« Vous les faites à combien les cartes postales ?

- 1 euro l’une et 3 euros les 4, ma p’tite dame.

- 3 euros les 5, ça convient ? »

C’est traditionnel, à la braderie de Lille, il faut marchander, sinon autant aller sur internet. Et puis commencer à discuter le prix, c’est s’assurer deux minutes de répliques folkloriques de la part de l’exposant. Bingo, j’ai ferré le brocanteur, je vais avoir droit à la grande scène du cht’i pure souche :

- ti'z'aute, tu t’rind pas compte, faut cor que j’m’acate à mincher …

Le bradeux a fait le spectacle pendant cinq bonnes minutes, une bonne stratégie pour ameuter les clients potentiels, mais après cela, il a baissé la garde et j’ai emporté mes cinq cartes postales anciennes pour trois euros. J’ai idée de les mettre dans des cadres noirs et de les accrocher dans le couloir de mon petit appartement, ça l’animera un peu.

Je suis rentrée chez moi à trois heures du mat., fourbue après six heures non-stop d’un bain de foule bruyant, bousculant, odorant. Les artères de la ville se sont transformées en fourmilière. A chaque coin de rue, des taupinières de coquilles de moules vides se font concurrence. Il en émane des relents nauséabonds qui se mêlent aux effluves lourds des grillades et des fritures salées et sucrées. Il faut aimer cette braderie pour être impatient de replonger dans ce bain de chineurs tous les premiers weekends de septembre. Quoi qu’il en soit, j’ai réussi à ne pas dépasser le budget que je réserve pour cette manifestation. Il me reste même douze euros sur les cinquante mis en tirelire mois après mois. Je m’autorise deux minutes pour extraire mes trouvailles du sac à dos : le lot de cartes postales, un vieux fouet de cuisine à manivelle, un binocle et un petit gobelet en faïence de Gien…4 coups de cœur. J’abandonne tout sur le plan de travail de la cuisine, je lave mes mains noires de la poussière de tous les stands que j’ai fouillés et je m’écroule toute habillée sur mon lit.