Chapitre 55 - 2

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  Karel sursauta et grimaça de douleur. Il se tint son avant-bras gauche.

— Karel ? Qu’est-ce que tu as ? s’inquiéta Lya. Qu’est-ce qui t’arrive ?

  Des sillons argentés apparurent sur sa main, sous leurs regards surpris.

« Ça brûle… »

  Le chariot s’ébranla et fit une brusque embardée. Karel se précipita hors de la bâche et regarda aussitôt vers le ciel. Celui-ci s’était assombri.

  Deux masses gigantesques obstruaient les cieux. L’une argentée, l’autre noire comme la nuit. Deux Dragons. Crystal et Onyx, à n’en pas douter.

— Sorel ! gémit Eylen.

— Accrochez-vous !

  Angoissé, son mari poussa les chevaux à accélérer en priant pour que les roues ne cèdent pas sous tant de violence.

  Lya et Karel basculèrent et furent aussi secoués que le chargement. Blême, la fillette s’accrocha à son frère avec force.

— Non ! Je ne veux pas qu’ils te reprennent ! Je ne veux pas ! Je ne veux pas !

  Figé, Karel se retrouva incapable de réagir. La lutte des Dragons venait à eux, et ils ne pourraient rien y faire. Il ressentait pleinement l’angoisse de sa famille et cela le paralysait. Que fallait-il faire dans une situation où il n’y avait aucun espoir pour se sauver ?

  La terre trembla lorsque les Dragons entrèrent en collision. Les chevaux hennirent et échappèrent au contrôle de Sorel. Les deux Dragons rugirent, provoquant une puissante déflagration sonore sur chaque être vivant présent. La douleur dans leurs crânes fut si intense que Karel et Lya se convulsèrent sur le plancher tandis que leurs parents hurlèrent de concert. Les mains plaquées contre ses tempes, Karel sentit le moindre de ses os vriller sous ces rugissements insupportables comme s’ils allaient exploser dans la seconde. La faune environnante prit la fuite : oiseaux, animaux, insectes, comme à l’annonce d’une fin de monde. Leurs chevaux cédèrent à la panique et le chariot fut violemment secoué, manquant d’éjecter ses passagers.

— Ça fait mal ! geignit Lya, blême.

— Dragons, protégez-nous de cette malédiction ! cria Eylen.

— Il faut vite s’éloigner d’ici ! Allez, plus vite !

  Le cœur battant, Karel se traîna jusque vers l’ouverture et jeta un autre œil au ciel. Un mélange de fascination et de crainte le saisit. Dans le ciel, Onyx se convulsait de douleur et se lança vers les Mortels. Crystal se jeta contre lui avec une violence inouïe et referma sa puissante mâchoire sur la gorge de son frère. Chaque impact était si puissant que la terre tremblait de plus belle, manquant de faire trébucher les chevaux affolés. Leur seule source de salut. Courir à toutes jambes ne leur permettrait jamais d’évacuer les lieux à temps. Les Dragons étaient si rapides et si…

« Immenses. »

— Plus vite ! Plus vite ! ordonna Sorel aux chevaux. Accrochez-vous !

  Karel remarqua un étrange halo sombre et rouge autour du Dragon noir, ainsi que des excroissances organiques qu’il avait du mal à percevoir avec précision sur son corps imposant. Comme un étau, ce miasme semblait le faire torturer, au vu des mouvements saccadés qu’il effectuait. Il griffa Crystal qui tenta de l’immobiliser de son corps. Chacune de ses ripostes étaient vifs et harmonieux. Elle était si belle, impressionnante et…

« Divine. »

  Au moment où Onyx fit exploser son pouvoir, Crystal entra dans une collision brutale pour absorber le plus gros de la déflagration. Les miasmes visqueux d’Onyx grandirent soudain pour immobiliser la Dragonne d’Argent qui poussa un autre rugissement, entraînant les deux créatures dans une chute vertigineuse. Sorel eut beau pousser les chevaux à fuir, ils étaient impossibles à diriger. L’impact que provoqua les Dragons créa une puissante déflagration qui désagrégea le sol sur quelques hectares et souffla le chariot. Le véhicule bascula sur un côté sous des exclamations de panique.

