2-2 Transmission vers l’Académie
Où pouvait être cette deuxième pièce à présent ?
Reja alluma la radio. La musique était harmonieuse, les instruments nombreux et concordants rappelaient une armée en marche. Elle contrastait avec les fados solitaires aux notes longues, profondes et mélancoliques de son système natal.
- Tu n'as pas à t'en faire.
- T'es un putain d'irresponsable.
- Je t'ai déjà dit ce qu'il en était.
- Et moi je te dis que tu peux faire confiance aux autorités.
Cette fois ce fut Strask qui roula des yeux. Reja faisait partie de cette jeune génération d'humain qui avait été élevé aux valeurs de l'Empire. Prête à accepter ce que ses parents n’ont jamais connu comme l’accès restreint aux études supérieures à cause de son sexe ou de ses origines, ou le contrôle sous identifiant.
- Les autorités, tu parles des autorités impériales. Leur état d’esprit est si présomptueux qu’ils ont décidé de diminuer le nombre de bourses délivrées pour la recherche historique. A la place le budget sur la sécurité et la recherche militaire a presque quadruplé en moins de 4 ans. Si ce n’est pas clair, on gagnerait mieux sa vie à tirer sur les Abos qu’à déterrer la richesse de leur culture.
- Tout gouvernement a ses priorités Strask. Tu n’as jamais entendu parler de la Rébellion ? Tu ne peux pas juger un système entier juste parce que tu as rencontré un mauvais officier. Tu ne penses pas qu’il suffit juste de le faire remplacer et tout ira pour le mieux. Et puis au final, quand on lit les informations, peut-être que le Sénat a jugé que le budget actuel est suffisant pour les recherches historiques.
- Mais bien sûr ! Lança Strask qui ne supportait pas l’idée d’entendre parler de l’officier Barker. Ce qu’il faut pas aimer l’histoire pour affirmer de telles choses ! Tu connais mes cursus. L’histoire constitue l’identité d’un peuple celui qui peut la manipuler devient le maître absolu des pensées. Refuser de financer des recherches historiques indiquent bien que l’Empire se moque de connaître la riche histoire de sa galaxie.
- Tu ne peux pas dire que l’Empire commet de vrais impairs. Elle n’a jamais fait de massacre de populations comme certains généraux du temps de la guerre des Clones.
- Tiens donc, et l’incident de Caamas ?
- L’incident de Caamas ? Oui, un ancien vaisseau séparatiste qui s’est écrasé sur cette planète la rendant entièrement toxique pour ses habitants. Et donc ?
- Tu ne trouves pas que c’est une coïncidence bien pratique que juste après la fondation de l’Empire, le peuple le plus pacifique et diplomate de l’univers se retrouve mystérieusement rayé de la galaxie ?
Elle sembla réfléchir un instant.
- Non pas vraiment. Elle ajouta en souriant avec toutes ses dents. Je ne savais pas que professeur Breil’lya était versé dans les théories du complot.
- Complot si ça te chante. Au moins je peux me consoler en disant que ce genre de délire de commettre des massacres ne viendrait jamais à un Bothan.
Reja souleva un de ses grands sourcils poilus.
- Et l’ar’krai ?
- Quoi l’ar’krai ?
- Ce genre de rite prône aussi le massacre de populations, non ? C’est peut-être les bothans qui sont responsables de l’incident de Caamas.
- Pas de confusion Reja, c’est beaucoup plus compliqué que cela. Étymologiquement il s’agit d’un rite basé sur la notion de dédommagement. Le terme est beaucoup plus large que ce que tu as pu habituellement entendre. Son sens moderne associé à l’idée d’une guerre totale est une sur-interprétation regrettable.
- C’est fou tout ce que l’on peut trouver comme excuses pour justifier l’horreur.
- Nous sommes bien d’accord…
Puis ils échangèrent un regard, et éclatèrent de rire. Le rituel se déroulait toujours ainsi, l’échange culturel conduisait à la mise en place de tensions. Les tensions croissaient, puis finalement un bon mot accompagné généralement d’un bon verre et tout retombait avec allégresse.
- Ça m’avait manqué ces conneries.
- Courage, si tu es innocent tu n’auras rien à craindre.
- Je sais mais c’est pas facile.
- Je n'ai pas envie d’assister à cet enterrement. Avoua-t-elle.
- Moi non plus Reja.
- Mais il était le directeur de mon équipe de recherche et pour toi ton tuteur. Même si je ne l'ai connu que 3 mois.
Oui, il était mon tuteur. Le docteur Adawi était un personnage qui, si Strask se fiait à ses enregistrements, pouvait se définir de "grand en bruit, petit en tout". En vérité Strask ne se souvenait pas d’avoir eu le moindre échange cordial et cela depuis leur première rencontre il y a de cela 6 mois environ, seulement une entente professionnelle. Tout les opposait, et il avait du mal à croire que son propre père fut le tuteur de cet être humain répugnant.
