Chapitre 42 - 3

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  Karel s’était installé dans la grange réservée aux animaux. Il trouvait leur compagnie beaucoup moins compliquée que celle des gens, même s’il devait encore faire des efforts pour surpasser sa peur des chiens. La morsure à son bras était guérie depuis longtemps, mais le souvenir de l’attaque restait encore gravé dans son esprit. Il soupira. Karel s’en voulait de ne pas maîtriser la langue de Weylor. Il avait bien saisi qu’Eylen avait essayé de l’apaiser tout à l’heure. Sans succès. Karel n’avait pas su comment réagir, ni ce qu’Eylen avait attendu de lui. Le silence entre eux avait été gênant. Karel culpabilisait lorsqu’il prenait conscience à quel point il souhaitait pourtant avancer vers ces gens, mais qu’il n’y parvenait pas, faute de savoir ce qu’on attendait de lui. Et cette incompréhension blessait ses hôtes. Karel détestait cette sensation.

— Dis, tu n’as pas autre chose à faire, que de rêvasser ? l’interrompit une voix.

  Karel releva les yeux et aperçut Lya. Elle n’avait plus l’air furieuse contre lui. Son regard était même plutôt fuyant et bas.

— Je… euh… je suis désolée, je me suis emportée, tout à l’heure. Je n’aurai pas dû te parler comme ça. Tu veux bien me pardonner ?

  Voyant que son frère hésitait sur la manière de réagir, Lya tenta maladroitement de frotter ses mains doucement l’une contre l’autre.

— « Pardon », euh… comment tu disais ça, tout à l’heure ? Un geste comme ça, je n’ai pas très bien vu…

  Cette fois, même si le signe comportait beaucoup d’erreurs, Karel comprit où elle voulait en venir. Le soulagement l’envahit.

  Comme si de rien n’était, Karel se permit de lui prendre ses mains en douceur. Il positionna celles de Lya à l’horizontale, l’une contre l’autre. Il lui fit ensuite bouger doucement la main du haut en cercles. Enfin, Karel la relâcha. Comme à chaque fois, Lya se laissa faire, attentive. Lorsqu’elle fut libre, elle répéta le geste avec plus d’application, afin de montrer qu’elle était sincère. Elle sembla soulagée lorsque Karel lui adressa une expression bienveillante. Lya émit un rictus nerveux.

— Arrête d’être trop gentil comme ça, c’est énervant… Ça va te retomber dessus, un jour, c’est sûr !

  Elle afficha une expression faussement ennuyée lorsqu’elle se souvint qu’il ne la comprenait pas. En son for intérieur, Lya savourait ce sentiment de bonheur d’avoir Karel à ses côtés. Elle trouvait son frère unique en son genre. Elle avait hâte qu’il sache maîtriser la langue de Weylor. Au moins, les conversations seraient plus développées, et elle aurait moins l’impression de parler à sens unique.

  D’un geste, Lya sortit une ardoise avec une craie, sur laquelle elle griffonna le mot « pardon » en s’appliquant. Puis elle colla l’ardoise sous le nez de Karel.

— Tiens. Celle-là, elle est pour toi. Papa et Maman l’ont achetée aujourd’hui au magasin du village. Maintenant, ça serait bien que tu t’en serves pour parler.

  Lya désigna l’ardoise, son frère puis conclut par le signe « parler ».

  Karel la remercia d’un signe de tête en prenant l’objet en main. Cette ardoise, il se promit d’en prendre grand soin, car il serait désormais son lien pour communiquer avec les autres. Et ça, c’était quelque chose de vraiment important à ses yeux. Un pont, entre lui et le monde extérieur. Il ne lui restait plus qu’à apprendre à le construire en apprenant cette langue étrange.

  Lya secoua légèrement la tête, amusée, et lui désigna l’objet.

— Autant s’y mettre maintenant, tu ne crois pas ?

  Karel approuva. Il tenta d’écrire un remerciement adéquat à la situation, et à ce qu’il souhaitait exprimer. Lya lui prit l’ardoise et afficha une expression faussement exaspérée. Elle lui prit la craie et corrigea juste en-dessous de son essai. Enfin, elle lui rendit le tout en se permettant un petit à coup de paume sur le front de son frère.

— Pas « MRsi+++ », il te manque une lettre. Tu es trop dans la phonétique. Et je crois que tu as envie de dire « merci beaucoup ». Tiens, regarde comment ça s’écrit.

  N’oubliant pas ce que lui avait expliqué son père, Lya le rassura d’un sourire complice, en espérant qu’il saisisse que son geste ne relevait que d’une gentille plaisanterie. À son grand soulagement, son frère sembla comprendre. Par réflexe, il s’apprêta à signer un remerciement, mais se coupa net, décidant plutôt d’effacer et de reproduire les mots sur l’ardoise avant de la montrer à Lya. Elle lui sourit.

— Voilà, tu vois que tu y arrives ! Et comment tu dis « beaucoup », avec les mains ?

  Pour être sûre, elle pointa le mot concerné du doigt avant d’agiter simplement sa main. Karel comprit aussitôt le message, et exécuta le signe concerné, que Lya imita aussitôt.

— D’accord. Allez, viens, maintenant, Papa et Maman nous attendent !

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