28 – Nightly : Opération Lem 2.0
Depuis le pont de commandement de la canonnière WLD-GS-59, la station Lem n’est visible qu’à travers les écrans virtuels. Sur les images, elle semble avoir été endommagée : plusieurs fissures émettant beaucoup de chaleur brillent sur les relevés thermiques. Par mesure de précautions, le vaisseau se tient à une distance de 500 m, les railguns pointés dessus.
Eve observe le gigantesque demi œil de mouche et tente de repérer les sections habitables et les points d’accès. La structure, bien que très modeste par ses dimensions, fait plusieurs fois la taille de la canonnière. Deux sous-officiers analysent aussi la station : la femme fait de nombreux signes en évoquant des concepts structuraux de la station. Du peu qu’arrive à en comprendre la justicière, le seul point d’amarrage a été saboté et la station est désormais entièrement dépressurisée. Paradoxalement, elle est encore fonctionnelle : seule la section habitable semble avoir été touchée par ce que l’experte décrit comme un incendie.
« Et maintenant ? Que fait-on madame ? demande le premier officier.
– Gardez la station en ligne de mire, avez-vous des combinaisons d’eva ? demande la wardner.
– Oui, bien sûr.
– Et qui puissent lui aller ? complète-t-elle en pointant Nightly.
– On en a des ajustables, ça devrait faire l’affaire. Par contre, c’est du modèle militaire : c’est aussi maniable qu’une armure… J’espère qu’elle a de la force votre petite, ironise le soldat.
– On ne va pas en faire la démonstration maintenant. Allons préparer cette combinaison.
– Oh, le plus long ce sera sans doute de calibrer le jet pack.
– On n’en aura pas besoin, le coupe la wardner.
– Il y a cinq cents mètres de vide madame, fait-il remarquer.
– Ça n’est pas un problème. », termine la solar wardner avec un sourire complice en direction de l’enfant.
Tsadir et Eve se détachent de leurs sièges et se laissent dériver vers l’écoutille de la passerelle, précédées de l’officier responsable de l’équipement, Dr. Emmanuel. Il les conduit au travers des coursives étroites du vaisseau pour aboutir à la salle de l’équipement d’abordage. Là plusieurs armures noires alignées sur un rack attendent leurs utilisateurs.
« Je vous préviens, ce sont des armures à pression partielle : elles doivent être portées à même la peau. Vous pouvez toutefois garder vos sous-vêtements. Vous savez comment on s’en équipe ?
– Oui merci, lui répond Tsadir.
– Bien, je vais préparer le sas d’expédition. », termine l’homme quelque peu pressé.
Eve commence à se dégager de son armure, assistée par Tsadir. C’est curieux, mais c’est la première fois qu’elle a à s’en défaire en apesanteur. Heureusement qu’elle a de l’aide même. L’air tempéré lui paraît un peu froid, mais pas autant que le toucher des mains mécaniques de la cyborg. Remarquant sa gêne, la wardner lui tend l’avant du plastron que Nightly plaque contre elle, les bras en croix comme indiqué sur le manuel en RA devant elle. Son assistante lui ajuste la partie arrière et un déclic léger se fait entendre, témoignant de la parfaite jonction des deux éléments.
L’armure est si froide qu’Eve doit se concentrer pour ne pas grelotter. L’étape suivante, avant d’ajuster les autres éléments, consiste à allumer l’armure. Immédiatement, la surface interne se colle à sa peau et commence à exercer une légère pression. La température remonte rapidement et devient même confortable : pour le torse tout du moins. Pendant l’initialisation de l’armure, Tsadir continue d’organiser les éléments du bas, entrant les mesures du corps de l’enfant pour ajuster les différentes pièces. Le haut du pantalon se glisse comme une épaisse culotte rigide. À peine installé, il s’ajuste immédiatement, de la même manière que le plastron. Tsadir vient ensuite placer la partie avant de la jambe gauche, glissant le pied de la justicière dans la botte et repliant les protections frontales jusque sur la cuisse. À la jonction supérieure, l’armure s’attache au reste comme par magnétisme. Son aide attache enfin l’armure arrière de la jambe et les deux parties s’assemblent parfaitement. À nouveau, le revêtement intérieur semble gonfler légèrement et toute l’armure se réchauffe confortablement.
Rassurée, la mise en place de la jambe gauche de l’armure et des deux bras est rapidement effectuée et la chaleur de l’armure a complètement fait disparaître les sentiments de frisson. Dans un silence presque cérémoniel, Tsadir lui tend le casque. À la façon du reste de l’armure, il est teint dans un matériau sombre. Deux lampes infrarouges sont installées sur les côtés se fondant dans la masse du blindage. La visière rabaissée est complètement opaque, mais plusieurs petits orifices laissent entrevoir de nombreuses caméras et si elles venaient à lâcher, il reste encore la possibilité de lever la visière.
Eve installe le casque sous le regard bienveillant de la wardner. La première inspiration lui apporte l’odeur étrange des filtres synthétique. La fragrance disparaît rapidement et l’écran devant elle s’allume projetant virtuellement ce que perçoivent les caméras. L’armure lui affiche par la même occasion de nombreux indicateurs. Réserve d’air : pleine ; filtres : neufs ; énergie restante : 99.98 % ; autonomie estimée : 21 heures… Quand même !
L’armure est très rigide comme l’avait indiqué le docteur Emmanuel, mais les muscles améliorés de l’enfant compensent pleinement cette contrainte. Prenant le contrôle de sa position par le biais de son implant, Eve se retourne vers Tsadir : « Bien, il fait bon à l’intérieur, et si on allait voir ce qu’il y a dans le ventre de cette station ? ». En réponse Tsadir lui tend un fusil mitrailleur lourd.
« C’est une blague ? »
Visiblement non.
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