Après tout, durant leurs interactions, le docteur Adawi n’avait-il pas passé son temps à lui rappeler la grandeur de son père ? Mais aussi, à quel point Strask ne lui arrivait pas à la cheville, tout comme son père ? Ou bien même que son père n’avait pas su reconnaître son génie car il était raciste ?
Tout cela avait commencé bien simplement. Le jour de son arrivée, après quelques cours en amphithéâtre, il avait démontré devant un conférencier renommé et un large public ses capacités. Ce renommé conférencier était le docteur Adawi. Puis lors de leur première entrevue professionnelle, le docteur Adawi était arrivé en retard sans s’excuser tandis que Strask de son côté avait cherché à tout prix à arriver à l’heure quitte à se perdre en cherchant le bureau dans cette université où la direction restait piètrement indiquée. Les chercheurs et les étudiants l’avait pris de part ses origines pour un nouveau membre du personnel ménager. Strask s’en souvenait bien. Tout cela restait si cuisant en mémoire.
L’entente présente entre eux ne demeurait pas cordiale. Malgré divers rendez-vous, le talent et le savoir indéniable de Strask, le docteur Adawi, de part son caractère âgé, semblait difficile à plaire. Le discours pour la conférence que devait présenter le docteur Adawi sur leur recherche avait été entièrement rédigé par Strask ; la traduction de l’holocron, les interprétations, le vocabulaire, la syntaxe, la mise en scène, tout avait été réalisé pour au moins 99 % par Strask. Le docteur Adawi avait de son côté apporté quelques dernières corrections. Ces apports, le docteur Adawi les avait lu avec un rictus entendu à Strask. Mystérieusement, à part son nom qui n’était plus cité, tout le reste était resté identique. A la place, le docteur Adawi avait transformé certaines de ses phrases en une perpétuelle emphase à son avantage. Ravalant avec difficulté sa fierté, exténué de ses nuits blanches à préparer la conférence et conclure ses analyses, Strask s’était imaginé en train de lui fracasser le crâne à coups de batte et de plonger son grand corps tordu dans les laves les plus sombres de Mustafar.
Concernant ses relations à son environnement, le docteur Adawi constituait un spécimen particulier même pour un humain. A l’échelle universitaire, il se vantait d'avoir acquis de nombreuses twi’leks, c’est-à-dire dans le jargon universitaire de Coruscant, des jeunes étudiantes avec qui il couchait. Une pratique, une tradition, partagée par ses vénérables collègues. Dans le bureau principal de chaque secteur, le rideau comportait des replis. A la fin du mois, il fallait compter les replis pour savoir quel secteur avait été le plus séducteur.
A l’échelle de son équipe de recherche, il vantait le mérite du chef de la division de terrain : le docteur Aphra. C’était son équipe qui avait découvert l'holocron. Tout particulièrement, il ne cachait pas son admiration sur la façon dont le docteur Aphra parvenait à rester concentré sur ses recherches, et ne s’abaissait pas à être ralenti par sa vie de famille, ne les voyant quasiment jamais. Une déclaration qui avait hérissé la fourrure de Strask. Pauvre famille, j’espère qu’il n’avait pas d’enfant. Pour sa part, peut-être était ce parce qu’il était Bothan, mais Strask considérait que la famille constituait une valeur clé de son identité. Jamais au grand jamais en dépit de son travail, il ne chercherait volontairement à s’éloigner de sa famille. Voilà tout du moins ce qu’il expliquait à Reja. Mais tout cela Strask ne souhaitait pas l’affirmer en réponse pour ne pas s’attirer les crises de colère du docteur Adawi.
A un niveau galactique, le docteur Adawi était renommé dans l'Empire d'où quelques privilèges en tant que directeur du secteur historique de l’Académie de Coruscant qui n’avait pas été conservé au contraire de tant d’autres directeurs de recherche historique à travers l’univers. Son portrait avantageux figurait sur les manuels d'histoire destinés aux jeunes têtes humaines de l'Empire. Avec allégresse, il bourrait les crânes de ses dernières interprétations révolutionnaires tant sur les bancs de l'académie que les sièges flottants du Sénat.
Sa réputation, ses manuels , jusqu'où allaient-ils ? Dans le système Both, il n'avait jamais eu l'occasion d'en lire un. Qui sait à Corellia, à Naboo, à Mandalore ou encore à Alderaan, combien de jeunes filles, combien de jeunes garçons, n'ayant jamais connu la République, étaient alimentés à travers un ton péremptoire et une pédagogie transmissive les élucubrations on ne peut plus fâcheuses selon laquelle l'histoire de la galaxie jusqu'à ses derniers recoins aurait été une longue tirade rédigée d'une vigoureuse main humaine dont seuls quelques virgules incidents aliens venaient en menacer sa beauté immaculée.
