3- Une mauvaise réception

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Enregistrement audio – Strask Breil’lya, étudiant chercheur, second degré, spécialité Ère de l’Ancienne République

Coruscant 8H30 matin – heure locale – Arrivée à Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !

- L’officier Barker ? dit Reja d’une voix calme et maîtrisée. Je ne comprends pas. Il ne t’avait pas interrogé hier soir et relâché ce matin.
      Le comlink roula à ses pieds. Strask avait sorti les jumelles de la boîte à gants et à travers elle il distinguait la face glabre de l'officier dissimulée sous sa casquette. Son sourire narquois lui matraquait le cœur et l'estomac. Il passa les jumelles à Reja qui jeta à son tour un coup d'œil appuyé. Si jamais l'officier Barker avait l'idée de le faire fouiller, il serait arrêté avec à charge une preuve qui n'en était pas une.
- C'est fichu Reja.
- Il ne nous a pas encore vu. Y a-t-il une autre entrée ?
- Oui à l'ouest c'est l'entrée utilisée par le personnel technique de laboratoire mais je connais le code pour l'ouvrir...
       Avant même que Strask eut terminé sa phrase, Reja avait lancé un coup de volant bien senti. Le speeder effectua une embardée coupant la priorité à un transporteur qui lui répondit par de vives insultes.
- Ne vaut-il pas mieux faire demi-tour ?
- Non il faut que j'accède au bureau.
- C'est pour parler avec ton père ? Le premier bar pourrait faire l'affaire je peux toujours t'avancer les crédits.
- Non Reja, j'insiste. Je sens que c'est nécessaire.
- Toi aussi ?
      Strask ne comprit pas sa dernière remarque mais décida de ne pas s'y attarder.
- Tu sais j'y ai beaucoup pensé.
      En vérité Strask savait qu’il balançait entre la vérité et le mensonge. Il n'avait pas forcément chercher à y réfléchir particulièrement. Mais son cerveau avait continué à opérer de son côté de façon lente et inconsciente, digérant cette tâche secondaire à la manière d'un sarlac.
Reja suivait scrupuleusement les indications fournies par Strask.
- Il y aura peut-être encore des têtes d’œufs qui attendront, au moins devant le bureau.
- Oui j'y ai songé mais le bureau possède plusieurs entrées dont une plus discrète, dissimulé derrière le rideau. J'ai donc l'espoir que toutes les issues n'ont pas été couvertes. Ensuite, en tant que directeur, je suis le seul avec le doyen, et la conciergerie à disposer des clés pour accéder à cette salle.
- J'ai compris. Coupa Reja convaincue.
  Ils s'arrêtèrent devant l'entrée. Au contraire des colonnes, le tout ressemblait à une petite cabane en permabéton. Une odeur singulière s’en dégageait du fait des containers à ordures remplies de divers déchets allant de l'alimentaire au métallique, un droïde usager pas encore désactivé tendait son bras et murmurait faiblement des propos inaudibles.
  Devant l'entrée, se tenait comme s'en doutait Strask une face glabre à la fourrure sur sa tête bouclés et grasse comme un Wookie. Il avait une main dans la poche de sa blouse, l'autre, tenant un petit bâton qui dégageait de la fumée.
- Salut Strask, ça fait un bout de temps que je t'avais pas vu.
- Salut Anton toujours sur tes bâtons de la mort.
- Bonjour Anton, dit Reja méfiante.
  Anton souriait comme l'officier Barker. Une sorte de rictus ironique qui ne méttait jamais à l'aise. Les premiers jours de son arrivée, pour une raison qui ne lui paraissait pas si claire, l'identifiant que devait utiliser Strask pour l'entrée des enseignants chercheurs et des étudiants ne fonctionnaient pas. Sans présenter la moindre excuse, une autre face glabre à l’entrée lui avait filé en attendant un identifiant pour passer par l'entrée des techniciens de laboratoire. C'est ainsi qu'il avait fait connaissance d'Anton.
  De ce qu'il avait compris de leurs brefs échanges, il n'avait jamais réussi à briguer un poste de conférencier. Suite à une mauvaise manipulation en laboratoire, il avait été rétrogradé au stade de technicien. Sa carrière fichue, son nom effacé des plus grands de la galaxie, il ne lui restait plus qu'à vivre, et à surveiller à plus ou moins grande distance les progrès de sa fille, également étudiante à l'université.
  Parfois, Strask discutait de ses recherches avec lui, restant le plus évasif possible.
  Anton bloquait de façon nonchalante l'entrée. Par rapport à la moyenne, sa stature se révélait plutôt grande pour un humain.
- C'est sympa que tu reviennes faire un tour du côté de la porte des artistes. On aurait pu croire qu'un professeur une fois son identifiant bien officiel en poche ne s’embêterait plus à passer par ce genre d'endroit.
- Écoute, dit Strask, qui commençait à sentir un début d'incident venir, on veut juste passer, nos identifiants ne fonctionnent plus pour une raison qui m'échappe.
 Mais Anton ne bougea pas et fixa d'un regard un peu vague un point situé entre Reja et Strask.
- Ce serait vraiment dommage. Dommage pour ta réputation. Tu sais, j'ai eu une première visite des autorités hier soir. Imagine s’il repasse tout à l'heure et qu'il me demande si j’ai vu des personnes, ce serait pas très bien vu, tu penses bien, de ne pas leur dire la vérité. Pourtant, tu sais que je te respecte et que je tiens à ta réputation.
- Où veux tu en venir ?
  Anton lui lança un regard appuyé, sa tête penchée lui rappelait certaines figures de statues Abo de Korriban.
- Ça suffit, voici tous mes crédits que j'ai sur moi laisse nous passer et surtout ne dis rien à personne.
C'était Reja qui avait parlé, la machoîre serrée. Strask en fit de même. Anton ricana et leur laissa le passage dans un ample mouvement sarcastique. L'odeur du bâton de la mort les entêtant.
- Tu ne lui as pas tout donné ? demanda Strask une fois la porte descendue.
- Non bien sûr que non.
- Tu sais Anton reste un bon technicien de laboratoire. Il n'est juste pas très heureux.
- J'en doute pas.
- Je reconnais aussi qu'une carrière doit s'écrire avec de l'ambition et qu'elle ne s'arrête pas à un échec même cuisant.
- Je suis bien d'accord avec toi.
     Ils franchirent en succession des escaliers à peine éclairés. Ces derniers étaient un peu les coulisses de l'université. Ils consistaient en une sorte de labyrinthe qui reliait pour celui qui prenait le temps de s'y intéresser les différents bureaux de l'Académie.
       Strask écarta le rideau bleu sur-plié du bureau du docteur Adawi. Ils étaient enfin arrivés.


