Ce que je tais (2)
Nos pieds sur le trottoir claquent et comptent les pas.
Au-dessus, nos compteurs, chrono-maîtres insomniaques,
défalquent nos heures du crédit de nos vies. Sans heurts.
Et nos mains serrées l’une dans l’autre se soutiennent.
Silence.
Silence des hommes.
D’ailleurs il n’y a personne ;
que le vent du Nord vers le sud
et nos talons qui frappent le béton
au rythme de nos saisons.
Je t’aime.
Je me tais.
Nous avançons bien droits, les yeux rivés sur ce point utopié.
Tu sais, ce rêve qui battait dans nos confidences nocturnes,
sans que rien ne nous insurge,
Hier ; quand nos étreintes se moquaient des années,
distraitement se prenaient pour l’éternité.
Nous disions : demain nous serons là-bas,
sur ce trait de lumière dansant sous nos cieux,
heureux et fiers,
si fiers,
indemnes,
oui, parce que nous aurons duré sans accroc,
sans âge,
sans accrochage,
sages images,
lissés,
lavés de toute aspérité.
Toi, ma chérie brune aux yeux trempés de lumière chaude
et moi riche de tes caresses de l’aube à l’aube.
Nous l’avions écrit dans nos nuits
Nous l’avions écrit dans nos vies
et forts de nos certitudes
sans efforts,
nous cheminions dans nos habitudes ;
bouche contre bouche,
goulus, nus
nos espoirs scellés dans un baiser ;
nous l’avions crié dans notre monde
ce territoire de nos corps partagés.
Nous, jeunes aimants passés de l’or de notre jeunesse,
à l’âge de l’or dans nos noces,
de l’ivresse des grands espaces sous nos yeux qui les embrassent,
à l’angoisse d’une géographie trop étroite pour nos mémoires dilatées.
Voilà ce que je tais.
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