chapitre 10

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  Le système de sélection des corps s’enclencha.

  Il consistait à anticiper le terme d’un patient, pour le transporter jusqu’à la salle de réveil. Lors de cette étape, le silo était acheminé le long d’un rail, parcourant tout un système de glissement parfaitement huilé. Puis il remonta au niveau -1. L’assistance de réveil appliquait les premiers soins, et commença par extraire le tube respiratoire de la trachée du patient.

  Après que le câble eut été retiré de sa gorge, une jeune femme ouvrit subitement les yeux, dont l’iris était marqué d’un bleu limpide, presque artificiel. Elle gerba un épais liquide verdâtre. La substance visqueuse glissa dans l’évacuation, ce qui enclencha le son d’une turbine. La jeune femme tenta de se redresser mais, à sa grande surprise, se sentit retenue. Les bras articulés d’un robot médical agrippaient la patiente de sorte à la stabiliser. Ses bras s’étendaient autour de son corps afin de la maintenir en positon verticale, et pour scanner furtivement la partie inférieure de son œil gauche. Le code source s’affichait à cet endroit précis du corps humain. Malgré la résistance dont elle fit preuve pour l’en empêcher, l’enregistrement se fit avec succès, inscrivant sur le réseau interne le code CTY 7-02.

  Elle voulut pousser un juron, par mécontentement, sauf que les manipulations l’avaient rendue aphone. Alors elle se contenta de sauter de la table, comme pour se délivrer des bras de la machine. Mais une fois les pieds au sol son corps vacilla, comme prise de vertiges.

  La turbine ralentit puis s’arrêta. L’évacuation libéra ainsi tout le nectar que contenait le silo. Puis la substance disparut dans les canalisations. Sur le coin de la pièce, un tas de serviettes empilées trônait sur une petite table en inox. Elle en attrapa une pour dissimuler sa nudité.

  En coulissant les portes fines du sas, la jeune femme entra dans la pièce où s’entassaient les effets personnels des patients. De longues rangées de casiers s’étendaient à perte de vue. Chacun d’eux était étiqueté au nom des patients, ainsi qu’à leur date de congélation. Sans chercher, la jeune femme se rendit directement au sien. Sur celui-ci, on pouvait lire le nom de Marialie. Elle y trouva une paire de lentilles de contact qu’elle appliqua à ses yeux , ce qui dissimula le bleuté de son iris. Le reste de ses affaires étaient des fringues propres, repassées et parfaitement pliés. Elle les enfila et monta au niveau supérieur. Là, Il ne lui restait plus que quelques mètres à parcourir pour atteindre la sortie. Bordée par quelques portiques de sécurité, l’entrée de la Cryosphère ne laissait personne entrer ou repartir sans identification.

  Cependant, Marialie prédit la manière d’opérer afin d’atteindre l’extérieur sans être remarquée. Pour se faire elle patienta qu’une employée arrive jusqu’à elle. Prévenant son approche, elle se contenta de la suivre à sa venue, faisant double avec son ombre. Les deux femmes s’avancèrent en direction de la sortie, et la première s’arrêta lorsqu’un homme en blouse blanche la salua. Marialie pressa le pas en contournant les deux individus, puis gagna le hall. Là, quelques employés déferlaient en tous sens, affublés de costumes élégants ou de tenues d’infirmiers. Un vigile se tenait devant de hautes vitres exhibant la ville et ses couleurs, là où se dressaient d’incommensurables tours qui se mêlaient aux vapeurs frelatées.

  Marialie décompta dans un murmure.

  Une femme se rapprocha derrière elle, vêtue d’un tailleur bleu marine, surmonté d’un chemisier dont le col était déboutonné. Quand elle fut presque arrivée à son niveau, Marialie fit un mouvement brusque, ce qui amena à l’accrochage. Le dossier que tenait l’employée heurta le sol pour se défaire de ses documents. Marialie profita que la femme soit les genoux au sol pour passer une main discrète à l’intérieur de son sac à main, pour en sortir un tube de rouge à lèvres qu’elle glissa dans sa poche.

  En se rapprochant de la sortie, l’agent de sécurité épia sa démarche. Marialie pensa qu’il allait bondir sur elle comme un lion affamé. Alors elle reprit son souffle et s’arrêta face à l’un des six portiques qui barraient la sortie, orné de pylônes incurvés. Dessus se trouvait un dispositif fonctionnant au contact d’un badge. La jeune femme en sortie un factice de sa poche, et simula de le scanner. Évidemment, rien ne se passa. Alors le vigile se déplaça légèrement, feintant de ne pas voir ce qui se tramait. Marialie continua ainsi jusqu’à ce que la femme en tailleur bleu marine arrive à son niveau.

  La jeune femme se mit à rouspéter à l’encontre du dispositif d’ouverture. Sa prétendue collègue apparut comme pour l’aider, affligeant le badge que tenait Marialie comme s’il était la cause de tous les malheurs de ce monde.

  — Je ne comprends pas, détona Marialie en agitant furieusement le badge. Ça marchait encore très bien quand je suis arrivée ce matin.

  La femme eut un petit rire ironique :

  — Ne vous en faites pas. Vous n’êtes pas la première à qui ça arrive.

  En disant ça, elle sortit le sien de son chemisier, suspendu à un long collier en tissus noir.

  — Vous êtes nouvelle ? demanda-t-elle.

  — Ça fait deux jours que j’ai commencé, et mon pass est déjà détraqué. Je crois que je n’ai plus qu’à rester bloquée ici jusqu’à demain !

  — Ne vous en faites pas, poursuivit la femme en rangeant le dossier dans son sac, il faut juste insister.

  Au même moment, Marialie fit rouler au sol le rouge-à-lèvres qui glissa derrière les pieds de sa propriétaire. Cette dernière, surprise, se tourna et fléchit les jambes de sorte à récupérer l’objet. Marialie profita de cet instant pour tirer sur le collier de la femme, retenant le badge qu’elle glissa hâtivement sur le dispositif. Un son ténu accompagna une lumière verte qui annonçait l’ouverture de la barrière. Ainsi, elle se faufila de l’autre côté, enfin libérée des murs de la Cryosphère. Derrière elle, la femme voulu saluer sa collègue qui venait de s’éclipser en dehors du dôme, et s’aperçut à son tour que le badge qu’elle tenait refusait de lui ouvrir le portique.

  Marialie longea le trottoir, pressant le pas et slalomant entre les passants. Un homme en costume gris foncé patientait sur le banc d’un arrêt de bus. Contre sa jambe tenait en biais une mallette noire sur laquelle venait se rabattre un parapluie replié. En s’en approchant, la jeune femme ralentit le pas tandis qu’un bus venait dans cette direction. L’homme observa le véhicule qui ouvrit les portes à son arrivée. Une horde de passagers sortit brusquement de l’engin. Marialie profita de la diversion afin de saisir le parapluie qu’elle ouvrit en grand, puis essuya avec sa main l’eau qui coulait sur son visage.

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