  Rien n'avait particulièrement changé dans ce bureau. La lumière filtrée à travers les stores laissaient percevoir un paysage où le ciel reprenait son droit sur les bâtiments, l’inverse du centre administratif d’où Strask était parti. Le ciel gris restait clair permettant d'éclairer sans grande difficulté la large pièce.
  Machinalement, quoique avec lenteur, Strask caressa du bout des ongles son bureau puis celui du docteur Adawi qui occupait une place centrale. Strask sortit son comlink et appuya sur le bouton d'enregistrement.
  « Je suis actuellement dans le bureau du docteur Adawi. Cela faisait depuis sa mort que je n'avais pas remis les pieds ici. Je ne me sens pas particulièrement à l'aise. Est-ce peut-être le fait d’observer un bureau aussi large vide ?
  « J'ai l'impression pour reprendre les termes de feu docteur de moi aussi être suivi. La salle est vide, froide, silencieuse et je vois un courant d'air qui agite légèrement la tenture en face de moi.
  « Je vais maintenant prendre contact avec mon père. »
  Strask glissa subrepticement un des petits bibelots posés sur le bureau dans sa poche. Il désigna d’un doigt à Reja un point juste à côté du système de communication.
- C'est là qu'il était ?
- Oui, c'est là où j'ai trouvé son corps.
 Reja restait interdite.
- Comment était-il ?
 Strask se rapprocha du système de communication. Si son instinct était exact, cela devait venir de la tenture. Reja se rapprocha de lui. Elle aussi semblait également mal à l'aise. Il glissa à nouveau une main dans sa poche.
- Fracassé, des coups vif dans le crâne. Le contenu de sa cervelle coulait sur le tapis.
- Une matraque ?
- Oui c'est ce que je pense.
- Ce n'est pas une arme ordinaire.
- C'est certain ! Strask se retourna et lança de toutes ses forces le bibelot qu'il avait récupéré vers la draperie. Avec la satisfaction d’entendre du matériel se briser Strask constata que son projectile s'était fracassé sur sa cible. Devant leurs yeux, une silhouette élancée et sombre se dégageait de la tenture. Un de ces trois larges yeux brillants avait été crevé par le bibelot tandis que son corps apparaissait et disparaissait par endroits à la manière d'un hologramme perturbé dans un réseau inégal. Sans se laisser déstabiliser par la manœuvre audacieuse de Strask, la chose fondit sur eux, dégainant une matraque accrochée à sa jambe. Celle-ci émit un bourdonnement.
  Strask ne trouva pas le temps de lever ses bras pour se protéger du coup. Mais au dernier moment, il sentit une paire de mains le repousser. C'était Reja. Avec horreur, tandis qu'il basculait, Strask vit Reja recevoir un coup de matraque en pleine tête. Son corps parcouru de décharges électriques roula sur le tapis avant de s’écraser. Son voile était déchiré, et avant qu’une main ne le saisit par l’épaule et le plaqua contre la baie vitrée, il crut voir du sang couler de son nez fracassé.

