Chapitre 2 (2)

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Dès que le silence envahit la maison, Elias s’extirpa de sa chambre pour redescendre dans la pièce de vie. L’odeur de la viande grillée flottait dans les airs. Il se sentait plus seul que jamais. Son pied glissa sur quelque chose. Il ne devait pourtant plus y avoir de valise au pied des marches ? Il se baissa lentement et récupéra une feuille de papier. Avant de l’ouvrir, il s’assit sur son tabouret et faillit tremper le papier dans le morceau de viande qui reposait toujours dans son assiette. Sa mère le connaissait bien. Elle savait qu’il allait descendre après que son père serait parti pour finir son plat. C’était encore tiède, elle l’avait réchauffé pour lui, juste avant de partir.

Ses doigts ouvrirent d’abord le message plié en deux. Un bruissement de magie se fit entendre puis la voix de sa mère s’écoula. Elias ouvrit en grand toutes ses oreilles pour saisir le message, il ne pourrait pas le réécouter.

—Si la situation sur Nelor venait à se dégrader et que nous ne soyons toujours pas rentrés, retrouvons-nous au port de Z. Nous y prendrons un navire pour aller sur Swirith. Au pire des cas, nous irons à l’ouest. N’oublie pas de manger.

Elle n’avait pas signé, c’était inutile. C’était comme si elle s’était trouvé là pour lui délivrer ses instructions. Ses inquiétudes étaient ridicules. Il ne se passait rien sur Nelor. Rien à part ces quelques trous apparut à l’extrémité est. Le gouvernement réussirait bien à les reboucher et ce serait réglé.

Elias mangea sa part mécaniquement. Il abandonna l’assiette dans la vasque, se disant qu’il pourrait bien la laver demain. Ce n’était pas comme si ses occupations personnelles allaient lui prendre tout son temps… Le temps défilait à une allure si lente, tellement lente. Il n’aspirait qu’à ce que la nuit se couche pour aller dormir. Au moins, il ne pensait pas quand il dormait.

Il grimpa les marches jusqu’au dernier étage : l’atelier de son père. Elias ouvrit la porte avec précaution et s’y aventura pas à pas, pour ne pas risquer de faire chuter un objet ou pire de marcher sur quelque chose de fragile. Plus jeune, il adorait se percher là des heures entières, le nez rivé dans le télescope qui permettait de voir à des lieues à l’aronde. Cette passion lui avait été ôté en même temps que la vue. Ne lui restait que l’observatoire. Il tira un tabouret à lui, au centre de la pièce et y grimpa. Trop court. Il redescendit pour le replacer au bon endroit et sa tête passa pile dans l’observatoire de verre. Ses mains débloquèrent la paroi qui coulissa pour laisser entre l’air. Pas de vision du crépuscule. Pas de belle vue sur la ville et ses rues sineuses. Non, rien que le souffle du vent frais frappant ses joues. Les cris des oiseaux et des volatyls dans le ciel. Le craquement des demeures alentour qui oscillaient doucement.

Elias huma l’air, chargé de l’odeur de magie de perles noires utilisées, comme une odeur de charbon brumé. Il sentait aussi un mélange de gyphnée, sans doute rapportée par un marchand exotique. Son nouveau jeu était d’étendre son ouïe le plus loin possible, comme s’il pouvait entendre les paroles des passants ou celles plus rares des animaux en bordure de la forêt. Il ne savait pas si tout ce qu’il entendait était réel, peut-être que son esprit ne faisait qu’inventer ce qu’il fabulait.

Soudain, quelque chose explosa.

Le bruit perça ses tympans qui sifflèrent aigu. La secousse le fit tomber de son tabouret et il s’étala au sol. Bon sang, qu’est-ce que c’était ? Ça avait l’air tout proche, au niveau de la place centrale et de la statue du mage originel. Vite, les Volatyls allaient envoyer l’information, il fallait qu’il en attrape un pour savoir ce qu’il s’était passé. A l’aveuglette, il repositionna le tabouret et y grimpa à nouveau, ignorant la douleur sourde dans sa cuisse. Dans la précipitation, sa tête cogna contre le plafond. Elias grogna et dût s’y reprendre à trois fois avant d’être de nouveau en position. L’air avait changé d’odeur : celle de la fin du monde. L’ambiance était électrique. Le calme de la rue avait disparu, remplacé par une agitation panique. Le battement des Volatyls emplit le ciel. Vu la nuée qu’il entendait, il était sûr de parvenir à obtenir l’un d’eux. Enfin presque. Ce serait tellement plus facile s’il voyait…

Il tendit ses deux mains en l’air et agita ses bras dans l’espoir d’en attraper un avant qu’il ne glisse sur le toit. Il n’eut pas à attendre bien longtemps que sa main empoigna l’un d’eux. Pas au bon endroit. Sa main s’entailla sur le bec pointu et il redescendit enfin sur le sol.

Il fallait maintenant déchiffrer le message. L’audio qu’avait utilisé sa mère coûtait cher et n’était pas souvent utilisé. Il allait devoir le traduire. Restait à trouver le traducteur dans le bric à brac de son père sans rien casser.

Elias soupira d’avance. Pourquoi tout était toujours si compliqué ? De rage il froissa le papier entre ses doigts avant de le déplier à nouveau à plat contre sa paume.

L’air qui passait à travers le dôme de verre s’était refroidi quand Elias parvint enfin à déchiffrer le message. La nuit était tombée. Il le sentait à l’humidité plus forte et aux bruits des chul, ces petits moineaux de nuit, qui se répondaient.

Nous, hommes et femmes de Nelor,

revendiquons l’attaque contre le portail de la statue du Maître Originel.

Nous, appelons le gouvernement à détruire tous les portails

qui détruisent notre continent.

Nous, demandons de cesser ce déni avant qu’il ne soit trop tard.

Ou nous continuerons nos actions.

Pour vous sauver. Malgré vous.

Ses parents savaient. L’évidence frappa Elias. Ses parents savaient et avaient fui avant qu’il ne soit trop tard. Et ils l’avaient abandonné ici.

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