4 - Alexie
Bien sûr, il avait travaillé pour HYDRA. Pendant longtemps. Après tout, l'organisation l'avait sorti des rues, l'avait entrainé et lui avait offert plus qu'il n'aurait pu l'imaginer à l'époque. Alors, oui, tout ceci avait un prix, mais vraiment jusqu'à maintenant ça ne lui avait pas paru si mal. S'il fallait tuer pour pouvoir être nourri, alors soit. S'il fallait voler pour être habillé, alors soit. S'il fallait espionner pour être payé, alors soit. Il n'avait jamais posé de question, avait toujours tout accepter les yeux fermés, et ne s'était jamais retourné sur ce qu'il avait fait.
Puis il avait rencontré Bucky. Le Soldat de l'Hiver. Et là son monde entier avait semblé basculer sur son axe. Le Soldat sortait d'une énième séance de lobotomie et s'apprêtait à être remis en stase quand il l'avait vu pour la première fois. Il avait le regard mort, la mâchoire pendante, le pas mal assuré. Il faisait peine à voir, et pourtant il pouvait sentir sa puissance.
Plus tard, il l'avait revu. Lui, et les autres Soldats créés par la suite. Puis lui-même était devenu une sorte d'"Amélioré" quand il s'était fait injecter un dérivé du sérum de super-soldat* ; alors il avait commencé à travailler avec Bucky sur des missions, quand l'hydre le réveillait. Et enfin, il y avait eu les Quatre.
Ayant grandi et vécu au sein de l'organisation pendant des années, Brock n'était plus surpris par certaines demandes qui en auraient dérouté plus d'un. Plus, il les comprenait. Il comprenait bien qu'une fois le sérum injecté, il faudrait étudier son effet sur son ADN. Il comprenait aussi que le projet de l'Armée de l'Hiver n'était qu'une phase bêta, et que si des enfants pouvaient naître avec des capacités hors-normes ce serait entièrement bénéfique.
Il était encore jeune, même pas 25 ans, et il avait produit un enfant pour satisfaire l'hydre, pas que ça le dérange principalement. Une fille, elle aussi. Il ne s'en était jamais occupé, ne l'avait en fait jamais vu, et il l'avait finalement oublié. Il était retourné à ses missions, avait continué à servir d'encre et de garde-fou aux Soldats chaque fois qu'ils étaient réveillés. Il continuait à vivre, simplement, s'informant en écoutant les bruits de couloirs.
Il était déjà en infiltration au S.H.I.E.L.D. quand les jumeaux avaient été lancés contre les Avengers en Sokovie*. Les Maximoff. De braves gosses qu'il avait vus une ou deux fois, jamais en dehors de leurs cellules.
C'est là qu'il avait compris, qu'il s'était souvenu. Si les jumeaux étaient sortis, alors HYDRA ne tarderait pas à lâcher d'autres de ses créations. Il avait donc commencé à éviter les ordres, s'était fait moins zélé lors des missions, et avait fait ses recherches. Il s'était souvenu de sa fille, et des trois autres filles reposant et grandissant dans les griffes d'HYDRA.
Le petit tête-à-tête avec les Avengers et la Maximoff au Nigeria* n'était pas prévu, et Brock s'en serait largement passé s'il l'avait pu. Il lui avait fallu un temps fou pour se remettre de l'explosion, et il était déjà bien heureux d'avoir survécu alors qu'il ressemblait à une version low-cost de Freddy les griffes de la nuit. Mais il avait survécu, dans l'ombre, à l'insu de ses maîtres, et c'était le principal.
Par la suite, il avait récupéré les preuves accumulées, tout son savoir issu de longues recherches et de nombreuses années passées au sein de l'organisation. Il avait traqué les Avengers, ce qu'il en restait, la nouvelle équipe. Il avait retrouvé Bucky commençant tout juste à se remettre de plus de 70 ans de lobotomies. Il avait pu lui parler, le prévenir, éveiller des souvenirs.
Les Héros n'étaient pas tous des enfants de chœur, et il l'avait appris à ses dépens, mais finalement... Ils lui avaient laissé une chance, une seule. Il avait rejoint l'équipe de manière provisoire, une phase test : La Recrue. Et pendant que les autres cherchaient à faire tomber l'organisation, lui cherchait à savoir ce qui se tramait, quels monstres l'HYDRA réveillerait bientôt.