  Écrasé de toutes ses forces contre le mur, à présent que l’agresseur lui faisait face, Strask comprit qu’il portait un masque qui devait lui permettre de se mouvoir dans l’obscurité. A travers ses trois yeux brillants, deux bien réels s’en dégageaient. Sa tenue devait certainement comporter des capteurs lui permettant de dissimuler sa présence. Le sang lui battait aux oreilles, et il avait de nouveau mal à la tête. Impuissant, Strask leva les bras pour se protéger d’un autre coup de matraque, murmurant à son attaquant de l’épargner.

  L’assassin d’Adawi – il n’y avait plus lieu d’en douter - commençait à arracher ses poches. Cédant à un instinct Strask se jeta sur son agresseur. Plus précisément, comme lui avait enseigné sa formation à Bothawui, il entoura ses bras à la manière d’un étau autour du bras qui portait la matraque. Serrant de toutes ses forces pour l’empêcher de se dégager, profitant de la surprise de son assaillant, Strask enchaîna avec une série de coups de genoux cherchant à faire basculer son adversaire. Il mordit à pleine dent son avant bras.

  Strask sentait son adversaire reculer. Renforcé par son audace, il chercha à faire passer une de ses jambes à travers celles de son ennemi afin de crocheter l’articulation de son genoux. Mais sans prévenir, il sentit un corps froid et aiguisé lui transpercer le dos à plusieurs reprises. Tournant sa tête, Strask perçut un éclair cortosien. Son assaillant, loin d’être aussi déstabilisé qu’il ne l’avait supposé, avait brandi de son autre main valide un poignard. Strask sentit ses pieds quitter le sol. Avec une force démentielle, l’assassin le soulevait par son bras neutralisé et le rejeta contre son propre bureau qui bascula au contact de son corps projeté. Son comlink roula devant lui.

