Après avoir été chargée dans le système informatique de la navette, Akasha avait pris les contrôles et le vaisseau décolla sur une trajectoire presque verticale. Une fois les couches les plus épaisses de l’atmosphère titanienne dépassées, le vaisseau suivit une trajectoire balistique à destination de la grande Insula.

Les écrans de bord ne renvoient plus d’image de la surface, mais seulement la couche diffuse et ocre des nuages. L’imagerie radar continue d’envoyer ses images bruitées en noir et blanc et les systèmes de positionnement sont pratiquement les seuls indicateurs fiables de leur position et de leur trajectoire. Bientôt, ils retrouveront les couches atmosphériques les plus denses et s’ils ont encaissé presque quatre G au décollage, cette réentrée promet une décélération du même ordre de grandeur.

Ney et Greenstar se sont installées juste derrière lui et Idle lui sert de copilote. En vérité, Akasha fait tout le travail et semble plus épanouie dans ses échanges avec l’équipage. Sanaë leur avait déconseillé de la faire piloter avant qu’elle n’ait passé à nouveau ses certifications, mais Feyn lui fait encore aveuglément confiance. Et Idle aussi.

Les tremblements de l’appareil lors de la décélération sont violents mais restent largement en dessous des limites structurelles et si être secoué de la sorte n’est pas forcément agréable, c’est malheureusement le seul moyen de ralentir de façon efficace. Le radar de la navette commence à résoudre l’installation : ils arrivent dessus à une vitesse de plusieurs centaines de mètres par secondes, mais celle-ci se réduit prodigieusement.

Ils viennent de tomber sous la couche nuageuse et leur caméra renvoie à nouveau des images de ce monde sans vie.

« Commandant, je lis plusieurs pistes d’atterrissage. Je propose d’en utiliser une pour assurer l’atterrissage, propose Akasha.

– S’ils avaient des systèmes d’artillerie anti-aérienne on le saurait déjà. Fait au plus sûr, lui indique Feyn d’un ton professionnel.

– Allumage des réacteurs. », confirme l’IA.

Le son des propulseurs résonne dans toute la navette et une nouvelle accélération de presque deux G plaque tout le monde au fond de leur fauteuil de vol. Les écrans montrent tous les détails de l’approche et de l’atterrissage. Le radar, le lidar et les caméras enregistrent un maximum d’information sur l’installation. Feyn constate que sa pilote n’a pas perdu en précision et l’appareil se pose au-dessus du marqueur central de la plate-forme d’atterrissage avec un décalage de seulement un demi-millimètre.

Ney a activé l’écoute passive des ondes radio : elle recherche tout signe de Nevi et son équipe. Observant le modèle tridimensionnel des alentours construit pendant la descente, Feyn découvre l’ADAV, posé à l’arrière d’une colline un peu plus au sud. Ney tente alors d’établir un contact avec l’antenne directionnelle, espérant qu’il soit resté quelqu’un près de l’appareil pour leur expliquer où en est l’opération.

« Ney ? Ça fait plaisir de t’entendre ! la reçoit Lift.

– Lift ? Où sont les autres ? demande Ney.

– Cara est avec moi, elle vous a dans sa lunette de visée, lui explique le nevian. Les autres sont dans le bâtiment sud. Mais ça fait deux heures qu’on n’a aucune nouvelle. On a détecté une impulsion électromagnétique, mais on ne sait pas plus ce qui s’y passe.

– C’est probablement un EMP, complète Ney. J’espère que nos amis n’ont pas été pris dedans.

– On devrait vraiment appeler des renforts… indique Lift.

– C’est pour ça qu’on est là, non ? ironise Ney.

– Tu proposes de procéder comment ? demande Lift.

– Dans ce genre de cas, Tsa’ me donnait deux heures. Au bout de ces deux heures, si elle ne m’avait pas recontacté, je devais décarrer de là et prévenir les corporations, explique Feyn.

– Tsa’ ? Tu as déjà travaillé avec Tsadir ? s’étonne Ney.

– Oui l’année dernière durant le second semestre. J’ai pratiquement traversé tout le système solaire avec elle. Elle était intéressée par un truc sur Mercure. Elle ne m’a pas donné les détails, mais c’était assez sale pour qu’on ait à exfiltrer quatre terriens vers Mars, détaille le commandant de l’Akasha.

– Bon, sa procédure me plaît, indique Ney. Feyn : tu restes avec Idle et Akasha à bord. Cara, Lift, continuez de surveiller les alentours. Au premier signe de problème, vous rejoignez la navette.

– Tu es sûr pour la navette ? On a un ADAV de notre côté, conteste le nevian.

– Ça ne fait pas le poids contre un potentiel de onze G d’accélération que cette navette peut produire, indique Feyn.

– Ok, je n’ai pas tout compris, mais on vous fait confiance monsieur le raton laveur, accepte Lift.

– Je prépare les combinaisons et les armes, indique Greenstar en se détachant de son siège. On va aller voir à l’intérieur.

– Soyez prudentes ! », termine Lift.