Chapitre 41 (Réécrit)

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L’odeur rance des cachots, lui grattait la gorge. Son corps était devenu poisseux à cause de la chaleur et de l’humidité. Et surtout, Lyra s’ennuyait à mourir.

Pour faire passer le temps, elle avait essayé de dormir. Mais Lottie, c’est ainsi qu’elle avait appelé la rate qui partageait sa cellule, ne l’entendait pas de cette oreille. Le petit animal poussait des couinements stridents ou venait lui mordre les orteils lorsque Lyra restait immobile trop longtemps.

Moi aussi, j’ai faim ! hurlait la conteuse intérieurement.

Elle comptait trois autres détenus en plus d’elle. Son voisin d’en face, un homme d’Église qui passait son temps agenouillé, le regard au plafond, à prier dans une langue que Lyra ne comprenait pas. À la droite du prêtre, une femme extrêmement maigre énumérait les pierres autour d’elle. Une fois terminée, elle recommençait.

789 grosses pierres, 954 moyennes et 517 petites.

Pour finir, il y avait le petit nouveau. Il avait été amené ici peu après Lyra. Au début, il s’était débattu. Il avait hurlé son innocence à en vomir ses tripes, puis ses cordes vocales avaient fini par lâcher.

Pour garder un semblant de lucidité dans toute cette horreur, elle se mit à conter à voix basse. Elle avait besoin d’entendre la mélodie réconfortante d’un « Il était une fois ». Elle imagina l’histoire d’un petit cordonnier, emprisonné à tort, qui devait réussir trois épreuves afin de se faire acquitter. L’histoire se finissait bien pour le garçon et pour son rat de compagnie. Ses histoires se finissaient toujours bien.

-§-

Lysandre m’était du temps à revenir. Lyra ne savait pas si demain était aujourd’hui. Toujours est-il qu’elle avait compté trois changements de garde depuis son incarcération. Les soldats ne lui adressaient pas un regard. Ils se contentaient de donner de la nourriture aux autres prisonniers, puis ils allaient s’asseoir à une table et bavardaient tout en buvant.

— Vas-y, Ivann, écoute. Quand est-ce qu’un chien dit miaou ?

— J’sais pas…, répondit le fameux Ivann, la voix traînante, visiblement agacé par les nombreuses et peu amusantes devinettes de son collègue.

Quand il apprend une nouvelle langue, pensa Lyra.

— Quand il apprend une nouvelle langue ! explosa le premier.

Monsieur Merryweather la leur avait racontée un jour, alors qu’ils déjeunaient tous ensemble. Sa mère avait eu du mal à comprendre le sens de la devinette. Quant à Lyra et ses sœurs, elles avaient ri pour faire plaisir à leur père.

Elles aimaient voir leur père rire aux éclats. Sa moustache poivre et sel frémissait et ses yeux pétillaient d'une espièglerie enfantine. Ce qui contrastait toujours avec ses cernes et les plis d’anxiété entre ses sourcils.

Son père… À présent, ils étaient deux à connaître les joies de la prison. Avait-il, lui aussi, une Lottie qui essayait de lui croquer les pieds ? Avait-il aussi faim qu’elle ? Avait-il aussi peur ?

Ivann n'eut pas le temps de lui dire de la fermer, même si, d’après ce que voyait Lyra, il en mourrait d’envie. Quatre chaussures résonnèrent dans le couloir. Quatre pieds. Deux personnes.

Nouveau changement de garde.

Ivann et le blagueur se levèrent, l’un en bâillant et l’autre en s’étirant. Ils saluèrent leur remplaçant avant de partir vers la sortie.

L’un des nouveaux gardes donna à manger aux prisonniers de gauche et l’autre à celui de droite. Au moment où il allait glisser le pain et l’écuelle sous les barreaux de la cellule de Lyra, le deuxième garde l’en empêcha.

— Pas elle, idiot ! On nous a dit de ne lui donner aucune nourriture.

— C’est bon, ça va, j’avais oublié, baragouina le petit homme.

