Chapitre 48

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Kayden était trop faible et trop lourd pour que Lyra le soutienne plus longtemps. Ses yeux se fermaient à chaque mouvement. Lyra lui répétait sans cesse :

  • Kay, ne ferme pas les yeux, ne t’endors pas.

Mais il était si fatigué. Et puis il commençait à avoir froid. Les grondements du tonnerre le secouaient un peu, juste assez pour le garder éveillé. C’est alors que Lyra, à bout de force, assis le chef de la garde et s'installa à ses côtés. Elle posa sa tête près de son épaule, de façon à être la plus proche de lui sans lui faire mal.

  • Je fais une petite pause, souffla-t-elle.

Et après un moment, elle reprit.

  • Je ne sais pas quoi faire. J’ai peur. J’ai l’impression de tourner en rond, il fait si sombre avec ce satané orage. Je ne trouve plus l’infirmerie, tu te vides de ton sang et il n’y a personne pour nous aider. Kay, qu’est-ce que je dois faire ?

Mais Kayden luttait déjà pour ne pas s’endormir à tout jamais, alors parler… Il avait juste assez de force pour lui tenir la main. Pas la serrer, c’était trop douloureux, mais simplement la maintenir dans la paume de la sienne.

  • La pause est finie Renard doré, se ragaillardit Lyra. On va bien finir par trouver.

Sur ce, elle récupéra le blessé sur le sol et tous deux reprirent leur chemin.

Après une longue marche à travers des couloirs interminables, ils finirent par retrouver les imposantes portes de la Grande salle/infirmerie. Soulagée, Lyra abattait ses poings de toutes ses forces contre le bois, suppliant de les laisser entrer.

Une porte s’ouvrit.

La chaleureuse lueur des bougies se diffusa dans l'entrebâillement, illuminant le visage de Lyra et Kayden.

C’était Landry qui avait entendu Lyra et avait ouvert. Dès qu’il vit le visage inquiet de Lyra et l’homme qu’elle portait à bout de bras, il se précipita pour lui venir en aide.

Une fois à l’intérieur, les portes de nouveau barricadées et Kayden entre de bonnes mains, toutes les personnes présentes se jetèrent sur Lyra et l’assénèrent de questions.

Dans un coin, elle aperçut Madeleine et Landry qui parlait à voix basse. Il y avait aussi les jumeaux, la domestique à la queue de cheval brune, la doctoresse. Kayden allongé sur un lit, les yeux clos, Ellyanna à ses côtés. Une grande femme, le bras en écharpe, regardait également le bel endormi. Thelma !

  • Votre Majestée ?

Lyra était parvenue à traverser la foule jusqu’à la reine soldate.

Thelma ouvrit son bras valide et la serra contre sa poitrine.

  • Merci de l’avoir sauvé, encore. Tu veilles toujours sur lui, tu es un ange Lyra Merryweather.

Lyra ne savait que répondre, alors elle ne dit rien, se laissant aller à l’étreinte. C’était si rassurant. Enfin, elle n’avait plus l’impression d’être seule dans l’adversité.

Thelma se mordit la lèvre de douleur. Dans son geste, elle avait appuyé sur sa blessure.

  • Votre Majestée, que s’est-il passé ? demanda Lyra se sentant coupable de la douleur de la reine.
  • Ce n’est rien, juste un coup d’épée mal placé, mais toi et le Renard, que vous est-il arrivé ?

Lyra expliqua alors à Thelma leur péripétie. L’apparition de Childéric, la confrontation avec Crowley puis la disparition des deux hommes.

  • C’est pas bon du tout, murmura Thelma pour elle-même. Mais au moins, je crois savoir où ils se dirigent. Et il faut vite les intercepter, sinon nous sommes tous morts.
  • Aïe !

Toutes deux se retournèrent vers Kayden qui venait de se réveiller. Thelma reporta son attention vers le blessé et tandis qu’Ellyana aidait le jeune homme à se redresser sur son oreiller, Thelma s’approcha de lui et lui caressa les cheveux.

  • Quand vas-tu arrêter de nous faire de telles frayeurs mon garçon ?

Kayden sembla chercher ses mots, il lança un regard autour de lui et vit Lyra. Elle lui souriait tendrement. Alors, il sut ce qu’il devait dire.

  • Que voulez-vous, mes mères ont la fâcheuse habitude de se mettre dans le pétrin, je ne fais que suivre leur exemple.

Depuis qu’elles l’avaient recueilli, c’était la première fois que Kayden les appelaient ainsi, “mères”. Lui qui était si rigide, si formel. Thelma s’agenouilla de façon à faire face à Kayden et affectueusement, elle posa sa tête contre le front de son fils adoptif.

  • Il t'en a fallu du temps, souria-t-elle.