Aussi ne fut-il pas surpris de l'embuscade, ni n'esseya-t-il d'y échappé. Car c'est au cœur du camp ennemi que l'on trouve les informations les plus importantes, et il en était persuadé : les quatre seraient bientôt libérées.
oOo
« Debout là-dedans ! » S'exclama une voix chantante. Elle fut suivie d'un coup de pied dans l'estomac, puis d'une certaine quantité d'eau bouillante sur la peau déjà brûlée de son visage. Non, vraiment, Brock avait connu mieux comme réveil. À bien y réfléchir, il avait connu pire également.
Alors qu'un bâillon (surement un vieux morceau de tissu, vu le goût) étouffait les cris de Brock, l'étouffait tout court d'ailleurs, la voix reprit :
« Alors Rumlow, ça faisait un bail dis-moi. Il paraît que tu nous fais des petites infidélités, hum ? (Silence, puis un coup, porté du revers de la main, sur le côté gauche du visage de sa victime.) Regardes-moi quand je te parle ! »
Brock releva la tête autant qu'il le put. L'enfoiré n'y avait pas été de main morte. Et pourtant ça ne faisait que commencer, il le savait. Alors que jusqu'à maintenant il était affalé au sol, il sentit quatre grandes mains le prendre par les bras pour l'assoir sur une chaise en fer et lui attacher les membres avec de grosses chaînes.
« Rumlow, Rumlow, Rumlow... (Soupir exagérément dramatique. Puis, comme s'adressant à un jeune enfant.) Tu nous as terriblement déçus, tu sais. Après tout ce qu'on a fait pour toi, et après avoir passé autant d'années avec nous, on pensait vraiment que tu avais compris. (Lui attrape la mâchoire entre son pouce et son index, le regarde droit dans les yeux.) On. Ne. Trahit. Pas. HYDRA ! »
Après ces derniers mots, l'homme que Brock n'avait toujours pas reconnu (en même temps allez reconnaître quelqu'un quand vous voyez à moitié flou et que vous avez la sensation que votre visage est en train de fondre, et on en reparlera) l'homme, donc, lui tourna le dos pour s'approcher de la grande porte en acier trempé qui faisait face au captif. Il y avait un vieil établi en bois que Brock identifia vaguement près de la porte.
L'homme s'arrêta devant, passa la main par-dessus plusieurs fois, semblant caresser du doigt quelque objet posé dessus, puis se retourna vers Brock avec un sourire qui lui aurait donné des frissons s'il avait pu le voir.
Sa voix pris un accent obsessif teinté d'une joie malsaine.
« Je n'ai pas beaucoup de temps à te consacrer Brock, c'est que je suis un homme très occupé, tu sais. Tu devrais d'ailleurs te sentir honoré que je sois venu t'accueillir en personne. Mais ne t'inquiète pas, je ne voudrais pas être un hôte trop négligent alors je ne permettrai pas que tu t'ennuies : tes deux nouveaux amis ici présents (désigne les deux hommes postés de part et d'autre de Brock, un pas derrière lui) vont te tenir compagnie. (Lui tourne à nouveau le dos, puis ouvre la porte dans un bruit monstrueux. Lance par-dessus son épaule) Tu vas voir, ce sont de véritables musiciens Brock. Des virtuoses qui font chanter le corps humain, des génies dans leur art ! »
Et avec cela, il sortit de la pièce, disparaissant dans les ombres d'un couloir sans fin avant que la porte ne se referme dans un écho assourdissant qui sembla figer le temps pendant quelques instants. Brock n'entendit plus que sa respiration sifflante à cause de la douleur, et le sang qui battait dans ses tempes. Son souffle était un peu chaotique, et il ferma les yeux afin de reprendre contrôle de son corps. Il y était presque parvenu lorsqu'un coup venu de sa droite faillit lui décrocher la tête.
Les bourreaux avaient commencé à jouer.
Pendant plusieurs minutes, on n'entendit plus que les cris de Brock et les bruits de la chair qui claque contre la chair. Rien de sensuel, non, juste un passage à tabac dans les règles de l'art. Quand tout s'arrêta, les deux agents d'HYDRA se reculèrent afin d'observer leur œuvre : Brock avait une arcade ouverte d'où s'écoulait un large filet de sang, une pommette éclatée (un hématome violacé se formait sur la seconde), son nez avait dévié de trajectoire, et quelques dents s'étaient fait la malle. En bref, il était sacrément amoché.