— Rah, les nouveaux, je vous jure ! pesta l’autre en se retournant vers l’homme d'Église.

Lyra reconnut immédiatement l’homme qui lui faisait face. Petit. Des épaules et un visage carrés. Une coupe de cheveux courte coupée en brosse. Et comment oublier ce sourire amical. Damien l’avait trouvé !

Folle de joie, Lyra allait s’avancer vers lui, quand Damien lui fit signe de ne pas bouger. Et, avec un clin d’œil en direction de la jeune femme, il déclara :

— Heu, M’sieur… Je crois que la prisonnière ne va pas bien. Elle est allongée et ne bouge plus.

— Quoi ?! s’emporta le garde.

Lyra eut tout juste le temps de s’allonger et d’empêcher son ventre affamé de gronder avant que l’homme ne vienne constater par lui-même.

— Non, non, non ! Ça va pas du tout ça ! Le duc de Lomond va nous couper la tête si la fille meurt.

Même si elle ne pouvait pas le voir, elle était certaine que le pauvre homme avait blêmi. Elle l’entendait faire les cent pas et marmonner dans sa barbe.

— Je crois qu’elle a faim, m’sieur, fit remarquer Damien.

Par le soleil et la lune, Damien, quel génie ! Si le garde lui donnait ne serait-ce qu’un quignon de pain, elle construirait une statue en chocolat à la gloire de son ami.

— Je… Je vais chercher un truc à lui faire avaler ! Toi, je sais pas. Fais quelque chose. Secoue là, donne-lui des baffes. Peu importe, tant qu’elle se réveille !

Et il s’en alla prestement, laissant Lyra seule avec Damien.

— Lyra ! Je suis si content de te revoir ! Ils ont dit au capitaine que tu étais rentrée chez toi. Heureusement qu’Alphonse a vu le duc de Lomond et sa clique de garde t’emmener avec eux. On aurait presque cru que tu étais partie sans nous, autrement. Mais je ne m’attendais pas à te trouver ici !

— Je me suis fait prendre, murmura Lyra en s’aidant des barreaux pour rester droite. Et toi, tu as gagné une statue en chocolat.

— Quoi ? Peu importe. Le temps presse. L'autre ne va pas tarder à revenir. Je vais te sortir de là, affirma-t-il en empoignant son trousseau de clés.

Lyra le stoppa en posant sa main sur le bras de Damien. Puis, elle sortit de son corset les documents volés à Lysandre.

— Tiens, prends ça, c’est ce que j’ai réussi à trouver. Il y a des plans, des lettres… Emmène-les directement à la reine Thelma.

— Je ne t’abandonnerai pas ici !

— Je ne peux même pas marcher à cause de mes jambes, expliqua-t-elle en lui montrant les bleus violacés qui lui mordaient la peau. Je t’en prie, prends-les. Et va vite les donner à la reine. Le duc va bientôt se rendre compte que ses documents ont disparu. Ils vont fouiller toutes les personnes présentes au palais. Vous n’êtes plus en sécurité. Emmène Alphonse et le Renard avec toi.

— Je ne peux pas te laisser…

— Tu peux, et tu vas le faire. Sinon, tout ce que j'aurais enduré n’aura servi à rien. Vous reviendrez me chercher, plus tard. Et si des documents écrits de ma main parviennent jusqu’à Thelma, ce qu’il y aura d’écrit ne sera que mensonge. C’est ce qu’ils m’auront forcé à rédiger. Tu as bien compris, Damien ?

Au loin, les pas précipités du garde se faisaient déjà entendre. À contrecœur, Damien prit les papiers et les glissa dans la veste de son uniforme. Il garda la main de Lyra dans la sienne jusqu’à l’arrivée du soldat.

— Ouf. J’ai… Pff… J’ai trouvé du pain et du fromage ! Tu as réussi à la réveiller ? demanda-t-il à bout de souffle.

Sans détourner ses yeux de la jeune femme, Damien récupéra les deux aliments.

— Elle est plus solide que l’on ne croit, répondit-il en tendant à Lyra le pain et le fromage.

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