  Le bureau de recherche tout entier lui apparaissait à l’envers. Du sang coulait dans sa bouche, son front avait été fendu par l’impact. Il n’arrivait plus à penser, tout tournait autour de lui. La créature s’approchait de lui, une lame ensanglantée dans une main, de l’autre la matraque bourdonnante. Strask ne put s’empêcher de revoir l’image furtive du docteur Adawi, le contenu de son encéphale répandu par terre.

  Dans un dernier cri, son agresseur leva la batte. Deux éclairs de lumière rouge traversèrent la pièce, et frappèrent aux épaules l’ombre qui laissa en réponse sa lame tomber à ses pieds. Blessée, elle effectua une roulade pour se cacher derrière le bureau du docteur Adawi. En cherchant à se relever, Strask, endolori, constata que son comlink avait disparu. L’ombre la tenait entre ses mains l’approchant de la partie basse de son visage.

  Des bruits, des cris commençaient à venir de l’entrée principale. Bientôt, les officiels accompagnés de leurs têtes d’œufs ouvriraient la porte. L’ombre se releva, fixant un instant Strask avant de s’enfuir par le rideau surplié. Titubant Strask alla ramasser son commutateur. Il en était convaincu. Qui que fut cet assassin il avait recherché la dernière pièce de l’holocron et lui avait laissé un message.

  D’un pas inégal, une main posée sur son flanc -il avait l’impression qu’un de ses os était brisé et se baladait- Strask s’approcha de Reja. Les yeux fermés, ses bras demeuraient tendus, ses mains serrées autour d’un blaster. Sa robe légèrement relevée révélait un holster. En voyant cela, malgré sa profonde indifférence pour la race humaine en général, Strask ne put cacher un sentiment d’admiration pour Reja. Strask lui saisit la main.

- Reja, Reja, si tu m’entends, serre-moi la main.

Rassuré, il sentit la main de Reja se resserrer.

- L’agresseur a laissé un message sur mon comlink... Ils vont nous interroger, nous fouiller … Je joue gros, mais je veux que tu récupères le comlink. Écoute le message qui est écrit dessus. Avec un peu de chance, ils ne se poseront pas de questions si c’est toi qui a un commutateur. Ils ne savent pas qu’il est modifié pour m’enregistrer. Serre moi la main si tu es d’accord.

  Strask eut l’impression d’attendre une éternité. A chaque respiration, le tapis lui semblait plus proche. Reja resserra à nouveau sa main. Strask souffla soulagé, il eut juste le temps de glisser le comlinkndans la poche de sa robe avant qu’un halo de lumière bleu l’inonde. Strask sentit sa tête s’écrasa sur le sol.

  Même paralysé, son regard s’écarquilla. Parmi les bottes en armure blanche plastoïde celles d’un officier se rapprochaient avec douceur de sa position. Sous les reflets de la lumière striée du bureau l’œil de verre de l’officier brillait encore plus. Le visage mutilé par une cicatrice qui descendait de son œil brillant comme un autre sourire sarcastique, l’officier Barker se pencha pour regarder d’un air intéressé le visage de Strask.

- Bonjour Professeur Breil’lya, dit l’officier d’une voix posée, quel plaisir de vous revoir à nouveau.

Puis d’un geste d’un doigt ganté, il ajouta :

- Passez leur les menottes. Vous, fouillez à nouveau le bureau. La fille est blessée ?

- Légèrement Monsieur.

- Quant à vous, le rideau a été arraché, et les tables renversées, je veux savoir ce qu’il s’y cache. Vous deux, transportez la jusqu’au centre de soin le plus proche. Nous l’interrogerons en temps utile.

  Tout en donnant ses ordres, Strask vit la main de l’officier disparaître de son champ de vision tandis qu’il accédait à son corps. Avec une satisfaction qu’il ne chercha plus à dissimuler derrière une quelconque contenance, l’officier Barker fit danser devant les yeux de Strask le torre enrobé dans son tissu. Il lui murmura dans un souffle.

- Je vous tiens professeur.

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