La chambre

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Les lueurs de l’aube pointaient le bout de ses couleurs. Mme Arrietty stoppe son récit et pose une main sur mon visage pour y essuyer une larme qui passait par là. Son histoire me touchait énormément, j’en éprouve même un brin de jalousie : elle avait connu mon père, cet homme qui m’avait fait défaut toute ma vie. Certaines choses me paraissent tout de même invraisemblables… Qui peuvent être ces Titans dont la taille avoisinerait les quatre mètres voire plus et qui habiteraient dans… un autre monde ? Il me semble aussi qu’elle ait parlé de magie ? De pièce d’or ? Ma tête se mit à m’élancer de nouveau… Je sentais comme un engourdissement dans les membres inférieurs, certainement le fait d’être rester assise une bonne partie de la nuit… Je décide d’aller me coucher. Avant cela, je demande à Mme Arietty où était son fils actuellement et quel âge il avait. « Il aurait eu trente quatre ans le mois prochain, Mademoiselle. » me répond-elle avec une tristesse infinie. Des larmes se mettent à rouler dans ses yeux. Je comprends alors sa douleur et la partage : elle avait perdu son fils comme j’avais perdu ma mère. Je n’ai pas pu m’empêcher de la prendre dans mes bras : bien que surprise par cet élan d'affection, elle accepta bien volontiers mon étreinte. De retour dans ma chambre, je me roulais en boule sur l'immense lit et m'endormis presque instantanément. Je rêvais d'un monde merveilleux, baigné de magie et d'un homme à la peau mate, aux yeux verts et à la longue chevelure noire…

Gênée par un rayon de soleil, j’entrouvre les yeux. Le récit de la veille encore bien présent dans ma tête, je me lève et passe à la salle de bain attenante. Mon jean me serre…

Quelle idée aussi de dormir en jean ?

Je l'enlève assez péniblement. Il en est de même pour mon T-shirt dont les coutures craquent quand je le passe au-dessus de la tête. Je me mets sous le jet d'eau chaude : elle me fait un bien fou, j'oublie pendant quelques instants où et qui je suis.

D'ailleurs qui suis-je réellement ? Suis-je prête à croire toute cette histoire ? Cela reviendrait à dire que je suis quoi ? Mi-humaine mi-titan ? Quelque chose me gêne au bout de mes doigts : j’ouvre les yeux et j’aperçois des petits bouts de glace sur mes mains. Elles fondent rapidement sous la chaleur du jet d’eau.

Je suis absolument certaine d’avoir vu des morceaux de glace.

Au moment où je pense au mot « glace », le jet d’eau se refroidit et se transforme en sculpture glacée qui éclate en une pluie scintillante sous la chaleur ambiante. J’en reste pantois. Je ferme le robinet, sort de la douche et m’habille. Je regarde mes mains et j’ai l’impression qu’elles ont changé. En passant devant le miroir, je m’observe : oui quelque chose a bel et bien changé en moi mais je n’arrive pas à dire quoi. Je passe au dressing et adopte une robe longue couleur turquoise et me met des sandales. Elles sont pile à ma taille.

Étrange.

Avant de sortir de la pièce, je prends mon pendentif et le passe autour du cou. Je ne sais pas pourquoi mais avec lui, je me sens forte.

Je descends les escaliers et me dirige vers la cuisine où j’espère trouver Mme Arrietty. Abigaëlle. C’est ainsi qu’elle veut que je la nomme. Je regarde mes mains et pense « glace » mais rien ne se passe. Je n’ai pourtant pas rêvé. J’arrive à la cuisine et ne trouve personne. Je me sers un café et me dirige vers le bureau de mon père. Je ne sais pas ce que je cherche mais c’est ici que j’ai envie d’être. J’entre et me dirige vers la bibliothèque. Je frôle du bout des doigts la tranche des livres en pensant qu’ils ont tous appartenu à mon père, à Klaüs Ravilya Atsurui. Et moi je suis Alyana Richard Atsurui. Je souris et dis tout haut « Alyana Ravilya Richard Atsurui ». J’entends un déclic et une partie de la bibliothèque se met à coulisser sur elle-même révélant une pièce secrète.

