Chapitre 38

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  • À présent que tu sais tout de moi, ou presque. Laisse-moi te poser une question.

Lyra attendait, intriguée par ce qu’il allait lui demander.

  • Comment t’es tu retrouvée dans ce pétrin ?
  • Ah, oui… C’est vrai. Alors avant tout, saches que je savais déjà que tu n'allais pas approuvé mon plan. C’est pourquoi je ne t’en ai pas parlé.

La jeune femme lui conta son périple, ses peurs et ses doutes, sa tentative de séduction sur Lysandre de Lomont, sa rencontre avec Alphonse en domestique et l’idée qui lui était venue après leur conversation. Elle lui répéta également tout ce qu’elle avait vu et entendu dans la salle circulaire. Les noms des personnes présentes, leur rôle dans le retour de Childéric ainsi que son hypothèse sur le lion, le poussin et le nouveau soleil.

  • Donc tu es entrain de me dire que tu t’es laissé faite prisonnière, volontairement ? Et que si on est tous les deux enfermés c’est parce que tu l’as voulu ? Mais c’est de la folie ! s’emporta Kayden.
  • Oui, c’est ce que “volontaire” signifie. C’était peut-être une folie mais moi au moins j’ai eu des informations. Et je te rappelle que c’est toi qui a plongé la tête la première dans la gueule du loup. C’est toi, tout seul, qui t’es fait capturer. Et là ce n’était pas volontaire, rétorqua Lyra en appuyant sur le dernier mot.
  • Et à qui les aurais-tu donné tes informations, enfermée ici ?
  • Alphonse est grimé en garde depuis des semaines et même Damien est ici. Au début, je comptais surtout sur Al, mais c’est à Damien que j’ai fait passer le papier. C'est grâce à moi que l’on sait que Childéric va essayer de reprendre le trône d’Ambrune cet été. C’est grâce à moi que l’on sait que Jude de Lior n’est pas l’instigateur de ce coup d'État. Si on sort d’ici, c’est grâce à moi que l’on pourra prévenir Thelma et préparer les armés. C’est grâce à moi que l’on connaît les principaux traîtres. Et c’est grâce à moi que l’on évitera un incident diplomatique en condamnant à tort Jude. Alors de rien, j’ai seulement fait mon travail.
  • Ouai… si on sort d’ici.
  • Et oh, on va sortir d’ici ! Aide moi à trouver une solution plutôt que de faire ta mauvaise tête. Je te rappelle que tu as toujours une dette envers moi.
  • Une dette ?
  • Je t’ai juste sauvé la vie.
  • Et bien grâce à toi on va peut-être la perdre tous les deux.
  • Ce que tu peux être rabat-joie.

Lyra se releva chancelante. Ses jambes ne l’avaient pas portées depuis un petit moment maintenant. Son ventre ne grondait même plus, habitué à être sous alimenté, et elle était si fatiguée. Pourtant elle avait encore la force de se disputer avec lui. Elle se dirigea vers l’avant de la cellule, là où elle pouvait voir ses autres colocataires prisonniers et les gardes en pleine discussion.

  • Vas-y Ivann, écoute. Quand est-ce qu’un chien dit miaou ?
  • J’sais pas.
  • Quand il apprend une nouvelle langue !

Les deux hommes éclatèrent de rire, s’affalant sur leur siège et agitant leur chope de bière.

En pleine discussion hein…

Les barreaux en fer rafraichissaient le visage de Lyra. Il faisait tellement lourd et moite dans cette prison. Et puis elle avait l’impression de ne pas avoir repris son souffle depuis les révélations de Kayden.

  • Et si on sort de là …
  • Quand on sortira de là, rectifia Lyra.
  • Oui, recommença Kayden agacé. Quand on sortira de là, qu’est ce que tu aimerais faire ?
  • Humm, fit mine de penser Lyra. Sauver le royaume d’un tyran fou et par la même occasion expier les erreurs de mon père. C’est déjà bien.
  • Non, ce que je veux dire c’est… une fois que toute cette histoire sera terminée.

Elle réfléchit un long moment. Elle avait du mal à imaginer le futur quand le présent lui-même était si incertain. Après cette épreuve, pourrait-elle vivre comme avant ? Comme si rien de cela ne s’était produit ?

