Mémoires : quinzième fragment
Je me rebellai complètement, le jour où il voulut une nouvelle fois m'imposer un autre homme. L'arrêt de mes cachets, me rendait ma lucidité. Je ne comprenais pas cet homme. D'un côté, il était capable du pire si jamais je m'intéressais à un autre que lui et de l'autre, il n'éprouvait aucun scrupule à me vendre au plus offrant. Il soufflait le chaud et le froid dans une perturbante alternance.
Je n'étais plus disposée à me laisser faire. Je me débattis comme une lionne, griffant, mordant, frappant le porc qui s'imposait à moi. Il se révéla bien plus fort que moi. J'arrivais quand même, par je ne sais quel miracle, à me dégager de sous son corps et je courrai jusqu'à la cuisine où je récupérai un couteau. L'homme, nu, me suivit avec le regard d'un taureau enragé. Je brandis le couteau devant moi, main tremblante.
" N'approchez pas.
Il ne parut pas impressionné et continua d'avancer.
- Petite salope, j'ai payé... "
Avant qu'il ne puisse se rapprocher plus, j'entaillai son bras d'une longue estafilade. Il grimaça de douleur en me regardant étonné.
" Je n'hésiterais pas. "
Ma détermination due le convaincre, car il retourna chercher ses affaires et quitta l'appartement.
Ce jour-là, je décidai de le quitter. Cette fois, je préparai consciencieusement mes valises.
Quand il rentra, il fulminait :
" Où es-tu ? Tu m'as fait perdre beaucoup d'argent aujourd'hui.
Il pénétra dans la chambre et stoppa net devant les bagages posés sur le lit.
- Que fais-tu ?
- Je pars.
Il me méprisa du regard.
- Tu crois ?
Son ton me glaça. Bien sûr, je m'attendais à sa réaction. Je relevai le menton en signe de défi, serrant dans mon dos le manche d'un couteau.
- Si tu pars, tu peux oublier ton école bébé.
Le chantage pointait comme son arme favorite, mais cela ne m'atteignait plus. Quitter mon rêve me semblait être un mal nécessaire. Pour toute réponse, je mis le sac de voyage sur mon épaule. Ses yeux ressemblaient à un soir de tempête, pourtant, il restait placide.
- Tout ça est à moi bébé. Si tu pars, tu laisses tout.
Je laissai retomber le sac sur le matelas en signe de provocation. Je jouai dangereusement avec le feu.
- Quand je dis tout, c'est tout. Ce que tu portes aussi est à moi.
Je voyais où il voulait en venir et il n'en était pas question. J'évaluais ma chance de pouvoir m'enfuir. Il se tenait près de la porte, la probabilité de réussir était minime, mais je n'avais pas d'autres choix. Je m'élançai. Il fut plus rapide et m'agrippa par les cheveux. Je hurlai de douleur. Dans un effort vain, je brandis le couteau, tentant de le planter. Il m'attrapa le poignet, le serrant, le tordant jusqu'à ce que je lâche la lame. Il me poussa sur le lit avec violence et se rua sur moi. Il me gifla.
- Tu restes.
Une gifle sur l'autre joue équilibra ma douleur.
- Tu comprends ça, tu restes.
Il m'enserra le cou de ses deux mains. Je me débâtai, lui tirant les cheveux, le rouant de coups. Rien n'y faisait, il écrasait ma gorge de plus en plus fort. L'air me manquait et mes forces s'amenuisaient. J'allais mourir là, de sa main. Cette pensée m'irrita. Soudain, le noir me happa, je ne sentais plus rien.
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