  Karel dégaina son épée et la tendit vers le point de chute. Un monticule de terre se souleva afin de soutenir le véhicule qui retomba avec brutalité sur ses roues. Lya et lui furent éjectés du chariot sous les hurlements d’angoisse de ceux en capacité de le faire. Leurs mains se refermèrent sur du vide en voulant rattraper leurs enfants. Karel serra sa sœur contre lui et encaissa la majorité du choc avec ses pouvoirs spirituels.

— Karel ! s’affola Lya. Tu vas bien ?

  Karel ne prit pas le temps de réfléchir, ni même de répondre et refoula sa douleur, comme il l’avait toujours appris. Il attira son artéfact à lui par télékinésie. Ne jamais perdre la moindre microseconde. Le Mage le lui avait appris dès le départ.

  D’autres rugissements secouèrent le sol, les glaçant jusqu’aux os. Des cris les appelèrent. Eylen et Sorel, blessés par leur chute, accoururent vers eux. La terre se fendit en un gouffre profond devant eux et manqua de les faire tomber, sous les cris angoissés des trois seules personnes en capacité de le faire. Les secousses reprirent et le gouffre s’élargit.

— Maman ! Papa ! hurla Lya en larmes et la main tendue vers eux.

  Elle voulut s’élancer pour les rejoindre mais Karel la retint fermement afin de l’éloigner de la crevasse. S’il devait être honnête, lui non-plus n’en menait pas large. Il n’avait que douze ans, était inexpérimenté, et confronté à une situation dont il ignorait l’issue. L’idée de perdre sa nouvelle famille le terrifiait. Que pouvait-il bien faire contre deux Dragons en colère ? Sa crainte était si grande qu’il en avait oublié la douleur à l’intérieur de son bras.

— Lâche-moi, on ne peut pas les laisser ! se débattit Lya. Je ne veux pas ! Je ne veux pas qu’ils détruisent encore ma famille !

  Voir ces visages ravagés par l’effroi de se perdre les uns les autres lui était déchirant. Karel ne laisserait pas cet événement arriver. Pas après les souffrances que cette famille avait endurées.

  Une secousse supplémentaire leur fit perdre l’équilibre sous d’autres exclamations de douleur. Le cœur au bord des lèvres, Karel vit disparaître ses parents sous ses yeux, emportés par une vague terrestre sous les hurlements déchirants de Lya. La terre se souleva sous leurs pieds. Karel crut mourir de terreur lorsqu’une pierre heurta son bras et lui fit lâcher Lya qui disparut sous ses yeux.

  Onyx fut projeté au sol avec une violence inouïe. Cette nouvelle déflagration souffla Karel plusieurs mètres plus loin. Sonné, il reprit pourtant ses esprits et chercha aussitôt Lya, qu’il retrouva loin de sa position, luttant pour ne pas chuter dans le ravin créé. Karel se téléporta auprès d’elle et la saisit par la main afin de l’attirer à lui.

  Ils n’eurent ni le temps d’échanger un mot ni de réagir que le sol se déroba. Avant que la pente ne devienne verticale, Karel serra la main de Lya et se propulsa vers le vide. Lya contint un cri et s’accrocha à son cou.

  Durant leur chute, Karel décrivit un large arc de cercle avec son artéfact afin d’invoquer un bouclier psychique, leur évitant une mort certaine. À l’impact, sa barrière se fragilisa. Karel projeta Lya loin de lui au moment où il heurta le sol avec violence pour lui épargner la collision. Il grimaça. Les ondes de choc s’insinuèrent dans le moindre de ses os, au point qu’il en aurait certainement hurlé de douleur s’il l’avait pu. Cette déflagration interne l’assomma et ce fut le noir total.

Suite ===>

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