  • La chose que je désire le plus en ce moment c’est revoir ma famille. Mais une fois toute cette histoire derrière nous, j’aimerai voir la mer. Je ne l'ai jamais vu mais de ce que j’ai pu lire, ou de ce que l’on m’en a dit, c'est magnifique. Et toi ? demanda-t-elle en se tournant vers Kayden.
  • Je ne sais pas trop… j’aimerai parler à Thelma et Ellyana. Vraiment leur parler. Pas comme un chef de la garde. J’aimerai aussi remanger du pain perdu, dit-il un sourire béat.
  • Je vois que mon pain perdu t’as fait de l’effet, je le savais ! se vanta-t-elle. Je te promets de t’en refaire à l’occasion. Je pourrais même te montrer comment faire. Il n’y a rien de plus facile. Si moi j’ai réussis, tout le monde peut le faire. Crois moi.

Elle se reconcentra sur les gardes. Si elle les appelait de façon à ce qu’ils soient assez proches d’elle, elle pourrait agripper le cou de l’un et cogner sa tête contre les barreaux de la cellule. Mais même si elle y arrivait, un seul homme serait assommé. L’autre serait toujours parfaitement conscient et alors elle aurait de gros ennuis. Elle n’était même pas sûre d’avoir assez de force dans son corps sous-nourris. Ouai, non… mauvaise idée.

  • Ce que j’aimerai faire aussi, continua Kayden en regardant Lyra s'agiter comme un oiseau en cage, c’est danser avec toi.

Elle cessa sa réflexion.

  • Co…comment ?
  • Lysandre de Lomont l’a déjà fait, plusieurs fois. Et nous, on n'a encore jamais eu l'occasion de danser … ensemble je veux dire. Et ce, malgré tous les bals auxquels on à assister. Et donc, j’aimerai bien avoir la chance de danser avec toi un jour, enfin si tu le veux aussi ! Ou pas … Tu sais quoi, oublie ce que je viens de te dire, termina précipitamment Kayden.

Ses tâches de rousseurs étaient dissimulées par le rouge qui lui montait aux joues. Il se cacha le visage derrière ses mains, empoignant ses cheveux de gêne.

  • Je…

Mais le fracas assourdissant d’une explosion, étouffa la fin de la phrase de Lyra. Le tremblement fut tel qu’il fit tomber les détenus au sol. Le bruit semblait proche, un nuage de fumée s'écoulait le long de l’escalier en colimaçon, comme une vague lente et menaçante. Les gardes abandonnèrent la table et leur chope pour accourir, arme à la main, vers l’origine de la détonation. Des cris retentissaient à l’étage, l’affolement des nobles et des domestiques se faisait ressentir depuis la prison.

  • Lyra ! Tu vas bien ? Père Windslow ?

Lyra grogna, en touchant terre elle était mal retombée sur son poignet. Quant au Père Windslow il était simplement étourdi par la secousse.

Alors que la panique continuait dans le palais, des pas précipités descendaient les escaliers vers les cachots. Une cape noire, dont la capuche dissimulait le visage du mystérieux intru, s'avança vers Lyra. Elle se leva d’un bond, le poignet soutenu par son autre main, prête à faire face à l’inconnu. Un cliquetis, comme une clé actionnant une serrure. Puis le grincement de la porte en fer. C’était ouvert, elle était libre ! L'encapuchonné fit de même pour la cellule de Kayden avant de revenir et de tendre la main vers Lyra.

  • Qui êtes-vous ? demanda t-elle suspicieuse.
  • Je te l’avais bien dit, je ne suis pas méchant.
  • Lysandre !
  • Que se passe-t-il là-haut ? interrompit Kayden, qui venait tout juste de sortir.
  • Une explosion. Le retour du lion a été précipité à cause d’une certaine personne, expliqua Lysandre à l’intention de Lyra. Ma mère a eu peur que tu ne divulgues tout ce que tu as entendu. Alors les hostilités ont commencé plus tôt que prévu.
  • L’explosion, c’est une diversion ? demanda Kayden.
  • En effet, elle a pour but d’effrayer Jude de Lior, et de le capturer.
  • Mais alors qu’est-ce que toi tu fais là ? Et pourquoi nous libérer ?
  • Rentre chez toi Lyra, rejoins ta famille. Et reste loin de ce conflit. Et vous le Renard, assurez sa sécurité jusqu’à Rivermoore.

