7 – Nightly : À travers le glacier

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« Edward Brawnet. 2094-02-13 21:12:04 Sol/Jov/Eur/Essiert »

Le réseau emploie toujours les mêmes méthodes. La justicière aurait pourtant imaginé que les événements récents, avec l’attaque sur le réseau et la série de meurtres sur les agents du réseau l’an passé aurait eu un impact au niveau opérationnel. Ça lui avait même coûté une instance, la cinquième au total.

Parfois, Nightly se demande à quel point le réseau comprend le monde. Ses prédictions sont toujours justes, mais il manque souvent de contexte. Ne pourrait-il pas lui transmettre plus d’informations en l’envoyant sur une mission ? Est-ce que les autres agents ont autant de travail préparatoire à faire ? Une hypothèse : vu la faculté du réseau pour trouver les meilleures motivations destinées à ses agents informels, il est pratiquement certain qu’il a choisi ce format spécialement pour elle : un peu de mystère, une enquête, un peu d’action et une finalité bienveillante. Pour la justicière, c’est sans doute une excellente façon de présenter les choses.

Cette fois-ci, il la conduit à Essiert, sur Europe. La lune de Jupiter est un astre glacé mais qui dispose d’un océan souterrain, une sorte de mer arctique prise sous une banquise de plusieurs dizaines de kilomètres d’épaisseur. Et sous cette croûte de glace, Waylander n’a rien trouvé mieux que d’y installer une cité. Accrochée à la glace comme une araignée guettant sa proie, la ville soumise à une pression insensée, ressemble à un dôme inversé. Pas de vitre ni de hublot, mais une coque opaque de métaux et de composites. Un fleuron d’ingénierie, vitrine du savoir technologique de la corporation et de sa démesure.

Accéder à la cité se fait par un long tube d’accès où douze ascenseurs circulent et transportent chaque jour plusieurs milliers de personnes. À la surface : des installations plus modestes et le spatioport. De là-haut, difficile d’imaginer qu’il existe une ville complète sous la glace. Et pourtant, c’est là que l’emmène son mystérieux commanditaire.

Mais avant de descendre, une petite précaution. Explorant le grand hôtel du spatioport, Nigthly cherche un couloir non surveillé et dont l’accès ne paraîtrait pas suspect. Passant entre le collecteur des déchets et la blanchisserie, elle atteint une zone de maintenance permettant la jonction entre l’hôtel et le musée de la colonisation d’Essiert. L’un des murs du couloir est encombré de plusieurs tuyaux et d’instrument servant à la régulation de l’atmosphère des coursives attenantes. L’autre est entièrement dégagé : l’endroit parfait pour y établir un portail. La réplicante mémorise la surface, se servant de ses sensations exotiques.

Ceci fait, elle revient vers des lieux plus habités et s’approche de la zone des ascenseurs. Une petite cohorte de robots de sécurité, la plupart androïdes à l’exception notable d’un dogbot d’assaut, filtrent l’accès en contrôlant les passagers. Rapidement son tour vient.

« Avez-vous quelque chose à déclarer ? lui demande un patrouilleur avec sa voix délibérément saturée.

– Deux shocks SK-03, un JAM-E3DF45 et une armure custom. Voici ma licence, répond-elle avec force de routine.

– Le certificat est valide. Bonne journée et bon séjour à Essiert !

– Merci, bonne journée à vous aussi. »

Les formalités administratives remplies, l’enfant justicière embarque à bord de l’une des capsules. L’intérieur est pourvu de sièges comprenant notamment des ceintures. Quelques écriteaux indiquent « Danger : microgravité » et invitent les passagers à se connecter à l’application d’information de la cabine.

La justicière prend contact avec le système d’information de l’appareil qui lui indique les principales étapes du voyage. Quelques informations basiques pour commencer : la ville se trouve 37 kilomètres plus bas et le voyage va durer 11 minutes. Trente-sept kilomètres à la verticale : pourvu qu’elle n’ait pas à escalader une échelle de cette taille.

Quelques détails sur les accélérations subies par la cabine suivent. Nightly apprend que comme pour les voyages spatiaux, le « vol » sera organisé en trois phases : accélération, croisière et décélération. Mais curieusement, c’est la première phase, de soixante-trois secondes, qui sera en apesanteur. Logique en y repensant : on va vers le bas. Tomber avec une accélération égale à l’attraction d’Europe est le plus rapide qu’on puisse faire sans placer tout le monde à l’envers. Nightly s’amuse à imaginer quelque instant les passagers, la tête vers le bas, suspendus par les sangles de leur fauteuil.

Eh bien, quand on a le droit à une minute d’apesanteur, autant en profiter. La justicière s’installe tranquillement sur l’un des sièges tandis que les autres passagers bouclent leur ceinture. Plus que quelques secondes.

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