Les deux hommes se sourirent mutuellement avant de se diriger vers l'établit. Ils y récupèrent des outils que l'on s'attendrait à voir entre les mains de menuisiers, de plombiers ou de mécaniciens. Mais c'est à un tout autre genre d'artisanat qu'ils se préparèrent alors qu'ils avançaient tels des hyènes vers la plaie vivante qu'était leur prochain repas.
oOo
Le soir trouva dans la cellule les restes d'un individu qui avait regardé la mort droit dans les yeux sans jamais la toucher. Brock était étendu sur le sol entouré de vêtements en lambeaux et de lambeaux de peau. Son sang avait visiblement servit à repeindre la pièce, la chaise qui l'avait accueilli reposait dans un coin, et les lourdes chaînes qui lui avaient servi d'entraves, ainsi que les divers instruments utilisés par ses bourreaux étaient éparpillés un peu partout.
La porte s'ouvrit dans un grincement sinistre, un faible rail de lumière venu du couloir détacha le corps de la pénombre de la pièce.
« Oh, père... »
Une silhouette entra dans la pièce armée de linges et de quelques produits de soin. La jeune femme s'agenouilla devant Brock, caressa les quelques mèches de cheveux restantes, puis s'appliqua à essuyer autant que possible le sang qui avait commencé à sécher sur la peau.
Lorsque toutes les serviettes et tissus furent souillés, une nouvelle ombre se détacha dans le faible éclairage de la pièce.
« Alexie ? (La jeune fille agenouillée se tourne vers la nouvelle venue.) Je t'ai apporté une bassine d'eau pour le nettoyer. (Lance un regard incertain au corps immobile.) Est-ce qu'il va s'en sortir ? Megalia surveille les trois autres, veux-tu que je demande à Morgan de venir t'aider ? »
La-dite Alexie regarda Brock un instant, elle semblait réfléchir. Puis elle lui caressa la joue légèrement, à peine un effleurement, avant de récupérer les linges qu'elle trempa dans la bassine dont l'eau changeait doucement de couleur.
« Ça ira Sélie, ne t'en fais pas. » Répondit-elle tout en essorant une serviette, avant de se remettre à essuyer le sang sur le corps de l'homme inconscient.
Alors Séléna sortit, et Alexie fut de nouveau seule avec son père en bien piteux état. Lorsqu'elle eu fini d'enlever le plus gros du sang, elle commença à désinfecter, recoudre et bander les plaies lorsqu'elle le pouvait. Bien sûr, certaines blessures ne pouvaient pas être traitées, pas ici, pas maintenant. Les os cassés devraient attendre.
Le tableau était triste à voir, et sans le dérivé du sérum qui l'avait déjà maintenu en vie après l'épisode "bombe humaine" au Nigeria, Brock serait déjà mort depuis très, très longtemps.
Alexie le regarda une dernière fois, puis soupira en secouant la tête avant de faire ce pour quoi elle était vraiment envoyée. Sous quelques serviettes à peu près propres, elle récupéra de quoi rhabiller l'homme. Cela lui prit du temps, mais elle y parvint à force de gestes doux mais fermes : elle avait dû faire preuve de prudence pour ne pas rouvrir les plaies ou aggraver les fractures.
Cela fait, elle porta le corps comme s'il n'était pas plus lourd que celui d'un jeune enfant et sortit de la cellule, indiquant d'un signe de tête à Séléna, qui montait la garde jusque-là, qu'elle pouvait nettoyer la salle de torture ou du moins tout ce qui avait servi à soigner.
Sa charge dans ses bras, elle disparut dans les ombres du couloir, ramenant l'homme rejoindre ses trois compagnons dans une cellule vitrée.
oOo
Lorsqu'il se réveilla, Brock s'étonna de simplement pouvoir le faire. Il s'était pourtant senti partir plusieurs fois lors de la petite séance de divertissement (leur terme, pas le sien). Il ne se souvenait pas de tout, il avait perdu connaissance plusieurs fois et il ignorait combien de temps cela avait duré. Il se souvenait simplement de la fin : l'homme était revenu, il lui avait parlé sans que Brock ne comprenne un seul de ses mots, puis il avait été plongé dans le noir.
Maintenant, il n'osait plus bouger. Il ignorait où il se trouvait, sinon qu'il faisait face au coin d'une quelconque pièce ; son corps lui faisait mal et il craignait de rouvrir les plaies qu'il savait sommairement bandées. Derrière lui, il pouvait entendre des conversations basses dans une langue qu'il ne comprenait pas. Il avait déjà compris qu'il n'était plus sur le sol américain, mais à entendre les accents et sonorités il aurait parié sa main qu'il se trouvait à présent quelque part en Asie.
