Ecriture
Un adolescent m'a demandé un jour (dans le tram) comment j'arrivais à lire un si gros livre. Je lui ai répondu : « mot après mot, phrase après phrase ». À mon sens, il en va de même pour l'écriture. Mot après mot, phrase après phrase, idée après idée. Je me laisse porter, je teste, je tâtonne et je regarde le potentiel se développer. Je serai bien incapable d'affirmer combien de pages prendra mon histoire finalisée. Pire, j'ignore toujours comment cela va s'achever ; tout au mieux, j'ai certaines pistes en têtes, certaines envies.
Cependant, écrire n'est jamais une ligne parfaitement rectiligne qui se trace d'une traite et d'une seule vitesse. Ce sont des montagnes, des dents de scies, des gouffres et des allers-retours. J’ai une idée qui me plaît, je la note, qu'importe si elle ne peut pas encore se rattacher à ce qui est déjà écrit. Il faudra raccorder et, surtout, faire concorder, car le récit évolue et se précise au fil de l'écriture.
Exemple de concordance : dans mon deuxième roman, mes personnages étaient plus ou moins en place, les enjeux périphériques encore flottant avec tout ce que cela impliquait de modification à survenir et l'univers très banal. Déjà sur le chapitre suivant l'un de mes personnages, j'ai décrété qu'il pleuvait. La météo, ça nécessite de vérifier la chronologie des actions pour qu'il fasse un temps similaire auprès de deux personnages au même moment, même si le deuxième personnage traité vit son aventure deux chapitres plus loin. Le même jour, il fait le même temps dans une zone géographique proche. Il m'a fallu vérifier, ajouter quelques mots et m'assurer que cela n'impactait pas les événements. Puis, j'ai eu une illumination pour l'environnement. Les Territoires où se déroulait l'histoire devinrent souterrains, avec une gestion de la lumière à penser, une faune et une flore en conséquence et tous les chapitres précédents à relire, quitte à rajouter des descriptions.
Qui dit monde souterrain, dit aussi termes à inventer ou à chercher. Dit aussi, réfléchir au fonctionnement de la civilisation, à ses interactions extérieures (qui ont une importance dans l'œuvre en question).
Raccorder deux passages, c'est également prendre le temps de réfléchir et construire les liens de causalité. Remplir les blancs sans perdre le lecteur ni l'ennuyer, car, si blanc il y a, manque d'inspiration aussi ! J'entends par « blanc » le saut dans le temps, l'espace et/ou l'action involontaire. Celui qui, bien rempli, apportera des événements que l'on souhaite faire figurer : le comment ou le pourquoi du déplacement. Une phrase succincte peut suffire : « le mois passa d'un mortel ennui, entre révision et cours. »
Que faire lorsque le blanc demeure ? Pire encore, lorsqu'il se remplit d'idées pas mauvaises, mais tout de même laborieuse à rédiger ?
Le temps est l'outil primordial du créateur de tout poil.
Laisser l'esprit divaguer, flotter et jouer d'associations avec d'autres histoires, des dessins, des concepts, sans le contrôler. Et un jour, le déclic vient, “Tiens : et si ?” Et soudainement, les semaines de doutes et de frustrations s'effacent. Retirés aussitôt les paragraphes contraints, remplacés par une prolixité renouvelée et un nouvel entrain. Si la contrainte d'une date peut me motiver et me forcer à écrire, elle ne peut m'aider à remplir un blanc. Impossible à savoir quand il s'en ira.
En revanche, je peux tendre des perches symboliques à ma créativité. La cadrer un peu pour la libérer. Pour cela, les outils d'aide à la création d'histoire se mettent à devenir utiles. Non seulement je ne les connais pas tous, mais je n'en utilise que quelques-uns.
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