The videogate
Je le regardai stupéfaite et incrédule. Il me regardait de haut en bas. Dans ses yeux : du dégoût et de la colère .
Mes parents qui l'avaient entendu rentrer étaient sortis de la chambre.
- Mais ... qu'est ce qui se passe? Qu'est-ce qui t'arrive ? demanda mon pére
Mon frère ne répondait pas , il m'observait juste.
-Parle bon sang! s'agaça mon père.
- Cette....
Il fit une pause sous le regard menaçant de mon pére , prit une profonde respiration et poursuivit .
- SAKOURA, s'amuse à se faire tripoter dans des soirées où il y a des mecs , de l'alcool et de la drogue cracha-t-il d'une voix haineuse.
Tout en parlant , il brandit son téléphone et le tendit à mon père.
- Regarde cette vidéo! Un des gars du bâtiment me l'a envoyé en me disant « c'est pas ta soeur ça » ! Putin c'est quoi ce genre de comportement?
En regardant la vidéo, mon père passa de la surprise à la colère. Ma mère regardait au dessus de son épaule. Moi , j'étais debout complètement déboussolée.
De quelle vidéo parlait il? Qui m'a tripoté? Quelle soirée, quel alcool?
Je sentais les larmes monter. Je tremblais de colére et surtout j'étais submergée par la peine . Ces accusations étaient infondées et mensongères. Moi me faire tripoter en soirée ? Je ne me suis JAMAIS FAIT TRIPOTER DE MA VIE DANS UNE SOIRÉE COMME UNE VULGAIRE TAPIN. DE QUOI ON PARLE ET C'EST QUOI CETTE PUTAIN DE VIDÉO?
Dans ma tête c'était un mélange de confusion, de rage, de colère, de peur et d'hébètement.
Mon père s'avança et me tendit enfin le téléphone. Quand je mis sur play, mon coeur fit un bon dans ma poitrine et le monde s'arrêta de tourner. C'était bien moi sur cette vidéo...
Au fur et à mesure que la vidéo défilait les battements de mon coeur s'accéléraient. J'avais les mains moites et la gorge sèche. Cette vidéo devait dater d'au moins un an et en regardant les images je me rendis compte que c'était à l'anniversaire d'Ilyes un ami à Ali. Je ne savais même pas qu'on avait filmé une partie de la soirée.
Elle n'était pas longue, elle durait maximum 2 minutes mais était assez accablante pour justifier la colère de mon frère.
On y voyait des bouteilles de whisky et de vodka disposées sur une table. La personne qui filmait avait fait un gros plan sur deux grosses chichas mais surtout sur le papier blanc ouvert posé près d'un cendrier rempli de mégots de cigarettes contenant de la beuh et du shit. On entendait des éclats de voix , de la musique mais surtout à un moment on me voyait distinctement , habillée en mini jupe , assise entre les jambes de Ali les bras autour de son cou. On me voyait sourire alors qu'il me chuchotait quelque chose à l'oreille et sa main me caressait la cuisse de maniére suggestive.
Cette vidéo sortie de son contexte pouvait être mal interprétée mais je n'avais rien fait de mal... Ce soir là nous étions sortis tous les deux et en fin de soirée, nous avions décidé de faire un crochet à l'anniversaire d'Ilyes pour faire acte de présence. Nous étions restés à peine 30 minutes. J'étais sur ses genoux car beaucoup trop nombreux nous étions serrés sur le canapé . S'il me parlait à l'oreille c'est parce que la musique et le brouhaha ambiant était beaucoup trop fort pour espérer tenir une conversation normale.
Cette vidéo peut vous paraître banale mais pour ma famille, les habitants de cette mini société qu'est la cité ( avec ses règles et ses exigences) je venais d'entacher ma réputation et celle de ma famille. Là ou j'habite, dans ma cité, tout le monde sait qu'une fille « bien » ne boit pas . Elle ne fume pas non plus. Une fille respectable ne se mélange certainement pas aux hommes . Une fille bien ne se donne surtout pas . Le cas contraire elle est considérée comme n'ayant pas de valeur et est étiquetée comme « Tchoin » , pute si vous préférez. Pour vous dire vrai je ne sais pas ce qui mettait mon frére le plus en colère . Le fait que j'ai été dans une soirée où l'alcool et la drogue coulaient à flot ou plutôt le fait qu'à cause de cette vidéo, un des jeunes du quartier ait pu lui « manquer de respect » ? Car oui pour lui c'était un affront qu'il venait de subir.
Mon père , ma mère, mon frère tous me regardaient et je lisais de la déception dans les yeux de ma mère et une douleur profonde dans ceux de mon père.
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