Je me crois dans un film d’espionnage. J’entre dans ladite pièce : il fait sombre et l’endroit est poussiéreux. Devant moi se dresse une fresque énorme : un homme d’une beauté incroyable se dresse fièrement sur un cheval aussi noir que la nuit. Ses cheveux sont d’un rouge aussi profond que les miens et ses yeux sont vairons, à une seule différence près : celui qui est vert est entouré d’un liseré rouge sang bien visible. Il porte une cape noire aux reflets d’argents sur une tenue d’un bleu que je n’avais jamais vu. Je suis subjuguée par cette peinture. Je m'approche pour la toucher et...

« -Mademoiselle Yona ? Où êtes-vous ? »

Avec un sursaut, je me précipite en dehors de la pièce et prononce mon nom à voix haute espérant refermer la porte. Vite, je prend un livre dans la bibliothèque et m’assois dans le grand fauteuil en cuir blanc. Mon instinct me dicte que personne ne doit connaître l’existence de cette pièce. Si elle était aussi poussiéreuse c’est que ni Me Alphonse ni Abigaëlle n’y avaient accès. Au moment où le mur de livres se remet en place, Me Alphonse apparaît au seuil de la porte. Il me demande si je peux lui accorder un peu de temps. Cette requête m’étonne un peu mais j’accepte. Il me dirige à l’étage vers une double porte sur laquelle sont gravées les initiales KRA : la chambre de mon père.

J’entre non sans une pointe d’appréhension. Tout la chambre est en matériau naturel : le parquet est semblable à celui de son bureau, le lit gigantesque est en rondin et la cheminée est montée à l’aide d’énormes rochers empilés l’un sur l’autre. Sur le matelas est posé une fourrure, sûrement celle du récit d’Abigaëlle. Je m’approche pour la toucher : elle est étonnamment douce et fournie. Me Alphonse m’apprend que c’est une vraie fourrure, en revanche de quel animal vient-elle il n’en a aucune idée. Je souris : elle doit appartenir à un animal inconnu dans un autre monde… Un monde de magie et d’homme aux tailles hors normes. Je me surprends : j'ai vraiment envie de croire à cette histoire… En levant les yeux, je remarque que les rideaux sont de velours rouges, avec en filigrane des fils couleur or.

« - Le rouge était la couleur préférée de votre père mais je suppose que vous l’aviez compris.

- Il est vrai que dans ce manoir, il est omniprésent.

- Votre père a entièrement fait cette chambre de ses mains : il y tenait beaucoup. Il semblerait que cet endroit lui rappelait son chez-lui.

- Pourquoi m’avez-vous emmené ici, Me Alphonse?

- Je devais vous offrir ceci. »

Il s’approche de la commode et en sort un coffret tout en longueur. Me Alphonse me le remet ainsi qu’un petit trousseau contenant quatre clés. Je les prends dans mes mains et sens une onde de chaleur me parcourir le corps. Tiens, comme lorsque j’ai ouvert la porte de son bureau. Mes yeux s’embuent sans que je sache pourquoi. Me Alphonse me tends un mouchoir en soie puis me laisse seule dans la pièce.

Je pose l’objet sur l’immense lit et fait le tour de la chambre. Près de la fenêtre, sur son montant je remarque une gravure faite au couteau : un K et un M entrelacés au centre d’un cœur ailé. Une larme coule le long de ma joue : je réalise que mes parents se sont aimés. Une question me taraude : pourquoi se sont-ils séparés ? Serait-ce la différence sociale ? Je continue mon exploration. J’arrive près de la cheminée éteinte où les armoiries sont gravées dans la roche brute. Je sens mon bijou vibré sur ma poitrine. Je le prends en main : il s’éclaire d’abord faiblement puis se met à luire franchement. Je regarde la cheminée et où les armoiries se sont mises elles aussi à briller. Je rapproche les deux et sens une petite décharge électrique remontée le long de mon bras.

Je vois une ligne lumineuse verte se découper dans la roche et former un carré qui tombe par terre. Dans une petite encoche se trouve un petit carnet relié, recouvert de cuir où sont estampillées les armoiries familiales. Je le prends délicatement dans mes mains. Je me dirige vers le lit, m'allonge sur l'épaisse fourrure et l’ouvre.

Livre de magie, volet 1

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