Chapitre 48 - 1
Ce fut dans une ambiance plus sereine que la famille se dirigea vers le magasin d’artéfacts. Impossible de se tromper, vu qu’il s’agissait du seul de la ville, et reconnaissable à sa vitrine chargée d’objets de toutes sortes et de belle facture. L’emblème de la boutique mêlait une aura de magie avec un rouage en son centre, comme pour représenter à la fois les Avancés et la population de l’autre côté des versants des Monts d’Onyx, en symbiose.
— Wouah ! Maman, tu as vu ? s’extasia Lya les yeux brillants. Ce livre est magnifique ! Et cette lance, regarde comme elle est belle ! Oh, regarde cet oiseau de fer, on dirait une invention des Avancés !
Bien que cette fois, Karel parvenait à partager son sentiment, il resta sur la réserve. Il repensait encore à ce qui s’était passé un peu plus tôt avec Sorel. Il avait compris que ses parents ne cherchaient pas à avoir le pouvoir sur lui, seulement l’aider, mais que Karel devait aussi les guider dans cette tâche. Quelque chose s’était brisé en lui, mais pas dans le mauvais sens. Un poids en moins, comme si cette discussion avec son père avait chassé un épais brouillard. L’une de ses barrières avait enfin cédé, lui permettant de voir les choses de manière différente. Peut-être avait-il donc besoin d’aide pour briser celles qui restaient ? Plus il attraperait ces mains tendues, plus il serait enfin capable d’aller de l’avant. Il n’était plus seul. Ces personnes le guideraient jusqu’à ce qu’il soit capable d’appréhender ce nouveau monde sans eux.
Il ne s’était jamais senti aussi bien depuis qu’il avait quitté les Monts de la Mort. Il avait pu s’exprimer librement avec Sorel dans la chambre, sans se faire juger ni interrompre. Comme demandé par Sorel, Karel avait aussi clarifié la situation avec Eylen. Celle-ci n’était pas parvenue à retenir son émotion et l’avait remercié et pris dans ses bras.
Karel n’était pas insensible aux efforts que faisaient la petite famille pour lui. La moindre des choses était donc de leur rendre la pareille. Au moins essayer.
Ils entrèrent, et un carillon annonça leur arrivée. Lya lâcha une exclamation ébahie. Chaque recoin débordait d’objets en tout genre. Des présentoirs à bijoux, des râteliers pour les armes, quelques bibliothèques, des vitrines aux objets divers et plus surprenant, des accessoires vestimentaires comme des gants et des lunettes semblant provenir du peuple Avancé. Curieux, Karel s’en approcha et observa les minuscules rouages et autres pièces qu’il était incapable de définir orner ces accessoires. Il toucha du doigt un petit oiseau mécanisé qui s’agita et chanta une jolie mélodie. Il regarda l’objet, fasciné, en se demandant comment un tel prodige pouvait être possible. Même la magie ne pouvait pas réaliser un tel exploit.
Le gérant, un homme d’âge mûr avec des lunettes, vint à leur rencontre, aidé d’une canne ouvragée pour marcher.
— Bienvenue ! Alors, qu’avons-nous là pour aujourd’hui ? De nouveaux Apprentis ? Ou c’est pour des réparations ?
— Ces deux enfants viennent d’être admis à l’Académie de Magie, expliqua Eylen. Voici le document l’attestant. Pour le reste… Serait-il possible de nous guider ?
— Ah, vous êtes des Sans-Pouvoirs, donc. Ne vous en faites pas. Je m’occupe de tout, répondit le vendeur après avoir vérifié l’attestation.
Il invita Lya et Karel à le suivre.
— Ce n’est pas le Sorcier qui choisit son artéfact, c’est l’artéfact qui choisit son maître. J’espère que vous avez du temps parce que les recherches peuvent être longues. Leur fabrication est très complexe, et sachez que vous les garderez à vie. Ces objets vous serviront à réguler votre pouvoir et à les maîtriser. Cela vous demandera un temps d’adaptation, chaque objet étant très différent d’une personne à l’autre. Et si un jour, vous accédez au statut de Mage, vous n’en aurez plus besoin.
Karel grimaça. Beaucoup trop d’informations d’un seul coup pour sa maîtrise actuelle du Weylorien. Lya exécuta rapidement quelques signes à son intention pour lui traduire les passages les plus difficiles en suivant le vendeur.
— Tu es nerveuse, jeune fille ?
Lya lui offrit un ravissant sourire.
— Oui, Monsieur, il faut dire que c’est excitant, quand même ! Je vais devenir une Apprentie, vous vous rendez compte ! J’ai vraiment hâte de commencer !