Une main vigoureuse mâle et virile expliquant par ailleurs pourquoi dans un système de mérite où le mérite serait accessible à tous certains devaient effectuer en raison de leur nature profonde plus d'efforts.
Ces fameuses interprétations aussi étonnantes soient elles dataient déjà de l'ancienne République, reposant elle-même sur des pensées humaines qui remontaient à la fin de l'ancien ère. A la faveur de la chronologie et de décisions des autorités, ses idées occupaient désormais une place prépondérante dans cette société bien actuelle. C’est ce que l’on appelle une illustration de l’historiographie, dictait Strask à son comlink.
Pourtant malgré toutes ses qualités, Strask se souvenait de leur dernier échange aussi clairement que s’il avait eu lieu ce matin. La dernière fois, environ une semaine auparavant, le docteur Adawi lui avait paru plus bothan qu’à l’ordinaire. Une politesse plus présente du fait, d’une anxiété palpable, celui-ci avalait à intervalle régulier sa salive, il ne rasait plus son visage laissant apparaître une toison de nourrisson, et il négligeait de mettre son parfum habituel d’où une odeur sénile et moisi qui se dégageait de sa carcasse et de son haleine. Le docteur Adawi lui présentait le résultat les plus avancées de ses recherches. Il ne lui avait pas caché son inquiétude, il affirmait qu’il se sentait suivi, mais Strask peinait à le croire. Lors de cette rencontre, Strask ne parvenait pas à le prendre au sérieux éprouvant d’autant plus de difficultés qu’il regrettait encore que sa contribution dans cette équipe de recherche si prestigieuse soit à ce point minimisé. Après tout, les recherches qu’il avait présentées en dehors d’une reformulation plus académique ne différait pas des résultats des recherches du docteur Adawi.
Ça va marcher, ça va marcher… lui avait-il affirmé à plusieurs reprises quand il lui faisait part de ses interprétations concernant ses recherches sur l’holocron. Puis, d’une main fébrile et encroûtée le docteur Adawi lui avait confié une partie de l’holocron lui intimant l’ordre de le cacher au mieux de ses capacités et de n’en parler à personne.
Bien entendu, Reja ne connaissait pas tout cela, pas en détails tout du moins, tout comme les autorités. En tant que stagiaire elle n’avait que l’image idéalisée de cet homme, réduite aux tâches les plus ingrates comme la relecture ou l’apport de boissons chaudes, ce dont elle ne se plaignait jamais. Reja, jamais je ne pourrai te dire quelles affreuses remarques il a tenu à ton propos, on aurait dit un Hutt la langue pendue. J’en ai mal au cœur rien que d’y penser.
– Strask ? Yohoo, sur quelle Lune es-tu ? Nous sommes presque arrivés.
– Désolé. J’étais dans mes pensées. Je ne suis pas mécontent de retourner dans un espace où je pourrais reprendre tranquillement mon travail.
Ils avaient quitté le quadrant D-3 comme le suggérait avec élégance la signalisation quadricolore, le trafic si intense naguère paraissait avoir diminué en intensité. Les grands immeubles se faisaient plus rares. A présent, se dégageaient les colonnes encadrant l’entrée gigantesque de l’académie d’Histoire de Coruscant. Les speeders étaient arrêtés le long de la bordure laissant un flot d’élèves et de chercheurs se déposer en grappes multicolores de oi-oi.
Bientôt, il rejoindrait ses groupes avec Reja, ils rencontreraient le proviseur de l’université et partiraient assister à la cérémonie. Il demanderai à Reja quelques conseils pour savoir comment se comporter de façon décente. Puis, il se ferait discret et le plus respectueux possible. Strask sortit son comlink pour enregistrer la déposition de son arrivée.
- Qu’as-tu Strask ? Pourquoi tu cries.
- Je ne crie pas ! Affirma Strask, réalisant soudain qu’il avait bel et bien crié sans s’en rendre compte.
- Il est là. Ajouta-t-il.
- Qui ?
- L’officier Barker !
En contrebas, l’officier Barker fixait avec un silence intéressé les entrées et sorties des vaisseaux. Sous sa casquette d’apparat militaire, son œil vitreux et brillant reflétait la lumière du soleil. Derrière ses bras croisés, des stormtroopers commençaient à interroger et à repousser des étudiants. D’ici, Strask croyait presque discerner sur son visage glabre son sourire mauvais plus épicé que son Kothri natal.
Bonjour Professeur Breil’lya… Comment allez-vous professeur Breil’lya...
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