête. Serymar leva son bras et rejeta Karel sur le sol une énième fois.
— « J’ai perdu le compte de toutes les fois où tu aurais été mort en situation réelle. »
Sur cette pensée, il fit signe à Karel de se relever.
Le visage ruisselant de sueur, Karel tremblait malgré-lui, à la fois par le stress mais aussi à cause de l’énergie qui commençait à lui manquer. Serymar vit dans ses yeux que son Apprenti se rendait enfin compte de l’importance à optimiser son énergie magique. Le Mage fit un pas vers Karel.
Le garçon ne se releva pas et tendit un bras vers l’avant : la courte lame, loin derrière le Mage, se souleva et fila vers son dos à une vitesse folle. Serymar attrapa l’épée de sa main gauche et plaça la pointe sous le menton de Karel.
« Tu es encore m… »
Un étau végétal emprisonna sa main avec le pommeau. Les traits déformés par l’effort, Karel se concentrait à maintenir la main de Serymar prisonnière depuis les tiges qui apparaissaient à partir de ses paumes tendues. Karel était parvenu à l’atteindre.
Une vague de satisfaction anima Serymar. Karel avait compris. Il n’avait pas encore le niveau pour défier son Maître de manière directe. L’épée n’avait été qu’un piège, et à l’instar de Serymar qui savait profiter de la moindre fraction d’inattention d’un adversaire, Karel avait saisi cette infime moment où le Mage s’était emparé de l’épée pour l’atteindre.
Lentement, le Mage relâcha l’arme et souleva sa paume à hauteur de ses yeux pour contempler le résultat. Puis il reporta son attention sur Karel au sol et ferma le poing d’un geste vif. L’étau végétal fut aussitôt anéanti en volutes de fumée. Serymar ouvrit son poing pour laisser tomber de la cendre. Enfin, il conclut d’un geste que la séance était terminée. Ce résultat lui convenait pour l’instant.
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