Kayden hocha la tête, il n’aimait pas Lysandre de Lomont et il ne lui faisait pas confiance. Mais sur ce point ils étaient d’accord.

  • Libère les autres prisonniers.
  • Si tu me promets de rester à l’abri, chez toi.
  • Je te le promets.
  • Alors vos désirs sont des ordres princesse.

Lysandre mit plusieurs longues minutes à trouver sur le trousseau les clés qui déverouillaient les portes du Père Windslow, de la femme qui comptait les pierres et du jeune homme qui restait muet. Le prêtre prit dans ses bras l’homme qu’il avait connu petit garçon et le serra fort contre son cœur. Ils échangèrent quelques mots avant de se séparer. Lyra remarqua le sourire reconnaissant et sincère de Kayden. Le père Windslow accompagna ensuite la femme et le jeune homme vers la sortie des cachots.

  • À présent, dit Lysandre, remontez le plus vite possible, il y a tellement d’affolement et de confusion là-haut que personne ne vous remarquera. Prenez un cheval, n’importe lequel et partez !

Lyra s’approcha de lui, elle souleva la capuche pour dévoiler le visage soucieux du duc de Lomont. De larges cernes creusaient son visage, ce qui ne faisait qu’accentuer le bleu de ses yeux.

  • Merci mon ami, murmura-t-elle en posant une main sur la joue pâle du duc.

Et pour lui dire au revoir, un dernier au revoir, elle déposa ses lèvres sur celle de Lysandre. Un baiser rapide, un baiser chaste, un baiser d’adieu.

  • Hum, hum, … fit mine de tousser Kayden. On est un peu pressé Lyra. Merci Monsieur le duc et adieu.

Il agrippa le poignet de Lyra. Elle serra les dents de douleur, c’était celui où elle avait mal. Mais Kayden poursuivit sa route. Ils remontèrent les escaliers, arrivèrent enfin dans les couloirs du palais. Lyra n’eut même pas le temps de se réjouir de revoir la lumière qu’une foule paniquée courait de part et d'autre du palais. Tous deux réussirent à esquiver les gardes, se faufilant entre les robes, les costumes et les perruques agitées.

Kayden se dirigea instinctivement vers les écuries. Ils allaient prendre un cheval mais pas n’importe lequel. En entrant précipitamment, ils effrayèrent les bêtes qui reposaient là. Les sabots claquèrent contre les parois de bois et les hennissements de frayeurs dilataient leurs naseaux. Il conduisit Lyra jusque devant un box où une jument palomino avec une étoile blanche sur la tête regardait le jeune homme.

  • Stardust ?
  • Elle même. Allez on se dépêche de la seller et on galope loin d’ici.
  • Aïe ! Kayden tu me fais mal, finit par exploser Lyra.
  • Pardon. Mais ton poignet est enflé ? fit-il remarquer en desserant sa poigne.
  • Je suis tombée dessus lors de l'explosion.

Kayden lâcha sa main doucement pour ne pas la blesser plus encore. Il sella rapidement Stardust, aida Lyra à monter à l’avant puis posa à son tour un pied à l’étrier pour finir sur le dos de sa monture.

  • Alphonse et Damien ? s’inquiéta la jeune femme.
  • Ne t’en fais pas, ils sont bien entrainés. Ils savent faire face à ce genre de situation. Ils vont vite se rendre compte que nous, ainsi que les autres prisonniers, ne sommes plus dans nos cellules et alors ils rentreront à Silverthrowne.

Lyra hocha la tête, toujours aussi soucieuse.

Une simple pression sur le flanc de l’animal et les deux fugitifs galopèrent à toute vitesse vers Ambrune.

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Alors petite précision: Si la scène du pain perdu ne vous dit absolument rien, c'est parfaitement normal ! C'est une scène que j'ai imaginé il y a peu et qui n'apparait donc pas dans la version actuelle de La Conteuse et le Renard doré. Mais elle est écrite dans un coin de mon document Word et sera là dans la réécriture.

De plus, je dédie ce chapitre et tous les suivant à mon ami Julien. Gars t'as réussit à rendre ton écrit ! Bravo !!!

Voilà voilà !

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