5
Le lendemain – 9h30 – salle des archives de l’état civil – mairie de Vaux-sur-Mer.
- Bonjour. Vous me reconnaissez , je suis passée hier. Je poursuis mes investigations généalogiques et dans ce cadre je recherche des informations sur un certain Martin qui était gardien au phare de Cordouan. Il se prénommait Régis et il avait vingt-huit ans en 1929.
- Je crains de vous être totalement inutile. Vous devriez aller au Verdon, c’est là qu’il y a le musée du phare de Cordouan, ils ont peut-être des registres. Vous avez une navette à Royan qui traverse l’estuaire, avec un peu de chance, vous y serez dans une heure. Ça vous coutera 6 euros 60, pas la peine d’embarquer la voiture, le musée est au phare de Grave, pas très loin de l’embarcadère d’arrivée. Vous en avez un qui part dans vingt minutes. Le musée n’ouvre que l’après-midi à partir de 14h.
- Merci. Où prend-on le billet pour le bac ?
- A l’embarcadère, au guichet, n’ayez crainte, c’est bien indiqué. Si vous êtes en voiture, remontez l’avenue Pontaillac vers la droite quand vous dépassez la mairie, garez-vous le long de la jetée, vous serez à deux pas de l’embarcadère.
- Au revoir et encore merci pour ces informations.
Je ne sais pas si mon énigme va aboutir là-bas, mais je ressens une certaine satisfaction de constater que ma recherche avance.
J’ai grignoté un sandwich sur un banc face au phare de la pointe de Grave. C’est là que se situe le musée, dans les deux petites maisons qui flanquent la tour du phare. J’y entre dès l’ouverture à 14 heure moyennant un ticket à trois euros. Dans la salle principale, des tables vitrines exposent des ouvrages, des plans, diverses archives sur le phare de Cordouan. Dans des armoires vitrées, des objets de marine côtoient des photos anciennes ou récentes, des dessins du phare au XVIème, XVIIème, XVIIIème siècle, les premières photos au XIXème et XXème siècle, des poésies, des livres, de nombreuses maquettes….Une vitrine est consacrée aux gardiens du phare. A partir de 1948, ce sont souvent d’anciens marins qui deviennent ainsi fonctionnaires. Peu instruits et surtout sans formation spécifique, ils apprennent le métier sur le tas, seuls les passionnés de la mer y font une longue carrière. Quelques photos de visages burinés par le soleil et les embruns illustrent des archives administratives diverses. Quant au phare lui-même, je découvre son histoire sur des panneaux qui se succèdent le long du mur qui fait face à l’entrée. Je me prends vite d’intérêt pour les différents épisodes de sa construction. Cela semble débuter en 1360 par l’édification d’une tour flanquée d’une chapelle. Cette modeste tour de seize mètres de hauteur à base polygonale au sommet de laquelle les ermites entretenaient un feu de bois. En 1582, la construction du phare actuel débute au côté de la tour en ruine. De restaurations en améliorations, le « Versailles de la mer » culminera à soixante-sept mètres et sera équipé d’une lanterne Fresnel puis par une lampe de six mille watts portant à quarante kilomètres, toujours en activité pour protéger les marins des dangers de l’estuaire. Un dernier panneau met en lumière « l’ile sans nom », un banc de sable apparu en 2009 au Nord-Est du phare et actuellement colonisée par une maigre végétation.
Je reviens sans m’attarder à la vitrine des archives. J’y repère un registre des gardiens de phare. Il est ouvert à la page 154, année 1960, mois de mars du 21 au 31 : je peux y consulter le relevé de la météo, le contrôle et l’entretien de la lanterne, les évènements marquants de la journée, l’identité des gardiens. La vitrine est fermée à clef, pourtant il y a peut-être dans cet imposant carnet une trace de Régis. Je me dirige vers le gardien du musée. Comment vais-je pouvoir le persuader d’ouvrir la vitrine et de me laisser consulter le registre ?
Annotations