Karel fut saisi d’admiration devant la répartie assurée de sa sœur. Comment faisait-elle ?
— Drôle de tics nerveux… constata le vendeur en se tournant pour les guider jusque dans les rayons.
— Désolé…
Lya ne sursauta pas. Elle s’était très vite habituée à ces intrusions spirituelles. Son frère l’avait prévenue avec leur code habituel, apparaissant comme une main posée sur son épaule.
— T’inquiète pas pour ça, ça ne me fait vraiment rien ! Je te jure, ça ne m’atteint pas. Puis c’est vrai que je suis impatiente, en plus !
D’un côté, Karel lui était fort reconnaissant de le couvrir sans le rabaisser, de l’autre, il ne pouvait pas s’empêcher de culpabiliser de la voir sacrifier son image pour lui.
Tous les deux s’étaient entraînés ensemble avant de partir de Var. Si Karel était désormais capable de partager ses pensées, au début, il avait été incapable d’entendre Lya. Son frère avait dû apprendre de lui-même à percevoir ses pensées, ce qui demandait quelques ressources supplémentaires pour alimenter cette connexion entre eux. Il devait la toucher pour y parvenir, d’où leur petit code secret. Ces entraînements leur avaient valu des maux de tête très fréquents, et leurs parents s’étaient demandé ce qui arrivait à leurs enfants. Ils s’étaient posés encore plus de questions en les voyant guérir précisément au même moment.
Le vendeur s’immobilisa et fit face aux deux futurs Apprentis.
— Toi, jeune fille, essaie donc par-là. Vu le tempérament que tu sembles avoir, je pense que ton artéfact doit se trouver dans cette zone. Essaie de tester des objets légers qui se portent facilement en te laissant libre de tes mouvements.
— Dîtes, Monsieur, comment je saurais si un artéfact me choisit ?
— Oh, tu sentiras très vite la différence ! N’hésite pas à essayer, mais range bien après derrière, s’il te plaît. Si ça ne te fait aucun effet particulier, c’est que l’objet ne sera pas pour toi, le cas contraire, tu devrais ressentir quelque chose.
— Et c’est quoi, ce quelque chose ?
— C’est difficile à expliquer… Tout ce que je peux te dire, c’est que tu vas éprouver comme une sorte de révélation en toi.
— D’accord, je vais essayer, alors ! Merci pour les explications !
Karel remercia une énième fois sa sœur de demander les choses pour deux. Il se fit surprendre par le regard attentif du vendeur. Karel se sentit mal à l’aise, malgré son ancienne habitude avec le Mage. C’était… Perturbant.
Le vendeur réajusta ses lunettes.
— Mh, toi, tu m’as plutôt l’air d’être une force tranquille, à condition qu’on ne la pousse pas dans ses retranchements.
Karel lui adressa un regard étonné. Que signifiait cette expression ? Comment le vendeur faisait-il pour supposer comme ça leur nature alors qu’ils ne se connaissaient pas ?
— Suis-moi, toi, ça devrait plutôt se situer par là-bas.
Karel le suivit docilement. Il commença ses recherches lorsque le gérant l’y autorisa. Il soupira de soulagement quand il s’aperçut que ce simple geste ne provoqua aucun problème. Cela lui changeait de d’habitude. Et ça lui fit du bien. Si seulement tout pouvait être aussi simple !
Sur le large pan de mur devant lui se trouvait un grand râtelier qu’il bouda aussitôt. Cela lui rappelait le Mage et ses entraînements physiques. Son regard fut attiré par un livre plutôt épais, magnifique à ses yeux. Karel s’en approcha et le contempla. Des dorures décoraient les coins ainsi que les quelques petites ornementations de la couverture épaisse, recouverte d’une texture lisse agréable au toucher. Il n’y avait pas de titre. Poussé par la curiosité, Karel l’ouvrit avec délicatesse, craignant de l’abîmer. Il y découvrit des pages dépourvues de texte. Elles affichaient des symboles allant du plus simple au plus complexe, un peu comme ceux qu’il avait pu voir chez le Mage. Mais à part de l’admiration et de la curiosité, Karel ne ressentit rien d’extraordinaire.
Il referma le livre avec soin, déçu. Karel regarda autour de lui et se demanda ce qu’il pourrait essayer d’autre. Un joli sablier doré agrémenté de rouages s’offrit à sa vue. Karel s’en empara, mais rien ne se produisit. Il le remit à sa place et son regard se porta sur une simple baguette de bois finement ouvragée, mais là aussi, rien ne se passa. Il saisit une boussole, magnifique aussi, mais elle ne lui procura rien de plus.
— Tu t’y prends mal, Petit, intervint le vendeur derrière lui.
Suite ===>
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