VIII

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Naguini passa son bras autour des épaules de Vivian et lui parla doucement :

« Vivian, du calme. Qu’est-ce qu’il t’a fait ?

— C’était affreux Naguini ! répondit Vivian d’un air terrifié. Je ne pourrai jamais me remettre de ça ! Ça ne se fait pas ce qu’il m’a fait ! Personne ne devrait avoir à subir ça ! Ce vampire m’a... s’interrompit Vivian, pour qui prononcer ces mots semblait être un véritable tourment. Il m’a spoilé la fin de Tchoupi fait du vélo ! »

Le présentateur retint de justesse un rire moqueur. Mais la situation était tout sauf amusante. Plusieurs candidats se lamentaient de la fin qu’on leur avait révélée, réconfortés par des spectateurs compatissants. Julia se rendit près de Vivian et le prit dans ses bras pour le consoler. Pendant ce temps, les zombies continuaient de faire discrètement de nouvelles victimes. Après un moment à observer la foule d’un air attristé tout en gardant un bras autour des épaules de Vivian, Naguini s’adressa à l’assemblée :

« Mes amis, relevez-vous. Vous avez affronté bien pire. Au moins vous êtes encore en vie. Je peux vous dire qu’être encore debout à ce stade de l’émission, relève du miracle. Séchez vos larmes et savourons ensemble la fin du spectacle.

— Mais Naguini, dit tristement Billy, le vampire, il m’a spoilé la fin de ma vie. Il a dit que j’allai mourir dans un accident de voiture à vingt ans. »

Le public s’exclama d’empathie pour le jeune enfant. Naguini, d’un regard attendri, ouvrit grand ses bras que l’enfant rejoignit immédiatement. Avant qu’il ne puisse s’épancher contre son torse, Naguini lui répondit :

« Et j’en suis le premier désolé Billy. Tu vois c’est pour ça qu’il faut profiter de la vie tant qu’elle est là. Fais des conneries, fais ce que bon te semble tant que ça ne cause pas du tort aux autres. Comme ça le jour de ton accident, tu pourras, comme ces petits vieux qui s’éteignent à un âge vénérable, dire que tu auras profité de la vie, sans aucun remords. »

Tout le monde applaudit suite à son discours.

« C’est vrai enfin, ajouta le présentateur. On le dit, on le redit, mais on dirait que certains n’en ont pas conscience.

— T’as raison Naguini ! réagit Billy d’un aplomb retrouvé. Je vais participer à un concours de roulette russe !

— C’est bien gamin.

— Et après j’irai dans cette super colonie de vacances où on apprend à tirer au fusil et à fabriquer des bombes. Mais il me faut des radis calisés pour la payer. Je dois trouver des graines.

— Voilà c’est ça l’idée, approuva Naguini en souriant.

— Mais après l’émission. J’ai pas l’impression de gâcher ma vie en la regardant.

— Oh, fit Naguini d’un air attendri. C’est bien Billy. Retourne dans le public alors, lui demanda le présentateur en lui ébouriffant les cheveux. »

Le jeune enfant s’exécuta tout heureux et réintégra sa place au premier rang. Naguini s’apprêta à annoncer la reprise de l’émission, quand Vivian l’interpella d’une voix exténuée. Son chagrin avait délavé son visage de toute couleur.

« Naguini, je suis pas encore remis du spoil du vampire. Je me sens pas capable de continuer. Je veux déclarer forfait.

— C’est pas grave Vivian, le rassura Naguini. Je comprends. Mais tu connais le règlement. Je dois te demander si tu es vraiment sûr de ta décision.

— Oui.

— Dans ce cas c’est Julia qui devient la nouvelle maestro ! »

Vivian et Julia échangèrent leurs micros sous les applaudissements du public. Il la félicita d’un sourire chaleureux, que Julia accueillit d’un sincère hochement de tête. Vivian repartit lentement vers le crâne de monstre, encore sous le choc de la fin qui lui avait été révélé. Naguini et Julia croisèrent leurs lames pour célébrer l’évènement.

« Ça, c’est fait ! Et maintenant Julia, vous allez chanter sur une chanson de votre choix et tenter de gagner jusqu’à vingt mille euros. Mais avant, déclara Naguini en se tournant vers la caméra, tentez chez vous de répondre à la question qui va suivre. Si vous êtes tiré au sort, vous gagnerez une magnifique toque pour vous protéger du froid hivernal. »

Une image de l’objet décrit s’afficha à l’écran. « Alors je précise avant que tout le monde ne crie au scandale, qu’aucun des poils utilisés n’est d’origine animale. Je suis moi-même végétarien et je ne permettrais pas une telle chose dans ma propre émission. Non, ils sont d’origine humaine. D’ailleurs il me reste les pétitions anti-hellfest, donc si vous finissez deuxième au tirage, vous aurez de quoi vous essuyer avec un papier aux motifs originaux. Et si vous pensez que le tirage c’est juste une urne avec des papiers, vous pouvez zapper de suite. Ici les participants qui ont répondu bon à la question, se battent dans une fosse avec un surin chacun. Le dernier survivant gagne la récompense. »

