Le Lycée
J'étais devant la porte d'entrée de l'ami de Sofiane que tout le monde appelait Linux et dont personne ne connaissait le vrai nom. j'avais mon manteau et mes chaussures dans les bras. Il faisait presque -5 degré dehors, le couloir n'était pas chauffé mais je ne ressentais pas le froid. Mon esprit était ailleurs. Il était dans l'appartement que je venais de quitter , il était avec Nesrine. Linux me parlait je ne l'écoutais pas.
-OH ! t'as entendu ce que je t'ai dit ?
Linux venait de hausser le ton . Je me tournais lentement vers lui et lui demandais d'une voix éteinte pourquoi il ne réagissait pas à ce qui se passait sous son toit.
- De quoi tu parles? demanda t'il . Dans mon appartement il y'a trois personnes qui sont entrain de s'amuser . Rien de plus !
Cette phrase vint ébranler mes certitudes. J'étais sûre d'avoir lu un appel au secours dans les yeux de Nesrine. Et ces plaintes étouffées? Ces plaintes que j'entendais au moment même où je vous parle? J'étais persuadée que ce qui se passait derrière cette porte n'était pas un rapport sexuel consenti. Pourquoi affirmait-il le contraire?
- S'amuser? Elle est à moitié inconsciente et elle n'a jamais donné son accord . C'est quoi ces bruits? On dirait ... des pleurs . Ils... Ils sont entrain ...de la violer Linux. Faut les arrêter!
Quand il entendit le mot viol, il fut d'abord surpris - ce qui me redonna un peu d'espoir - mais trés vite une lueur meurtrière brilla dans ses yeux .
-Espéce de sale pute, tu parles de viol tu l'as entendu crier? dire non ? appeler à l'aide? Ce que tu entends c'est les gémissements d'une meuf qui prend son pied!
Il s´avança vers moi et rajouta
- Je ne sais pas ce qui se passe dans ta petite tête mais tu ferais mieux d'arrêter de raconter de la merde . Portes tes chaussures et casses toi d'ici sinon ton frére sera au courant du type de fille qu'est sa soeur !
"DÉGAGE" cria t'il en me poussant.
Nous étions en Seconde à cette époque. J'étais une gamine de 15 ans qui avait grandi avec la menace d'être reniée par sa famille si elle faisait un pas de travers. Je n'ai pas eu le courage de m'opposer à lui. J'avais tourné les talons et j'étais partie. Je n'avais même pas appelé la police. J'étais trop effrayée pour ça.
Ce soir là j'avais assisté au viol de Nesrine. Par peur de représailles et par lâcheté je n'avais rien dit. Je n'avais rien fait. Je l'avais laissé se faire violer par mes deux meilleurs amis. J'étais rentrée, j'avais fait la cuisine pour mon pére et j'étais allé me coucher. J'avais pleuré toutes les larmes de mon corps. Ce soir là , les cauchemards s'étaient enchaînés. Ils m'ont hanté pendant longtemps. Je n'avais pas osé en parler . Qui m'aurait écouté? Suite à cette agression, j'étais restée une semaine enfermée chez moi. Je n'allais pas en cours prétextant des menstruations douloureuses et des vomissements.
Ma mére qui était beaucoup plus sévére que mon père se plaignait de mes absences à répetition. Elle ne me donna pas le choix , le lundi matin , elle m'obligea à aller au lycée. J'étais angoissée à l'idée de les voir, de la voir elle. Je ressentais de la peur mais pas cette peur qui vous fait trembler. Plutôt celle qui vous contracte l'abdomen et vous fait vomir vos tripes. Pendant tout le trajet, j'avais eu la nausée . Quand je mis un pied dans mon lycée, le sentiment de malaise s'accentua. Je savais où se retrouvait ma bande, je fis tout pour ne pas la croiser. Je me dépêchais d'aller en classe en espérant occuper la place du fond pour me faire oublier. Dans ma précipitation, je ne vis pas Booba qui venait à ma rencontre.
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