Il souffla pour confirmer. Ellyana, qui ne voulait pas être écarté plus longtemps de cet instant familiale, serra et embrassa sa femme et leur fils, les larmes roulant sur ses joues rebondies par la joie.

Lyra contempla ce spectacle avec tendresse. Au moins une famille était réunie malgré l’épreuve qu’ils vivaient. Si seulement…

  • Lyra ?

Elle n’en croyait pas ses oreilles. Elle reconnaissait cette voix. C’était la voix qui lui racontait des histoires le soir. La voix qui la grondait quand elle faisait des bêtises. La voix qu’elle avait entendue le premier jour de sa venue au monde.

  • Papa !

Et elle éclata en sanglots dans les bras de Monsieur Merryweather. Une fois l’émotion passée, il lui expliqua que Thelma et plusieurs gardes étaient venus chercher les prisonniers. Leurs pieds étaient encore enchainés et ils étaient gardés sous bonne surveillance, mais au moins, ils étaient en sécurité. Encore heureux que le palais ne comptait qu’une demi-douzaine de prisonniers.

  • On n’abandonne personne dans mon château, ajouta Thelma fièrement.

Elle avait écouté la discussion entre le père et sa fille.

  • Et je me suis dit que j’avais bien fait quand je t’ai vu arriver, notre chef de la garde sous ton bras.

Lyra baissa la tête en signe de gratitude. Un simple mouvement silencieux, plus parlant que mille mots.

  • Je suis désolé de briser ce moment plein d’émotions, commença Landry qui patientait derrière eux depuis le début. Mais est-ce qu’on peut revenir au moment où sa Majestée à dit que nous allons tous mourir ? termina-t-il en chuchotant.

Thelma s’éclaircit la gorge.

  • Damien et Alphonse ont réussi à intercepter un des savants de Childéric. Ces gens de savoir n’ont vraiment aucune résistance à la terreur, et ils ont tellement peur de la mort. Il nous a expliqué que Childéric comptait atteindre le point le plus haut de Ambrume et c’est là qu'il l'enclencherait.
  • Qu’il enclencherait quoi ? demanda Landry.
  • Non… souffla Kayden.
  • Si, l’arme qu’il avait destiné au soleil va se retourner contre nous. Ses foutus savants ont trouvé un moyen de réduire la taille de l’arme. Elle n’est clairement pas assez puissante pour détruire le soleil. Mais détruire un château et mettre à feu et à sang toute une capitale, c’est dans ses cordes.
  • Et où est le point le plus haut ? interrompit Lyra.
  • La tour Ouest, conclut Ellyana. Mais il faudrait qu’il aille sur le toit. Il ne peut pas être si fou.
  • Lui non, mais Crowley suivra aveuglément les ordres de son tyran de roi, répondit Kayden. Il n’y a qu’un seul moyen pour empêcher cette tragédie.

Thelma et lui lancèrent un regard entendu. Ils s’étaient compris. Ils savaient ce qu'ils leur restaient à faire.

Kayden s’empara de son épée, qui reposait contre le sommier de son lit, et tenta de se lever difficilement. Ellyana demanda à Landry de l’aider à remettre son armure et de lui donner son arme. Ils partaient combattre. C’est ce qu’ils savaient faire de mieux.

  • Vous n’y pensez pas ! s’énerva Ellyana comprenant la situation.

Sa femme l’embrassa. Si c’était leur dernier baiser, il fallait que ce soit le plus doux et le plus passionné des baisers.

  • Pardonne-moi mon amour, mais c’est la seule solution, déclara sombrement Thelma.

Un sourire barrait son visage, mais ce sourire était le plus triste que Lyra n'avait jamais vu. Un sourire brisé.

Pendant que Thelma s'apprêtait, Kayden venait tout juste de réussir à se lever.

  • Et moi, tu ne m'embrasses pas ? tenta vainement Lyra.

Elle essayait de détendre l’atmosphère, de le faire rire une dernière fois. Mais c’était trop difficile. À chaque respiration, son cœur se serrait davantage.

Il secoua la tête.

  • Ce n’est pas un adieu Lyra. D’autant plus que je sais que tu vas vouloir venir avec nous et que je n’ai vraiment pas la force de t’en empêcher. Mais je le dirais quand même pour la forme : Restes en sécurité ici avec ton père et tes amis.

Ce fut au tour de Lyra de secouer ses boucles chocolat.

  • Tu me connais bien. Et puis qui pourra t’aider à marcher si je ne suis pas là.
  • Lui ne pourra pas t’en empêcher, mais moi oui ma fille. Tu vas rester ici ! Tu t’es déjà suffisamment mise en danger. Pour moi, pour notre famille et maintenant pour lui. Tu es inconsciente !
  • Je le suis, en effet. Mais pour raconter une bonne histoire, autant que la conteuse la vive.

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