« Mais tout ça vous vous en moquez, continua Naguini en se dirigeant au fond de la scène. Vous avez hâte de connaître la question. Eh bien c’est très simple, il suffit d’avoir été attentif aux évènements qui se sont déroulés en début d’émission. »

Le présentateur ramassa la tête coupée qui avait fait couler une mare de sang tout autour d’elle. Un membre de l’équipe technique entra sur le plateau avec un corps décapité. Il lui fit bouger la main de gauche à droite, comme quelqu’un se manifestant auprès d’un proche à l’autre bout d’une rue.

« Alors dites-moi, à qui appartient cette tête ? demanda Naguini sur un ton faussement naïf. À Bernard ? dit-il en désignant le corps non sans un clin d’œil appuyé à la caméra. Ou bien, à Vivian ? Tentez votre chance pour le plaisir de guerroyer dans une ambiance conviviale. »

« Une dernière chose, pour les curieux voici les chansons qui se cachaient sous les thèmes qui n’ont pas été choisis par les candidats. No sex tonight contenait Blind And Frozen de Beast in Black et Nymphetamine Fix de Cradle of Filth. Pour Naked in my truck nous avions Naked In My Cellar de Lordi et Kammthaar d’Ultra Vomit. »

L’homme était reparti avec le corps. Le présentateur jeta la tête dans le public. Des bruits de mastications goulues et d’os brisés se firent brièvement entendre. Le regard de Naguini s’arrêta sur l’un des blocs de béton à isoler.

« Avant de passer à la suite, je propose que nous prenions des nouvelles de notre artisan préféré. Comment allez-vous Machin ? »

Ce dernier était assis au milieu de l’un des blocs de béton au sol, avec des écouteurs dans les oreilles qu’il partageait avec son assistant. Il avait terminé de faire le tableau demandé par Naguini. Le dessin de laine de verre s’étendait en relief sur toute la surface du pavé. Machin répondit d’une voix excessivement zen.

« C’est pas trop désagréable finalement votre zic.

— Hooo ! Je crois qu’on vous a converti, réagit Naguini. Ça y est vous êtes sur du black metal ?

— Houla du calme. On en est qu’au niveau du métal symphonique. On va commencer doucement et on va monter petit à petit. Ils m’ont dit de faire ça vos spectateurs.

— Vous êtes beaucoup trop calme. Ça ne vous ressemble pas. Qu’est-ce que vous écoutez ?

Music de Nigthwish. Je ne pensais pas qu’on pouvait se détendre avec du métal.

— Surtout avec celle-là, approuva Julia.

— Bon je vous laisse. Je dois décorer les pavés encore suspendus au plafond. Gérard, est-ce que tu peux mettre l’échelle s’il te plaît ? »

L’assistant retira ses écouteurs et prit l’échelle posée au sol. Machin descendit et rendit les écouteurs à l’un des spectateurs en le remerciant.

« Et maintenant revenons à vous Julia. Quelle chanson voulez-vous entre... »

Sa phrase resta en suspend suite à l’apparition d’un cercle d’étoiles brillantes. Elles tournaient lentement et rappelaient les autocollants phosphorescents, décorant les chambres des jeunes enfants. Une nébuleuse se formait au centre et projetait des rayons bleus dans toutes les directions. Plus personne ne parlait. Lorsque le portail eut entièrement rempli le cercle d’étoiles, des personnages des plus singuliers en émergèrent progressivement. Ils portaient tous le même costume duveteux recouvrant tout leur corps excepté le visage, avec la couleur pour seule différence. Toutes les teintes de l’arc-en-ciel étaient représentées. Un dessin de ce dernier décorait les torses de chacun d’entre eux.

Leur peau était couverte d’une épaisse couche de maquillage assortie à leurs costumes. Tellement dense, qu’il était impossible de deviner le genre de l’individu. Leurs yeux se paraient de faux cils et leurs paupières de paillettes. Chaque cou était décoré d’une chaîne sur laquelle, était accrochée une pierre aux multiples facettes qui reflétait la lumière de la salle. Ils balançaient lentement leurs bras de gauche à droite en souriant largement, au rythme d’une musique transpirant la niaiserie.

C’est la ligue arc-en-ciel, messager de l’humanité

Venue pour effacer les méchancetés

Si vous vous sentez blessé par quelqu’un

On viendra lui dire que c’est pas bien

Qu’il y a des gens pas contents

“Pardon”, dira le méchant

Et chacun retrouvera la paix

Que personne ne peut effacer de notre monde parfait

Toute communauté se retrouve en nous

Chaque couleur est protégée

Plus personne ne peut parler contre vous

Car chaque avis est unanime dans notre monde parfait

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