Impossible
Je suis sidérée. Je m’effondre sur le sol. Mes pensées se bousculent, mes sentiments sont brouillés. Mon père s’appelait donc Klaüs Ravilya Atsurui. Et il m’a vu lorsque j’ai été bébé. Et il est… mort ? Mais quand ? Pourquoi ? Je ne comprends pas : ma mère m’a caché son existence mais dans quel but ? J’ai du mal à remettre de l’ordre dans mes idées… Mon cœur bat si vite que j’en ai mal. Je me relève doucement et m’allonge sur le clic-clac, un bras posé devant mes yeux. Je n’arrive pas à y croire. Je récupère l’enveloppe et regarde plus attentivement le cachet du cabinet ainsi que les armoiries au dos. Puis je relis la lettre une bonne dizaine de fois. Outre le fait que je découvre l’identité de mon père, j’apprends qu’il était riche et… que je viens d’hériter d’un manoir en Écosse !
Non. C’est impossible. Ma mère ne m’aurait jamais caché une chose pareille. C’est une blague et une blague de très mauvais goût. Je décide de mettre tout ceci de côté et ouvre mes cahiers afin de réviser mes examens de fin d’année. Il m’est impossible de me concentrer. A contre cœur, je reprends la lettre pour l’étudier attentivement. Personne, hormis ma mère ne connaissait mon prénom Alyana. De même, ma mère se faisait appeler Mélanie, disant qu’elle a reçu trop de moquerie à cause de son prénom peu commun. Cette personne, cet homme connaissait les deux. De plus, il a employé le terme « titan ». Que voulait-il dire ? Il est vrai aussi que je suis ce que l’on peut appeler rousse, bien que ma couleur de cheveux soit vraiment plus proche du rouge sang que du roux, tellement que la plupart des gens pensent que je les teins. Il me semble que les écossaises soient rousses en majorité, non ? Plus je cherche de réponses, plus j’ai des questions. Je prend mon manteau et sort de l’appartement en claquant la porte.
J’erre sans but dans la ville. Marcher m’a toujours aidé à réfléchir mais en ce moment ma tête est complètement vide. Je finis par me retrouver devant le parc municipal et m’assois sur un banc en face de l’étang factice, créé de toutes pièces soit-disant pour attirer les oiseaux migrateurs. Il ne ressemble à rien ce lac… Je souris pour la première fois de la journée et ferme les yeux. Dans mon esprit, l’image d’un vaste lac au milieu d’une magnifique forêt se télescope : j’en perçoit même les effluves et les cris des animaux. J’ouvre les yeux en sursautant, faisant fuir un chat errant en recherche de caresses (et sûrement de nourriture). Je finis assise à même le sol et pose ma tête sur mes genoux. Joyeux dix-huit ans Yona ! Je décide de rentrer à l’appartement, il ne sert plus à rien de rester dehors, de plus le froid commence à se faire sentir. Je n’ai que mon petit déjeuner sur l’estomac, aussi je décide de faire un arrêt à mon restaurant japonais favori et me commande un plateau de sushis et une bouteille de saké.
Une vingtaine de minutes plus tard, je suis rentrée à la « maison » : la lettre et son enveloppe sont posées sur la table, juste derrière mon plat de sushis. La bouteille de saké à moitié entamée, je songe qu’il y a peut-être une solution… contacter ce Mr Alphonse… C’est vrai que je n’y avais pas pensé : un des moyens de savoir si cette lettre est réelle est de vérifier l’existence du cabinet d’avocat. Je prends mon ordinateur et tape « Cabinet d’avocat Strauss et Cie General Valley Écosse ». Quelle n’est pas ma surprise de découvrir qu’effectivement ce cabinet existe bel et bien et que le principal actionnaire est Maître Alphonse Strauss ! Je tombe des nues. Il y a un mail et un numéro de téléphone. Je ne sais pas quoi faire et personne vers qui me tourner pour prendre conseil. Je suis complètement perdue.
Et là, je réalise ma solitude. Il m’arrive quelque chose d’extraordinaire et je n’ai personne avec qui partager cela. Après tout, si je partais je manquerai à qui ? Je n’ai absolument personne. Personne. J’ouvre ma boîte mail et me décide à envoyer un message à Maître Alphonse Strauss.
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