Ne pas bouger, faire le mort, ne pas attirer l'attention, se faire oublier. Un guide de survie simple qu'il mit en application immédiatement. Dans son immobilité, son corps encore faible finit par s'engourdir puis s'endormir.
Il s'éveilla à nouveau pour découvrir que les voix incompréhensibles avaient été remplacées par celle d'une jeune fille. De deux jeunes filles en fait. Il bougea un peu pour se retourner et grogna sous la douleur, puis il ouvrit les yeux pour se rendre compte qu'il avait attiré l'attention des jeunes femmes. Sa vision était encore un peu floue, et sa bouche complètement pâteuse (en plus il lui manquait des dents), mais il parvint tout de même à articuler : « Alexie... Morgan... »
Il aurait pu les reconnaître les yeux fermés. Quand il avait commencé à faire des recherches sur les Quatre, il avait eu l'occasion de les rencontrer. Plusieurs fois. Morgan avait été élevée comme une tueuse : elle était la fille du premier Soldat de l'Hiver après tout. Alexie, elle... Elle était sa fille, celle qu'il avait oubliée, évitée pendant si longtemps. Elle avait compris. Elle avait pardonné. C'était très probablement elle qui avait essayé de limiter les dégâts que son corps avait subis.
« Brock » salua doucement Morgan avec un hochement de tête. « Tu es moins en forme que la dernière fois (sourire en coin). Mais je suis contente que tu ne sois pas tout seul ici. (Lance un regard vers le reste de la pièce.) Ils vont avoir besoin d'explications, surtout Stark et Rogers. Megalia m'a dit que Stark était presque catatonique après son passage. »
Brock échappa un ricanement avant de siffler de douleur quand ses côtes cassées se rappelèrent à son bon souvenir.
« Essaye de contrôler ta respiration. Et évites de rire, aussi. J'ai essayé de te réparer mais il va falloir attendre de sortir d'ici pour s'occuper de tes côtes et autres os cassés » lui expliqua sa fille.
La jeune femme ne semblait pas avoir plus de 18 ans. Elle avait les cheveux d'un noir profond et les yeux vairons qui ressortaient sur sa peau mate. Son apparence froide et menaçante s'adoucit lorsqu'elle posa les yeux sur son père. Un sourire presque invisible prit place sur ses lèvres et elle s'approcha de la vitre qui la séparait des prisonniers.
« Reposes-toi encore un peu, père. Le Soldat est déjà au courant, mais les choses risques de bouger assez vite d'ici peu de temps.
— Les quatre sont réveillées hein ? » Murmura Brock.
Les deux jeunes filles sourirent, et ce fut suffisant pour qu'il ait sa réponse.
« L'une de nous viendra vous chercher lorsque le moment sera venu. En attendant, essaie de ne pas trop bouger. »
Et comme si ses mots avaient l'effet d'une formule magique, Brock senti ses paupières s'alourdir et, toujours couché sur le dos, il tourna de nouveau la tête vers le mur avant de se rendormir, épuisé et blessé.
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« Il s'était fait injecter un dérivé du sérum de super-soldat » : ALORS ! Je ne sais pas si Rumlow fait partie des sur-humains, alter-humains, améliorés ou autres dans l'univers Marvel que ce soit dans les comics, les séries animées ou le MCU. Je sais juste qu'il y a d'autres Soldats de l'Hiver, qu'ils se sont fait injecter des dérivés du sérum d'Erskine, et qu'il ne serait pas surprenant que Rumlow aie également subit ce genre de transformation.
« Les Avengers en Sokovie » : référence à Avengers : l'Ère d'Ultron.
« Le petit tête-à-tête avec les Avengers et la Maximoff au Nigeria » : référence au début du film Captain America : Civil War. Sauf si je ne suis vraiment plus à jour dans mes connaissances du MCU, cet incident (dans lequel Brock Rumlow a.k.a. Crossbones commet un attentat-suicide, et où Wanda Maximoff a.k.a. la Sorcière Rouge l'envoie exploser dans un immeuble civil) se déroule peu de temps avant la ratification des Accords de Sokovie. J'ignore si le MCU tue Rumlow (comme on ne le voit plus après j'en déduit que oui), mais comme je l'aime relativement bien et que c'est un déroulement déjà vu dans plusieurs fanfic' j'ai décidé qu'il survivait à l'explosion (Bucky à bien survécu à un saut de l'ange dans la neige, alors...)
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